Si l'on en juge par le nombre de personnes qu'elle accompagne et par son volume d'activités, l'APAJH se porte bien. Mais, naturellement, nous avons tous été blessés et traumatisés par les événements de l'Yonne (2). Notre fédération n'a pu intervenir directement dans les affaires de ce comité départemental car elle n'avait pas de droit de regard dans les associations membres sans l'accord de leur président. Avec la réforme des statuts, qui devrait être votée à une large majorité à l'issue d'une longue concertation, nous adoptons un fonctionnement plus fédéral et plus solidaire. Nous créons un comité de vigilance, distinct des structures administratives et militantes, qui aura une mission de conseil, d'aide à l'évaluation et de contrôle, sur pièces et sur place, de toutes les associations membres. Nous veillerons à lui obtenir les moyens de son fonctionnement. Nous tirons ainsi les leçons de ces événements douloureux et nous répondons du même coup aux prescriptions de la loi du 2 janvier 2002 qui prévoit une évaluation interne de la gestion mais surtout de la qualité des services rendus. Nous nous donnons un an pour expérimenter une démarche qualité avec les associations départementales qui en ont déjà la pratique. Plus globalement, nous voulons renforcer la démocratie participative en nourrissant un dialogue permanent entre les handicapés et les familles, les professionnels et les militants associatifs. C'est vital pour des structures comme les nôtres qui ont un double rôle, gestionnaire et de représentation des usagers.
Même si les vocables ont changé, nous nous appuyons toujours sur les valeurs humanistes, laïques et citoyennes de nos fondateurs, Robert Séguy et Lucie Nouet. Ces deux instituteurs, qui cherchaient des débouchés professionnels pour les enfants « inadaptés » des classes « de perfectionnement », ont créé une association « tous handicaps » en affirmant - eux qui n'étaient ni handicapés ni parents de handicapés - que le handicap n'est pas seulement le problème des familles mais celui de la société tout entière. Et ils visaient avant tout une intégration en milieu ordinaire. Tout cela, qui était très neuf pour l'époque, reste d'actualité.
Tant mieux si cette idée a fait son chemin et si le président de la République lui-même place la définition d'une nouvelle politique du handicap au rang des priorités nationales. Il reste beaucoup à faire. Par exemple, pour concrétiser l'objectif du précédent gouvernement de doubler le nombre de jeunes handicapés scolarisés en milieu ordinaire - ce qui est, avec l'accompagnement nécessaire, tout à fait souhaitable et réalisable. Des impulsions intéressantes ont été données, par exemple avec la création de sites pour la vie autonome. Mais ils se heurtent à l'emboîtement des niveaux de compétences et à l'inégale motivation des financeurs locaux. Il faut établir une loi-cadre d'orientation et de programmation, qui organise un véritable maillage d'établissements et de services de proximité et qui garantisse un véritable droit à compensation, dont la traduction concrète dépasse le « coup par coup » et ne dépende pas des bonnes volontés locales. Nous voudrions aussi que le débat se poursuive autour de la couverture universelle d'un cinquième risque handicap-dépendance, qui permettrait de passer d'une politique d'aide sociale à connotation encore trop caritative à une véritable politique d'engagement solidaire. Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) APAJH : 26, rue du Chemin-Vert - 75011 Paris - Tél. 01 48 07 25 88.
(2) Voir ASH n° 2258 du 12-04-02.