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Projet de loi sur la sécurité intérieure : « une machine de guerre contre les pauvres », selon les associations

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Le projet de loi sur la sécurité intérieure,  annoncé par la loi d'orientation et de programmation votée en juillet dernier (1), devrait être déposé au Parlement dès le mois d'octobre, selon le ministère de l'Intérieur. Mais il a d'ores et déjà fait couler beaucoup d'encre. C'est le Syndicat de la magistrature (orienté à gauche) qui s'est manifesté le premier, le 24 septembre, en attirant l'attention sur les « importantes modifications du code de procédure pénale, mais également la création de nouveaux délits », contenues dans le texte élaboré « sans aucune information, ni consultation, ni concertation avec les organisations représentatives des professions judiciaires et des institutions de défense des droits de l'Homme ».

Parmi les principales dispositions du texte, dévoilées dans Le Monde daté du 27 septembre, figure le rétablissement du délit de mendicité, qui avait disparu du code pénal en 1994 et qui serait passible de six mois d'emprisonnement et de 7 500  € d'amende (2). La même peine serait désormais encourue par les participants à des rassemblements dans les halls d'immeubles générant des bruits ou entravant la libre circulation des personnes. Le racolage - qu'il soit passif ou actif, la distinction étant supprimée -deviendrait un délit punissable, lui aussi, de six mois d'emprisonnement et de 7 500  € d'amende, alors qu'il était jusqu'alors sanctionné par une simple contravention. En outre, toute personne étrangère coupable de racolage, de proxénétisme ou de trafic de stupéfiants se verrait retirer sa carte de séjour.

Par ailleurs, serait créé un « délit de violation de propriété pour installation illicite sur une propriété publique ou privée » passible de six mois d'emprisonnement et 3 000 € d'amende. Et si l'installation se fait « au moyen d'un véhicule automobile », celui-ci pourrait être saisi et le permis de conduire de son utilisateur suspendu jusqu'à trois ans. Une mesure visant évidemment les gens du voyage.

Le texte ainsi révélé par la presse n'est pas une version définitive mais un « document de travail », ont martelé ensemble le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et celui de la Justice. Il n'empêche que Nicolas Sarkozy en a, dans un com-muniqué du 26 septembre, tranquillement assumé la philosophie, voyant dans ce projet « la stricte application du mandat donné par le Parlement au gouvernement au travers de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure [...] et par le peuple français qui a clairement exprimé ses attentes en matière de sécurité ». Il expliquait le lendemain aux préfets, réunis place Beauvau, son souhait de créer « de nouvelles incriminations afin de réprimer des comportements qui ne sont pas seulement des incivilités, mais qui perturbent de manière inacceptable l'ordre public et la vie quotidienne de nos concitoyens ».

Les réactions associatives sont, naturellement, virulentes. Pour la Ligue des droits de l'Homme, il s'agit d'un projet de loi « terrifiant », qui « précipite notre pays vers une république autoritaire ». « Le 5 mai 2002, le peuple français a rejeté l'idéologie de Jean-Marie Le Pen. Ce gouvernement n'a pas reçu mandat de mettre en œuvre le programme de celui- ci », prévient l'organisation. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, de son côté, voit dans ce texte un « véritable arsenal liberticide » et « une machine de guerre contre les pauvres » qui ne peut qu' « aggraver l'exclusion, la précarité des populations les plus vulnérables » et constitue un « leurre dangereux »  : « Sans une politique résolue s'attaquant aux causes économiques et sociales de l'insécurité, sans action déterminée sur le terrain de la prévention et assortie de moyens à la mesure du défi, tout porte à craindre que ces mesures seront inefficaces et génératrices de tensions. »

Droit au logement s'indigne particulièrement des mesures concernant l'installation dans le bien immobilier d'autrui : « Ce projet est criminel pour les sans-logis, alors que les agglomérations françaises n'ont jamais connu autant de logements vides et aussi peu de logements à faibles loyers accessibles aux ménages à faibles ressources, car il leur interdit de se loger, voire de s'abriter. » « Le gouvernement a choisi de punir les populations victimes de la fracture sociale et de la crise du logement et d'interdire aux mouvements sociaux dans leur ensemble un large éventail d'actions collectives », poursuit l'association. Pour Act Up-Paris, « les sans-papiers vont devoir renoncer à se soigner, les prostitués vont devoir se terrer, la promiscuité et la surpopulation vont accentuer le manque d'hygiène dans les prisons, les usagers de drogues seront toujours plus criminalisés. De quoi anéantir 20 ans d'effort de lutte contre la précarité et le sida. »

Les organisations professionnelles de magistrats ne sont pas en reste. « En affichant sa volonté d'aller plus avant dans la violation des libertés individuelles, de poursuivre et d'incarcérer les mendiants et les nomades, le gouvernement a décidé d'en finir rapidement avec les principes de non- discrimination sociale, de droit au respect de la vie privée, qui sont garantis par les textes fondamentaux sur lesquels repose la démocratie », déplore le Syndicat de la magistrature. Tandis que Dominique Barella, le secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (modérée), estime que « le tout pénal ne peut pas être une solution ».

C.  G.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.

(2)  Il serait complété par un délit d'exploitation de la mendicité.

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