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« Ma priorité, c'est l'intégration »

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Secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Marie- Thérèse Boisseau se réjouit des arbitrages budgétaires rendus dans ses domaines d'intervention. Et confirme qu'une meilleure intégration dans la société sera la priorité de son ministère.

Actualités sociales hebdomadaires : Comment accueillez-vous le projet de budget de la sécurité sociale ?

Marie-Thérèse Boisseau : Nos crédits devraient augmenter nettement et c'est formidable dans le contexte difficile que nous connaissons. Cela va nous autoriser, notamment, à doubler le nombre de créations de places en maisons d'accueil spécialisées  (MAS) et en foyers à double tarification. Au lieu des 1 100 prévues, nous pourrons en financer 2 200 cette année. Cela ne sera pas de trop ! Beaucoup de places autorisées par les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale attendent désespérément leur financement. Quand je vais à l'Assemblée ou que je me déplace sur le terrain, les sollicitations sont incessantes à cet égard.

Ce budget va aussi nous permettre - et je m'en réjouis - d'accroître les crédits pour le maintien à domicile et de favoriser ainsi l'aide aux aidants, l'accueil temporaire, etc.

Le projet de budget de l'Etat vous attribue aussi des crédits en augmentation...

- Les sommes inscrites au projet de loi de finances pour les personnes handicapées sont en augmentation de 5,6 % par rapport à 2002, dont 30 % pour les services déconcentrés (1). De quoi, là encore, doubler le nombre de places créées en centres d'aide par le travail  (CAT) et en ouvrir 3 000 au lieu de

1 500 en 2003. Nous allons aussi financer 700 nouveaux postes d'auxiliaires de vie, dont 300 pour des personnes très lourdement handicapées. Cela doit nous permettre également de développer le dispositif d'aide à l'intégration scolaire. Ces budgets concrétisent les engagements du président de la République et du gouvernement de faire de la politique relative aux personnes handicapées l'un des trois grands chantiers du quinquennat.

Nous savons qu'il y a du retard à rattraper. Depuis 20 ans, on a dépensé beaucoup plus pour les chômeurs que pour les 5 millions de personnes handicapées.

Comment s'est passée la rentrée scolaire ?

- C'est la meilleure depuis dix ans, selon mon collègue Luc Ferry, et je le vérifie sur le terrain à maints points de vue, mais je suis obligée d'apporter un bémol en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés. Sur ce point, on peut et on doit faire beaucoup mieux, en quantité et en qualité. J'ai rencontré récemment les Pupilles de l'enseignement public de Bretagne qui aident à l'intégration de 200 enfants handicapés mais ont dû en laisser 80 sur la touche, par manque d'auxiliaires de vie scolaire. Il faut absolument répondre mieux à la demande. Cette année, nous avons eu peu de temps pour nous retourner.

2 200 auxiliaires de vie scolaire sont en place grâce au secteur associatif. Auxquels il faut ajouter les aides-éducateurs mobilisés par l'Education nationale. Nous avons aussi prévu le financement de 300 « contrats Fillon » l'an prochain. Et dans l'immédiat, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ont reçu une consigne claire pour que tous les crédits inscrits à ce chapitre en 2002 soient effectivement utilisés. Notre premier souci, maintenant, c'est de consolider ces emplois. Nous nous inscrivons pleinement dans la politique du gouvernement qui a supprimé les emplois-jeunes : on doit pouvoir offrir mieux, dans la fonction publique, que ces emplois à temps limité et à bon marché. Un groupe de travail interministériel (Education nationale, Affaires sociales et Personnes handicapées), auquel sont conviées une quinzaine d'associations, se réunit dès le 17 octobre pour établir un bilan et réfléchir à l'avenir de ces emplois qui ont amplement démontré leur utilité. Nous voulons avancer vite, car il faut être prêts pour la rentrée 2003 et le projet de loi de finances 2004.

Vous souhaitez en faire un véritable métier ?

- Plus globalement, nous voulons créer un vrai métier d'auxiliaire de vie, trouver un statut et un financement pour ces personnels indispensables aussi pour le maintien à domicile. Il faut que chaque personne handicapée puisse choisir son mode et son lieu de vie.

Ma priorité, c'est la meilleure intégration possible des personnes handicapées dans la société. Partout : à l'école, au travail, dans l'habitat, en ville et dans le monde rural... En milieu ordinaire, chaque fois que c'est possible. Cela commence évidemment par l'école. Si les jeunes handicapés acquièrent une meilleure formation, ils trouveront plus facilement un emploi. Actuellement l'intégration professionnelle se fait au compte-gouttes parce que trop de personnes handicapées sont peu ou pas qualifiées. C'est une politique globale que nous engageons.

Aujourd'hui, il manque aussi des places en établissements...

- C'est pourquoi nous en créons ! En ce qui concerne les CAT, par exemple, j'espère bien résorber le déficit, estimé à 15 000 places, sur la durée du quinquennat, ce qui suppose un doublement du rythme de création par rapport à ces dernières années. Cela devrait permettre de libérer les quelque 4 000 places aujourd'hui occupées par des plus de 20 ans dans les établissements pour jeunes et enfants au titre de l'amendement Creton. A terme, nous pouvons aussi espérer que si l'intégration scolaire et professionnelle se fait mieux, il faudra moins de places en établissements spécialisés.

Vous confirmez la généralisation des sites pour la vie autonome ?

- 30 sites doivent être créés en 2003 dans les derniers départements qui n'en sont pas encore dotés. Nous allons au bout de l'expérience. A terme, je souhaite que ces sites ne traitent plus seulement des aides techniques, mais deviennent des lieux où les personnes handicapées trouveront toute l'information et les aides humaines nécessaires. On voit bien que beaucoup de parents ou de personnes sur qui s'abat soudainement un problème de handicap ne savent pas à quelle porte frapper. Ce qui ajoute « un handicap au handicap ». Il faut remédier à l'éparpillement actuel des interlocuteurs et créer à terme un lieu de ressources unique par département.

Etes-vous favorable à l'extension des compétences sociales des départe- ments ?

- Beaucoup des départements où je suis allée récemment comme la Loire, le Rhône, le Maine-et-Loire ou le mien, l'Ille-et-Vilaine, proposent d'aller dans ce sens - et l'Assemblée des départements de France le souhaite aussi. Je suis très favorable à l'expérimentation. Nous allons d'ailleurs, dans les 15 jours, faire des propositions en matière de décentralisation et de simplification au Premier ministre. Je réponds à une demande du gouvernement, mais aussi à mes convictions personnelles. Je souhaite multiplier les possibilités d'expérimentation, cela permet d'aller au fond des choses, d'avancer plus vite, de trouver des formules souples, innovantes. Quitte à normaliser par la suite, s'il le faut, pour essaimer ou généraliser.

Vous pensez à des exemples précis ?

- J'ai vu récemment des choses formidables en matière d'intégration scolaire dans la Loire. Et à Angers, une expérience d'accueil en appartements d'adultes han- dicapés moteurs lourds, avec toute la domotique et l'accompagnement humain nécessaire 24 heures sur 24. C'est une expérience « sportive », limite, ris- quée, mais ça marche ! Elle a été possible parce que tous les partenaires se sont mis autour de la table : c'est toujours une condition de la réussite.

Cela coûte cher, certes, mais pas plus que les places en maisons d'accueil spécialisées. Et les bénéficiaires, qui ont pour la plupart connu la vie en établissements, ne voudraient surtout pas revenir en arrière.

Nous devons avancer, y compris pour les handicapés mentaux ou psychiques, vers de nouvelles solutions, qui correspondent mieux aux aspirations de ce début de XXIe siècle. Certains pays nordiques n'ont déjà plus de grands établissements, seulement des petites unités de vie intégrées en milieu ordinaire.

Que répondez-vous aux associations qui réclament avec force une augmentation substantielle des allocations, notamment pour les adultes handicapés ?

- J'entends bien leur demande. Il faut y réfléchir. La replacer dans le contexte plus général du droit à compensation et des minima sociaux.

Et dans le cadre de la révision de la loi de 1975 ?

- Cette révision est nécessaire et nous y travaillons. Je reçois, consulte et prends beaucoup de contacts sur le terrain. Je compte présenter un projet de loi dans le courant 2003. Mais toutes mes propositions législatives auront d'abord été confrontées au réel.

Vous avez eu des mots assez durs sur le fonctionnement des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES)...

- Durs, vraiment ? Je ne suis pas là pour distribuer de bons et de mauvais points. Mais je suis exigeante dans l'intérêt des enfants. Trop souvent, les commissions départementales de l'éducation spéciale étudient des dossiers, c'est tout dire. Manquent-elles de moyens pour faire autrement ? Je vais aller voir sur place, avant d'en dire plus, sur les CDES comme sur les Cotorep. J'ai lu des propositions très intéressantes sur ce sujet - comme sur beaucoup d'autres - dans le récent rapport du Sénat (2). Ce qui est sûr, c'est que chaque enfant, chaque adulte, a droit à un traitement individuel. Le monde des valides est divers. Celui des personnes handicapées l'est dix fois plus !

Vous avez été enseignante-chercheuse en biologie médicale, puis députée depuis 1986. Qu'est-ce qui vous destinait à devenir secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ?

- Ce sont les hasards de la vie, les mêmes qui m'ont fait entrer en politique d'ailleurs. Je ne viens pas du secteur social, certes, mais c'est bien, aussi, de recruter un peu hors du sérail... Je me suis toujours beaucoup intéressée aux questions dont nous traitons dans ce ministère. Je connais tous les établissements de ma circonscription. J'ai été marquée par un de mes tout premiers rendez-vous d'élue à ma permanence, avec un homme qui venait plaider la cause de son frère, non admis en CAT par manque de place et qui, de ce fait, commençait à boire...

La noblesse de la politique, c'est de s'occuper des plus fragiles : les enfants, les personnes âgées, les chômeurs, les personnes handicapées... Dans une société où les inégalités n'ont jamais été aussi grandes, où la fracture sociale est partout, le rôle du politique, c'est de retricoter le tissu social, de lui redonner une cohérence, un sens. De ce point de vue, le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées est une position stratégique.

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  Voir ASH n° 2279 du 4-10-02.

(2)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.

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