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LA RÉFORME DE LA JUSTICE PÉNALE DES MINEURS

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A côté des sanctions éducatives et des centres éducatifs fermés, la loi du 9 septembre 2002 réforme en profondeur la procédure. Avec, à l'esprit, la volonté de mieux prendre en charge les mineurs délinquants, notamment les 13-16 ans.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice

(Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 et décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC du 29 août 2002, J.O. du 10-09-02, et circulaire DACG du 10 septembre 2002, à paraître au B.O.M.J.)

Plan du dossier

Dans le numéro n° 2276 du 13-09-02:

I - Les nouvelles réponses à la délinquance des mineurs

Dans ce numéro :

II - Les réformes procédurales

A - La retenue judiciaire des mineurs de 10 à 13 ans

B - Le placement sous contrôle judiciaire à partir de 13 ans

C - La détention provisoire des mineurs à partir de 13 ans

D - Le jugement à délai rapproché

E - Le mineur et le sursis avec mise à l'épreuve

 II - LES RÉFORMES PROCÉDURALES

La loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice comprend plusieurs dispositions sur la situation des mineurs avant leur éventuelle condamnation. Les conditions de la retenue judiciaire des mineurs de 10 à 13 ans sont assouplies et celles du contrôle judiciaire et du placement en détention provisoire des mineurs sont également modifiées. Dans un souci de plus grande célérité, la loi instaure par ailleurs une procédure de jugement à délai rapproché. Enfin, elle complète l'ordonnance du 2 février 1945 afin de préciser les conditions d'application, aux mineurs, du sursis avec mise à l'épreuve.

A - La retenue judiciaire des mineurs de 10 à 13 ans (art. 16)

L'ordonnance de 1945 (ord. 2 février 1945, art.4, I modifié) limite la garde à vue aux mineurs âgés de plus de 13 ans. Toutefois, l'enfant de 10 à 13 ans contre lequel il existait des indices graves et concordants laissant présumer qu'il avait commis (ou tenté de commettre) un crime ou un délit puni d'au moins 7 ans d'emprisonnement, pouvait être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire, avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisé dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants. Ce, pendant une durée qui ne pouvait excéder 10 heures.

Ces conditions sont assouplies (ord. 2 février 1945, art. 4, I modifié). Et la durée de la retenue judiciaire allongée. Le but : faciliter les enquêtes concernant ces mineurs.

L'ensemble de ces dispositions s'applique depuis le 12 septembre, date d'entrée en vigueur de la loi (circulaire du 10 septembre 2002).

1 - L'EXISTENCE D'INDICES GRAVES OU CONCORDANTS

La retenue judiciaire est désormais possible lorsqu'il existe des « indices graves ou concordants » laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre une infraction.

Le changement de conjonction - « ou » au lieu de « et » - permet d'abaisser le seuil à partir duquel les indices recueillis justifient la mesure.

2 - LE SEUIL DE L'EMPRISONNEMENT ENCOURU

Le seuil de l'emprisonnement encouru pour justifier la retenue est aussi réduit : l'infraction en cause peut dorénavant être punie de 5 ans d'emprisonnement, au lieu de 7.

Concrètement, cette modification permet de retenir des mineurs auteurs de violences ou de vol aggravés (commis en bande organisée, par exemple), d'agressions sexuelles autres que le viol ou soupçonnés de recel d'objets volés (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).

3 - LA DURÉE MAXIMALE DE LA RETENUE

Enfin, la durée maximale de la retenue est allongée, passant de 10 à 12 heures (soit la moitié de la durée autorisée pour la garde à vue des mineurs âgés de 13 à 18 ans). La durée maximale de son éventuelle prolongation est aussi portée à 12 heures.

B - Le placement sous contrôle judiciaire à partir de 13 ans (art. 17)

Le principe selon lequel les règles de droit commun du code de procédure pénale s'appliquent aux mineurs à partir de 13 ans en matière de contrôle judiciaire est réaffirmé (ord.2 février 1945, art. 10-2, I nouveau). Mais la loi Perben prévoit aussi désormais des dispositions spécifiques.

Pour mémoire, une personne mise en examen, présumée innocente, reste en principe libre. Toutefois, lorsqu'elle encourt une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave, elle peut être astreinte à un contrôle judiciaire qui la contraint à respecter certaines obligations énumérées par la loi. Jusqu'à présent, une telle mesure était possible pour l'ensemble des mineurs délinquants, mais, selon les travaux préparatoires, n'était appliquée, dans les faits, que pour les mineurs âgés de plus de 16 ans qui peuvent être placés en détention provisoire en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire. En 2001, 3 186 mineurs ont été placés sous contrôle judiciaire.

1 - LES MINEURS CONCERNÉS

a - Les mineurs de 13 à18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 en matière délictuelle

Peuvent être placés sous contrôle judiciaire les mineurs âgés de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière délictuelle dans les mêmes conditions que les majeurs. Ils doivent donc encourir une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave (code de procédure pénale [CPP], art. 138 inchangé).

b - Les mineurs de 13 à 16 ans en matière délictuelle

La loi prévoit des dispositions spécifiques pour les mineurs âgés de 13 à 16 ans mis en examen pour des délits (ord. 2 février 1945, art. 10-2, III nouveau). Ainsi, le contrôle judiciaire ne sera possible pour ces moins de 16 ans en matière correctionnelle qu'à deux conditions :

 le mineur doit encourir une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans  ;

 il doit déjà avoir fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives prononcées par le juge d'instruction, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine.

Le Conseil constitutionnel a validé cette procédure au motif que le contrôle judiciaire ne peut être prononcé que lorsque le justifient les circonstances, la gravité de l'infraction, les nécessités de l'enquête et la personnalité du mineur et au terme d'une procédure respectant les droits de la défense et la présomption d'innocence.

2 - LES OBLIGATIONS ASSORTIES

a - Les mineurs de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière délictuelle

Placé sous contrôle judiciaire, le mineur est soumis à des obligations qui sont celles également applicables aux majeurs. En outre, la loi du 9 septembre instaure des obligations spécifiques pour les mineurs délinquants.

Les obligations de droit commun

En application du principe selon lequel les règles de droit commun sont applicables aux mineurs sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la nouvelle loi, ces derniers peuvent notamment se voir imposer l'une ou les obligations suivantes (CPP, art. 138 inchangé)  :

 ne pas sortir de certaines limites territoriales ;

 ne pas s'absenter de leur domicile ;

 ne pas se rendre dans certains lieux ;

 informer le juge d'instruction de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;

 se présenter périodiquement ou répondre aux convocations des services désignés par le magistrat ;

 remettre leurs papiers d'identité ou leur permis de conduire ;

 s'abstenir de rencontrer certaines personnes ;

 se soumettre à un traitement ;

 fournir un cautionnement ;

 ne pas se livrer à l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;

 ne pas émettre de chèques ;

 ne pas détenir une arme ;

 constituer des sûretés personnelles ou réelles ou encore justifier de l'acquittement des charges de famille.

En cas de non-respect volontaire des obligations auxquelles le mineur a été soumis, le juge d'instruction peut décerner à l'encontre de la personne concernée un mandat de dépôt ou un mandat d'amener ou saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire (CPP, art. 141-2 inchangé).

Des obligations supplémentaires

Outre ces obligations de droit commun, le contrôle judiciaire applicable aux mineurs de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière délictuelle peut comprendre l'une ou les obligations suivantes, prises par ordonnance motivée (ord. 2 février 1945, art. 10-2, II nouveau)  :

 se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou un service habilité, choisi par le juge. «  L'objet de ces mesures, dont le contenu n'est pas précisé, est d'exercer une surveillance étroite du mineur concerné, sur le modèle de ce que prévoient les mesures de liberté surveillée  » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann)  ;

 respecter les conditions d'un placement, décidé par le magistrat, dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité (centre d'accueil, service de l'assistance à l'enfance, établissement hospitalier, institution d'éducation, de formation professionnelle ou de soins, centre de placement immédiat, centre éducatif renforcé...) et notamment dans un centre éducatif fermé. Ce placement ne peut alors être ordonné que pour une durée de 6 mois, renouvelable dans les mêmes conditions une seule fois.

Le contrôle du respect de ces obligations est confié aux responsables des services ou des centres qui accueillent le mineur. Et, en cas de non-respect de ces obligations, ils adresseront un rapport au juge des enfants ou au juge d'instruction saisi du dossier, copie de ce rapport étant envoyée au procureur de la République par ce magistrat.

S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations de ce contrôle judiciaire, ces jeunes peuvent être placés en détention provisoire.

Ces nouvelles obligations sont d'application immédiate, sauf en ce qui concerne la possibilité d'un placement dans un centre éducatif fermé, souligne la circulaire du 10 septembre. En effet, dans ce cas, cette disposition est subordonnée à la mise en place effective des centres fermés qui doivent être habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (1).

Le mineur incité à l'infraction par un majeur

La participation d'un mineur aux actes de violence (art. 25)

Les peines encourues en cas de vol et de violences sont désormais aggravées lorsque ces infractions ont été commises avec la participation d'un mineur agissant en qualité d'auteur ou de complice. L'objectif étant de lutter contre l'exploitation des mineurs par les adultes.

Pour mémoire, les violences sont davantage sanctionnées lorsqu'elles sont commises sur un mineur de 15 ans ou une personne particulièrement vulnérable, sur un ascendant, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, sur un témoin ou une victime, par un conjoint, par plusieurs personnes... Les peines sont en outre suraggravées lorsque plusieurs circonstances aggravantes sont réunies.

La loi Perben ajoute une nouvelle circonstance aggravante : le fait pour un majeur de se livrer à des violences avec l'aide ou l'assistance d'un mineur. Les articles 222-12 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours) et 222-13 (incapacité de travail de moins de 8 jours ou pas d'incapacité) sont modifiés en conséquence.

Concrètement, les violences perpétrées par des majeurs et des mineurs seront désormais punies de 7 ou 5 ans d'emprisonnement, selon l'incapacité, puisqu'elles auront été commises par plusieurs personnes et avec un mineur, soit deux circonstances aggravantes.

Le vol commis par un majeur avec l'aide d'un mineur (art.26)

Dans le même esprit, la nouvelle loi aggrave les sanctions pour les vols commis par des majeurs avec l'aide de mineurs. Elle ne complète pas la liste des circonstances aggravantes mais crée une infraction spécifique (CP, art.311-4-1 nouveau) .

Le vol est ainsi dorénavant puni de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000  € d'amende lorsqu'il est commis par un majeur avec l'aide d'un ou de plusieurs mineurs, agissant comme auteurs ou complices. Ces peines sont portées à 10 ans et 150 000  € lorsque le majeur est aidé d'un ou de plusieurs mineurs de moins de 13 ans.

La provocation d'un mineur à commettre un crime ou délit (art. 28)

Dans sa rédaction antérieure, l'article 227-1 du code pénal punissait de 5 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait de provoquer directement un mineur à commettre habituellement des crimes ou des délits. Peines portées à 7 ans et 150 000  e en cas de mineur de moins de 15 ans ou de faits commis à l'intérieur ou aux abords d'un établissement scolaire ou éducatif.

Les sénateurs ont jugé la condition d'habitude trop restrictive et ne permettant pas de sanctionner efficacement les majeurs incitant de manière ponctuelle des mineurs à commettre une infraction. D'où la suppression de cette condition qui devient, par ailleurs, une circonstance aggravante (CP, art. 227-21, al. 1 et 2 modifiés) .

b - Les mineurs de 13 à 16 ans en matière délictuelle

A l'égard des mineurs de 13 à 16 ans encourant une peine correctionnelle, le contrôle judiciaire ne peut se traduire que par l'obligation de respecter les conditions d'un placement qui aura lieu nécessairement dans un centre éducatif fermé, seul « à même », selon les députés « de garantir le suivi éducatif dont ces mineurs réitérants ont besoin » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann) (ord. 2 février 1945, art. 10-2, III nouveau).

Là encore, s'ils se soustraient aux obligations de ce contrôle judiciaire, ces mineurs de 13 à 16 ans pourront être placés en détention provisoire.

En tout état de cause, cette disposition, pour être effective, nécessite l'instauration des centres éducatifs fermés et la parution d'un décret en Conseil d'Etat.

Cette solution a été contestée par les sénateurs qui jugeaient paradoxal de limiter le contrôle judiciaire de ces mineurs âgés de 13 à 16 ans aux seuls centres éducatifs fermés, alors même que les mineurs de plus de 16 ans peuvent être notamment placés dans un foyer classique, dans un centre de placement immédiat ou dans un centre éducatif renforcé. En outre, ils ajoutaient que les centres éducatifs fermés n'étant pas encore créés, le contrôle judiciaire des mineurs âgés de 13 à 16 ans en matière correctionnelle risquait d'être inopérant (J.O. Sén. [C.R.] n° 31 du 27-07-02). De son côté, le ministre de la Justice, Dominique Perben, justifiait cette position des députés par la relation entre contrôle judiciaire et détention provisoire. En effet, la révocation du contrôle judiciaire peut entraîner le placement en détention provisoire. Or, autoriser le contrôle judiciaire dans d'autres structures que les centres éducatifs fermés équivaut, en substance, pour le garde des Sceaux, à élargir les possibilités de placement en détention provisoire des mineurs, en cas de révocation du contrôle judiciaire (J.O. Sén.[C.R.] n° 31 du 27-07-02).

3 - LA PROCÉDURE APPLICABLE

Même si le principe demeure l'application des règles du code pénal aux mineurs en matière de contrôle judiciaire, la loi du 9 septembre 2002 renforce le formalisme du placement sous contrôle judiciaire d'un mineur.

a - Les règles applicables à tous les mineurs

Alors que, pour les majeurs, le code de procédure pénale confie au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention le soin de décider, par ordonnance, du placement sous contrôle judiciaire d'une personne mise en examen qui encourt une peine d'emprisonnement, la mesure de contrôle judiciaire à l'égard des mineurs peut être décidée, selon les cas, par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention (ord. 2 février 1945, art. 10-2, II nouveau). Le magistrat statue pas ordonnance motivée ce qui, là-encore, distingue ce dispositif de celui applicable aux majeurs pour lesquels une simple ordonnance est retenue (CPP, art. 137-2 inchangé). Il est vrai toutefois que la Cour de cassation semble exiger une motivation sommaire de la décision de placement.

Le juge doit, en outre, notifier oralement au mineur, en présence de son avocat et de ses représentants légaux, les obligations qui lui sont imposées. Toutefois, cette notification pourra se faire hors de la présence de ces derniers, à condition que ceux-ci aient été dûment convoqués.

Le magistrat doit également rappeler au mineur qu'en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire, il pourra être placé en détention provisoire. Mention de ces notifications doit figurer au procès-verbal, qui devra être signé par le magistrat et le mineur.

Lorsque le contrôle judiciaire est décidé à l'occasion d'une remise en liberté, l'avocat du mineur sera convoqué par tout moyen et sans délai, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale (convocation de l'avocat aux interrogatoires par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard 5 jours ouvrables avant l'audition) étant explicitement écartées par la loi.

A noter : ces dispositions correspondent pour la plupart aux pratiques actuelles.

b - Les règles supplémentaires pour les mineurs de moins de 16 ans

En sus de ces règles, la loi du 9 septembre 2002, s'inspirant des garanties procédurales prévues à l'article 145 du code de procédure pénale pour le placement en détention provisoire, prévoit que le placement sous contrôle judiciaire de ces jeunes mineurs sera décidé par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel le ministère public développera ses réquisitions, avant que le mineur et son avocat ne fassent entendre leurs observations. Elle précise également que le magistrat pourra, le cas échéant, entendre le représentant du service qui a suivi le mineur.

C - La détention provisoire des mineurs à partir de 13 ans (art. 18)

Si une mesure de contrôle judiciaire paraît insuffisante ou en cas de non-respect des obligations qui y sont attachées, un mineur peut, à certaines conditions, être placé en détention provisoire. La loi Perben modifie les dispositions de l'ordonnance de 1945 sur les conditions de placement en détention provisoire des mineurs (ord. 2 février 1945, art. III modifié). Et insère un nouvel article qui limite la durée de la détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire (ord. 2 février 1945, art. II-2 nouveau).

Egalement contesté par les parlementaires de l'opposition, ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel.

1 - LES MINEURS CONCERNÉS

a - Les mineurs de 16 à 18 ans

Comme auparavant - si ce n'est les modifications résultant des changements intervenus dans le régime de la détention provisoire des majeurs, également applicables aux mineurs - les jeunes âgés de 16 ans révolus peuvent être directement placés en détention provisoire :

 s'ils encourent une peine criminelle. Dans ce cas, la durée de la détention provisoire est de un an au maximum avec 2 prolongations de 6 mois chacune possibles ;

 s'ils encourent une peine correctionnelle d'une durée supérieure ou égale à 3 ans - cette règle est la conséquence des modifications apportées par la loi au régime de la détention provisoire des majeurs (art. 37 de la loi ; CPP, art. 143-1, al. 4 supprimé). Dans cette hypothèse, la durée de la détention provisoire est de un mois maximum, si la peine encourue est inférieure ou égale à 7 ans d'emprisonnement (possibilité de prolongation pour 1 mois maximum) et de un an (prolongations comprises) si la peine encourue est supérieure à 7 ans d'emprisonnement.

En outre, ils peuvent l'être s'ils se sont soustraits volontairement aux obligations d'un contrôle judiciaire.

b - Les mineurs de 13 à 16 ans

Jusqu'à présent, les mineurs de 13 à 16 ans ne pouvaient être placés en détention provisoire qu'en matière criminelle. En revanche, lorsqu'il était soupçonné d'un délit, un mineur de 13 à 16 ans ne pouvait être placé en détention provisoire ni directement, ni après révocation d'un contrôle judiciaire.

Désormais, les mineurs âgés 13 ans révolus et de moins de 16 ans peuvent être placés en détention provisoire :

 soit s'ils encourent une peine criminelle. Dans ce cas, la durée de la détention provisoire ne peut excéder un an (6 mois renouvelable une fois)  ;

 soit s'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prévu en matière délictuelle .

La loi insère, par ailleurs, un nouvel article 11-2 limitant la durée de la détention provisoire de ces mineurs de 13 à 16 ans ordonnée dans cette seconde hypothèse, c'est-à-dire à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire. La durée de cette détention ne peut excéder :

 15 jours, renouvelable une fois, soit un mois pour un délit puni de moins de 10 ans d'emprisonnement. Lorsque plusieurs révocations du contrôle judiciaire sont prononcées, la durée cumulée de la détention ne peut excéder un mois ;

 un mois, renouvelable une fois (soit deux mois maximum) lorsque l'infraction en cause est un délit puni de 10 ans d'emprisonnement. Dans ce cas, si plusieurs révocations du contrôle judiciaire sont prononcées, la durée cumulée de la détention ne peut, cette fois, excéder 2 mois.

La détention des mineurs condamnés (art. 21, I 1°)

Tout en reprenant le principe selon lequel les conditions d'emprisonnement des mineurs sont définies par décret en Conseil d'Etat, la loi Perben inscrit dans l'ordonnance du 2 février 1945 le principe selon lequel l'emprisonnement des mineurs s'effectue soit dans un quartier spécial d'un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs. En fait, cette seconde catégorie, qui n'existe pas encore, est à créer. Pour ce faire, le gouvernement indique dans le rapport annexé à la loi sa volonté de construire ces nouveaux établissements, pour une capacité totale de 400 places. En outre, il affirme son intention de lancer des opérations de rénovation des quartiers spéciaux et d'y créer 500 places supplémentaires.

En pratique, les mineurs sont actuellement incarcérés dans des quartiers spécifiques des établissements pénitentiaires, dans des conditions relativement précaires, même si les effectifs du personnel de surveillance ont été sensiblement renforcés ces dernières années. Ces quartiers sont rarement isolés du reste de la détention, les mineurs étant ainsi amenés à côtoyer les détenus majeurs lors de leurs déplacement ou pour des activités spécifiques (unités de soins...).

2 - LES CONDITIONS DE PLACEMENT EN DÉTENTION PROVISOIRE

Quelles que soient les infractions reprochées aux mineurs (délit ou crime) ou dans l'hypothèse du non-respect des obligations d'un contrôle judiciaire, la décision de placer en détention provisoire est subordonnée à des conditions de fond. L'article 11 de l'ordonnance de 1945, qui les fixe, est modifié en vue d'énoncer plus clairement les cas dans lesquels un mineur peut être placé en détention provisoire. Ainsi, il dispose désormais que le mineur âgé de 13 à 18 ans mis en examen par le juge d'instruction ou le juge des enfants ne peut être placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, qu'à deux conditions cumulatives  :

 il apparaît - comme cela était prévu antérieurement - que cette mesure est « indispensable » ou qu'il est « impossible de prendre toute autre disposition »  ;

 les obligations du contrôle judiciaire doivent être insuffisantes. Cette disposition met ainsi en cohérence les dispositions applicables aux majeurs (CPP, art. 137-3 inchangé) et celles valables pour les mineurs.

Cette mesure est d'application immédiate, sauf en ce qui concerne l'hypothèse de révocation du contrôle judiciaire des 13-16 ans en matière correctionnelle, liée à la création de centres éducatifs fermés (circulaire du 10 septembre 2002).

La loi fait également un renvoi aux modalités de placement en détention provisoire définies pour les majeurs aux articles 137 à 137-4 (saisine du juge des libertés et de la détention), 144 (motifs de placement en détention) et 145 (débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention) du code de procédure pénale.

L'accélération de la procédure par le parquet (art. 19)

La loi Perben a conservé un mécanisme de la procédure de comparution à délai rapproché : la possibilité pour le parquet, « en matière correctionnelle » à tout moment de la procédure, « s'il estime que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une procédure différente, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus nécessaires », de requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution de mineurs, soit devant le tribunal pour enfants, soit devant la chambre du conseil, dans un délai compris entre 1 et 3 mois (ord. 2 février 1945, art. 8-2 modifié) . Si le juge des enfants ne suit pas ses réquisitions, il devra rendre une ordonnance motivée dans les 5 jours, susceptible d'appel devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant ; à défaut d'ordonnance, le procureur pourra saisir directement ce magistrat (CPP, art. 82 et 185 inchangés) . Lequel devra statuer dans les 15 jours, le mineur, ses représentants légaux et son avocat pouvant présenter par écrit toutes observations utiles.

3 - LE LIEU DE DÉTENTION

Quel que soit l'âge du mineur, la détention provisoire doit être effectuée soit dans un quartier spécial de la maison d'arrêt, soit désormais dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs (ord. 2 février 1945, art. 11 modifié). Ces établissements restent toutefois encore à construire (voir encadré).

Le mineur doit, autant que possible, être soumis à l'isolement de nuit (sans changement).

S'agissant des mineurs âgés de 13 à 16 ans, la détention provisoire n'est, en outre, désormais, autorisée que dans des établissements garantissant un isolement complet d'avec les détenus majeurs et prévoyant la présence d'éducateurs. Les conditions de ce placement devant être définies par décret en Conseil d'Etat.

L'idée est de « prévenir la récidive chez les mineurs placés en détention » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).

4 - LE SUIVI DES MINEURS

Enfin, la loi met en place un suivi des mineurs ayant fait l'objet d'un placement en détention provisoire et remis en liberté au cours de la procédure. Ces mineurs doivent faire l'objet « dès leur libération » de mesures éducatives ou de liberté surveillée adaptées à leur situation. Cette dernière mesure consiste en un accompagnement éducatif du mineur réalisé soit dans son milieu familial, soit dans le cadre d'un placement.

C'est le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui remet le mineur en liberté qui décide de ces mesures. Toutefois, il peut juger, par décision motivée, qu'il n'y a pas lieu de soumettre le jeune à ces mesures de surveillance.

Cette disposition est entrée en vigueur le 12 septembre.

D - Le jugement à délai rapproché (art. 19)

L'un des principaux reproches adressé à la justice des mineurs est sa lenteur. D'après les chiffres cités au cours des travaux parlementaires, les délais de jugement seraient compris entre 2 et 18 mois pour les audiences de cabinet du juge des enfants et entre 6 mois et 3 ans pour les audiences du tribunal pour enfants (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).

C'est pourquoi la nouvelle loi met en place devant le tribunal pour enfants une procédure de jugement rapide des mineurs, appelée jugement à délai rapproché. Elle remplace celle de comparution à délai rapproché, peu utilisée car «  trop complexe  » selon le garde des Sceaux, Dominique Perben (J.O. Sén. [C.R.] n° 30 du 25-07-02). Et a l'ambition de réussir le grand écart entre ce que les députés (PS) Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck appelaient, en 1998 (2), « la nécessaire célérité de la réponse qui doit intervenir après un acte posé et le temps indispensable pour apprécier les effets des réponses apportées sur des êtres en devenir ». Principales différences par rapport à l'ancienne procédure : elle n'est applicable qu'aux mineurs auteurs de délits d'une certaine gravité, le juge des enfants n'est plus compétent que pour décider du placement du mineur en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire (et non plus pour déclencher la procédure, les réquisitions du procureur de la République étant nécessaires) et, surtout, le délai pour l'audience est fixé entre 10 jours et 1 ou 2 mois, selon le cas, contre 1 et 3 mois pour la comparution à délai rapproché.

1 - LES MINEURS CONCERNÉS

a - Les mineurs de 16 à 18 ans

La nouvelle procédure concerne les mineurs de 16 à 18 ans qui ont été déférés devant le procureur de la République. Elle est soumise à trois conditions (ord. 2 février 1945, art. 14-2 II nouveau)  :

 la peine d'emprisonnement encourue doit être supérieure ou égale à 3 ans en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à 5 ans dans les autres cas ;

 elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires ;

 une enquête sur la personnalité du mineur doit avoir été accomplie, « le cas échéant à l'occasion d'une procédure antérieure de moins d'un an  ».

Cette procédure est d'application immédiate.

L'exposé des motifs du projet de loi Perben indique qu'elle a vocation à s'appliquer à des mineurs « pour lesquels des investigations suffisantes sur [leur] personnalité et sur les moyens appropriés à [leur] rééducation ont déjà été accomplies à l'occasion d'une procédure antérieure ». Ce qui a conforté certains parlementaires dans l'idée que le recours à la nouvelle procédure allait être limité aux cas où un jugement antérieur est intervenu. La rédaction qui a finalement été retenue dans la loi, sous la pression du garde des Sceaux, vient battre en brèche cette analyse. En effet, en précisant qu'une enquête de personnalité doit avoir été accomplie « le cas échéant à l'occasion d'une procédure antérieure », la loi rend de facto le jugement à délai rapproché possible même en l'absence de procédure antérieure.

Les mineurs face au juge de proximité (art.20)

La loi Perben pose les fondements d'une justice de proximité (3) , avec l'institution d'une juridiction nouvelle appelée à traiter les petits litiges du quotidien. Dénommée « juridiction de proximité », elle sera également compétente à l'égard des mineurs, pour les contraventions de police des quatre premières classes, c'est-à-dire des infractions mineures qui ne font pas l'objet d'une inscription au casier judiciaire et sont punies d'une amende maximum de 750  . Exemples : « la menace réitérée de destruction ou de dégradation (classe 1), la divagation d'animal dangereux (classe 2), le bruit et le tapage nocturne ou diurne (classe 3) [...] ou la violence n'ayant entraîné aucune incapacité de travail (classe 4)  » (Rap. Sén. n° 370, juillet 2002, Schosteck et Fauchon) .

L'entrée en vigueur de ces dispositions est subordonnée à la mise en place des juges de proximité qui interviendra après l'adoption du projet de loi, présenté en conseil des ministres le 24 juillet, déterminant leur statut et leur organisation (4) . Et à la publication du décret fixant la liste des contraventions.

b - Les mineurs de 13 à 16 ans

Le jugement à délai rapproché peut également être utilisé à l'égard des mineurs de 13 à 16 ans, mais la peine encourue doit, dans ce cas, être d'au moins 5 ans d'emprisonnement et ne pas excéder 7 ans.

Il faut, là-aussi, que des investigations sur les faits ne soient pas nécessaires et qu'une enquête de personnalité du mineur ait été réalisée, le cas échéant, à l'occasion d'une procédure antérieure de moins de 1 an.

2 - LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE

a - Les premières formalités

Après avoir versé au dossier les éléments de l'enquête de personnalité, le procureur de la République vérifie l'identité du mineur et lui notifie les faits reprochés en présence de l'avocat de son choix ou d'un avocat désigné par le bâtonnier à la demande du parquet si le mineur ou ses représentants légaux n'en ont pas désigné un (ord. 2 février 1945, art. 14-2 III nouveau).

Dès sa désignation, l'avocat peut consulter le dossier et communiquer librement avec le mineur.

Le procureur de la République ne peut renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants et l'informer de la date de l'audience qu'après avoir recueilli ses observations éventuelles et celles de son avocat. L'audience doit avoir lieu dans un délai fixé :

 entre 10 jours et 1 mois pour les mineurs de 16 à 18 ans ;

 entre 10 jours et 2 mois pour les mineurs de 13 à 16 ans.

Ces différentes formalités doivent faire l'objet d'un procès-verbal dont copie est remise, à peine de nullité, au mineur et qui saisit le tribunal pour enfants.

Un tel mécanisme implique «  une bonne coordination entre les parquets et les juridictions pour enfants afin que les audiences du tribunal pour enfants soient susceptibles d'accueillir des affaires non programmées longtemps à l'avance » (Rap. Sén. n° 370, juillet 2002, Schosteck et Fauchon).

b - La comparution du mineur devant le juge des enfants

Après avoir procédé aux formalités exigées par la loi, le procureur de la République fait comparaître le mineur devant le juge des enfants « afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience de jugement » (ord. 2 février 1945, art. 14-2 IV alinéa 1 nouveau), s'agissant des mineurs de 16 à 18 ans.

En ce qui concerne les mineurs de 13 à 16 ans, il ne « peut alors requérir que le placement sous contrôle judiciaire » de l'intéressé jusqu'à sa comparution devant le tribunal pour enfants (ord. 2 février 1945, art. 14-2 VI nouveau). Cette procédure est d'application immédiate sous réserve de la mise en place des centres éducatifs fermés dans lequel le mineur est placé dans le cadre de son contrôle judiciaire.

Le juge des enfants statue par ordonnance motivée en audience de cabinet, après un débat contradictoire réunissant le procureur de la République, le mineur et son avocat. Il peut, le cas échéant, entendre également les déclarations du représentant du service auquel le mineur a été confié (ord. 2 février 1945, art. 14-2 IV al. 2 nouveau).

Les représentants légaux du mineur doivent être informés, « par tout moyen », de la décision du juge des enfants, qui peut faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction (ord. 2 février 1945, art. 14-2 IV al. 3 nouveau). La procédure du référé-liberté (CPP, art. 187-1 et 187-2 inchangés), qui permet au président de cette chambre de se prononcer dans un délai de 3 jours, est alors applicable.

Dans tous les cas, le juge des enfants qui refuse, contrairement aux réquisitions du procureur de la République, de placer le mineur en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, peut ordonner, le cas échéant jusqu'à la comparution de l'intéressé, les mesures provisoires ou les mesures de placement prévues aux articles 8 et 10 de l'ordonnance (ord. 2 février 1945, art. 14-2 IV al. 4 nouveau). Soit notamment :

 une admonestation ;

 une remise aux parents du mineur, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

 une mise sous protection judiciaire ;

 un placement en établissement.

Autres dispositions

La plupart de ces dispositions reprennent des propositions formulées par le Sénat lors des débats sur la loi relative à la sécurité quotidienne (5) .

La condamnation d'un « taggueur » à une peine d'intérêt général (art.24)

La loi prévoit la possibilité de condamner la personne qui trace des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain, le cas échéant, en sus de l'amende, à une peine de travail d'intérêt général, en tant que peine principale (CP, art. 322-1,322-2 et 322-3 modifiés) . En fait, il s'agit de mieux réprimer les jeunes auteurs de tags. «  Lorsqu'on est condamné, un ou deux week-ends d'affilée, à repeindre les murs de la ville, on y réfléchit à deux fois avant de recommencer à y dessiner ces « tags  » (J.O.A.N.[C.R.] n° 34 du 3-08-02).

A noter : la mesure de réparation, prévue par l'ordonnance de 1945, peut être prononcée à l'égard des mineurs et consiste déjà à faire effectuer à un mineur, auteur d'une infraction, une action de réparation en direction de la victime ou de la collectivité publique.

La présence de la victime à l'audience (art.30)

La victime, qu'elle se soit ou non constituée partie civile, est désormais expressément mentionnée parmi les personnes admises à assister aux débats devant le tribunal pour enfants (ord.2 février 1945, art. 14, al. 2 modifié) .

Jusqu'à présent, elle ne figurait pas dans la liste donnée : témoins de l'affaire, proches parents, tuteur ou représentant légal du mineur, avocats, représentants des services s'occupant d'enfants, de la PJJ...

Mais la jurisprudence l'avait assimilée à un témoin et autorisait donc déjà sa présence.

Le renvoi devant le tribunal pour enfants (art 31)  

Le juge des enfants peut actuellement renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants ou, s'il y a lieu, devant le juge d'instruction. Il peut aussi, par jugement rendu en chambre du conseil (6) , soit relaxer le mineur (infraction non établie), soit le déclarer coupable mais le dispenser de toute mesure (reclassement acquis, dommage réparé...), soit l'admonester, soit le remettre à ses parents (ou à son tuteur, à la personne qui en avait la garde...), soit prononcer sa mise sous protection judiciaire pour une durée maximale de 5 ans, soit le placer dans un établissement spécialisé.

Désormais, si le mineur est âgé de 16 ans révolus et pour les faits les plus graves, ceux qui sont punis d'une peine d'emprisonnement au moins égale à 7 ans, le juge des enfants ne pourra plus « rendre de jugement en chambre de conseil » (ord 45, art.8, dernier al. nouveau) . … Selon les débats, il ne s'agit pas de « manifester une quelconque défiance à l'égard du juge des enfants » . Mais de « renforcer le rôle du parquet des mineurs, qui pourra se faire le porte-parole de la société devant le tribunal pour enfants » (J.O.A.N. [C.R.]n° 34 du 3-08-02) .

Des dispositions identiques sont prises s'agissant du juge d'instruction des mineurs. Lorsqu'il estime que les faits constituent un délit, ce magistrat renvoie l'affaire devant le juge des enfants ou devant le tribunal pour enfants. Dorénavant, « lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à 7 ans et que le mineur est âgé de 16 ans révolus, le renvoi devant le tribunal pour enfants est obligatoire » (ord. 2 février 1945, art. 9,3° modifié) .

Cette disposition est d'application immédiate. Les renvois effectués par le juge des enfants devant lui antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi demeurent valables (circulaire du 10 septembre 2002) .

La visite des établissements accueillant des mineurs délinquants (art. 32)

La loi Perben autorise les députés et sénateurs « à visiter à tout moment les établissements publics ou privés accueillant des mineurs délinquants de leur département » (ord. 2 février 1945, art. 35 nouveau).

Cette disposition, qui concerne tant les établissements pénitentiaires que les foyers éducatifs, s'ajoute à une mesure semblable déjà adoptée pour les prisons dans le cadre de la loi du 15 juin 2000 relative aux droits des victimes et à la présomption d'innocence (7) .

Les outrages envers les personnels éducatifs (art.45)

Parallèlement à la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945, la loi Perben aggrave les sanctions punissant les actes de violence commis à l'encontre des enseignants et des personnels éducatifs dans les classes, les établissements ou à leurs abords. Ainsi, elle prévoit que lorsqu'un outrage est adressé à une personne chargée d'une mission de service public et que les faits ont été commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l'occasion des entrées ou sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement, celui-ci est puni de 6 mois d'emprisonnement et de 7 500  d'amende (CP, art. 433-5 modifié) .Il s'agit ainsi de lutter contre la violence commise souvent par des « parents ou des grands frères d'élèves scolarisés, qui viennent à proximité des établissements ou parfois pénètrent dans leur enceinte pour commettre leurs agressions » (J.O.A.N. [C.R.] n° 34 du 3-08-02) .

c - La comparution du mineur devant le tribunal pour enfants

Une fois saisi, le tribunal pour enfants statue après avoir entendu le mineur, les témoins, les parents, le tuteur, le ministère public et l'avocat, (ord. 2 février 1945, art. 13 inchangé) et ce, sans publicité des débats (ord. 2 février 1945, art. 14 inchangé). Il peut toutefois, d'office ou à la demande des parties, s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à 1 mois, en demandant, le cas échéant, au juge des enfants de procéder à un supplément d'information ou d'ordonner une des mesures prévues aux articles 8 et 10 de l'ordonnance (mesures provisoires et mesures de placement) (ord. 2 février 1945, art. 14-2 V nouveau).

Pour le mineur placé en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, le tribunal doit statuer par une décision spécialement motivée sur le maintien de la mesure. En cas de détention provisoire, le jugement sur le fond doit être rendu dans un délai de 1 mois suivant le jour de sa première comparution devant le tribunal, le non-respect de ce délai entraînant la mise en liberté du mineur (ord. 2 février 1945, art. 14-2 V al. 2 nouveau).

Le tribunal pour enfants peut également, si des investigations supplémentaires sont nécessaires compte tenu de la gravité ou de la complexité des faits, renvoyer le dossier au procureur de la République. Dans ce cas, pour le mineur placé en détention provisoire, le tribunal doit statuer au préalable sur le maintien de l'intéressé en détention jusqu'à sa comparution devant le juge des enfants ou le juge d'instruction. Laquelle doit avoir lieu le jour même, faute de quoi le prévenu est remis en liberté d'office (ord. 2 février 1945, art. 14-2 V al. 3 nouveau).

E - Le mineur et le sursis avec mise à l'épreuve (art. 21, I 1° et 2°)

La loi 9 septembre 2002 précise les conditions d'application aux mineurs du sursis avec mise à l'épreuve qui, jusque-là, étaient uniquement fixées dans le code pénal et le code de procédure pénale. Elle insère, à cet effet, dans l'ordonnance de 1945 un nouvel article 20-9. Pour mémoire, une juridiction prononçant un emprisonnement d'une durée supérieure à 5 ans peut ordonner qu'il soit sursis à son exécution, la personne condamnée étant alors placée sous le régime du sursis avec mise à l'épreuve. Dans ce cadre, le condamné est dispensé d'exécuter sa peine prononcée mais doit se soumettre à certaines obligations fixées par le juge (répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné, recevoir les visites de ce dernier, le prévenir d'éventuels changements d'emploi ou de résidence et demander l'autorisation du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger) ou à certaines obligations particulières (suivre un traitement...). S'il ne respecte pas ses obligations, il devra exécuter la peine.

1 - L'ÉLARGISSEMENT DE LA COMPÉTENCE DU JUGE DES ENFANTS

Dans le droit commun, le code de procédure pénale confie au juge de l'application des peines compétent le soin de contrôler l'application du sursis avec mise à l'épreuve. Quant au tribunal correctionnel, il intervient sur une éventuelle prolongation du délai d'épreuve ou sur la révocation totale ou partielle du sursis dans le cas où le condamné ne se soumet pas aux mesures de contrôle ou aux obligations particulières. En ce qui concerne les mineurs, l'article 744-2 du code de procédure pénale prévoyait toutefois que le juge des enfants et le tribunal pour enfants compétents exerçaient les attributions dévolues au juge de l'application des peines et au tribunal correctionnel.

Tout en reprenant pour l'essentiel le contenu de cet article- qui est abrogé -, la loi du 9 septembre crée un article 20-9 dans l'ordonnance de 1945. Elle apporte toutefois une modification puisqu'elle confie au seul juge des enfants le soin d'exercer les attributions du juge de l'application des peines et du tribunal correctionnel.

Ainsi, en cas de condamnation d'un mineur de 13 à 18 ans à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, le juge des enfants dans le ressort duquel le mineur a sa résidence habituelle exerce les attributions dévolues au juge de l'application des peines jusqu'à l'expiration du délai d'épreuve. Il est également compétent, au lieu du tribunal pour enfants, pour révoquer le sursis avec mise à l'épreuve lorsque le mineur ne respecte pas les mesures de contrôle ou les obligations imposées.

L'ambition de cette mesure, qui reprend une proposition de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs (8), est de permettre à ce magistrat de mieux suivre le mineur après le jugement. Cette disposition a toutefois été contestée par certains sénateurs qui estimaient que les mineurs seraient plus mal traités que les majeurs pour lesquels seul le tribunal correctionnel peut révoquer le sursis (J.O. Sén. [C.R.] n° 31 du 27-07-02).

Cette disposition s'applique depuis le 12 septembre.

Les caractéristiques des centres éducatifs fermés

Un projet de cahier des charges sur les centres éducatifs fermés, envoyé aux directions de la protection judiciaire de la jeunesse, nous dévoile les grandes lignes de ce que devraient être ces structures. Comme annoncé (9) , trois centres ayant un caractère expérimental entameront le programme de mise en œuvre de ce nouveau dispositif.

Le cadre juridique

Selon ce document, les conditions de prise en charge des mineurs de 13 à 16 ans devraient différer « de manière significative » de celles concernant les mineurs de 16 à 18 ans, notamment en ce qui concerne la répartition des activités scolaires et de formation professionnelle. Aussi, chaque centre est-il invité à construire son dispositif de prise en charge en fonction de la tranche d'âge qu'il entend accueillir.

Ce projet de cahier des charges insiste également sur la nécessité d'un accueil en continu. Si les mineurs sont placés dans un centre éducatif fermé dans le cadre d'un contrôle judiciaire, cette décision devrait recevoir application immédiate. Ainsi, « sous la seule réserve de la disponibilité des places au sein des centres, ces derniers sont donc tenus d'accueillir les mineurs qui leurs seront adressés ».

Dans le cas d'un placement intervenant à la suite de la mise à exécution d'un sursis d'épreuve ou d'une levée d'écrou, le placement devrait, en revanche, pouvoir être préparé par le magistrat qui le prescrit, en lien avec l'équipe éducative du centre fermé où il envisage le placement.

Pour ne pas « constituer un handicap pour les mineurs dont le parcours est déjà engagé au sein des centres », un module spécifique d'évaluation du mineur arrivant, tant sur le plan de sa situation éducative que de sa situation sanitaire physique et mentale, devrait être instauré. S'il apparaît à l'issue de ce bilan que le mineur ne peut être intégré dans le centre, le responsable de ce dernier devra en rendre compte au magistrat ayant ordonné le placement dans un rapport circonstancié.

Le cadre matériel et éducatif

Destinés à l'hébergement de mineurs en situation de grande difficulté, ces centres devraient avoir une capacité d'hébergement comprise entre 6 et 10 places (et évidemment pas de 60 places comme nous l'indiquions par erreur dans les ASH n°2276 du 13-09-02). Chaque mineur devrait être hébergé dans une chambre individuelle et disposer des équipements sanitaires, les membres de l'équipe éducative devant toutefois conserver en permanence un libre accès aux chambres. Quant aux espaces collectifs, ils devraient être conçus de façon à permettre des activités scolaires et de formation ainsi que des activités de détente, notamment en plein air. Un espace devrait, en outre, être prévu et aménagé pour permettre les visites que les mineurs sont autorisés à recevoir. En effet, à moins que cela ne compromette la prise en charge éducative des mineurs, ces derniers devraient pouvoir recevoir des membres de leur famille dans des conditions fixées par le règlement intérieur du centre. Et correspondre avec eux dans les mêmes conditions.

S'agissant des sorties du centre, elles ne devraient pouvoir avoir lieu que pour les besoins de l'action d'insertion entreprise ou pour répondre aux convocations des autorités administrative ou judiciaire, indique le document. En tout état de cause, « aucune sortie, qu'elle soit individuelle ou collective ne pourra intervenir sans l'accompagnement d'un ou plusieurs membres de l'équipe éducative ».

Information intéressante : tous les mineurs accueillis dans les centres fermés devront, dès leur arrivée, se voir proposer un bilan sanitaire physique et mental complet. Les soins qui s'avéreraient nécessaires à l'issue de ce bilan devraient alors leur être proposés. De plus, tout mineur confronté à des conduites addictives (drogue, tabac, alcool, médicaments) devrait se voir proposer un traitement en vue de sa désintoxication.

Un accompagnement et une prise en charge psychologique devraient aussi être offerts à tous les mineurs dont la situation le nécessite.

Enfin, dès leur arrivée dans le centre, un bilan des acquis scolaires et professionnels des mineurs devrait être réalisé, à partir duquel devrait être construit un parcours de mise à niveau ou de validation des acquis. Des activités d'enseignement et de formation professionnelle particulièrement orientées vers l'acquisition ou le rattrapage de la lecture et de l'écriture devraient ainsi être mises en place par l'équipe éducative, en partenariat avec les services de l'Education nationale.

Dernière indication : afin de préparer la sortie du placement, un module de préparation à la sortie de l'hébergement devrait être instauré « afin que la rupture des rythmes de vie que celle-ci induit nécessairement ne soit pas source de réitération du comportement délinquant ». L'issue de ce module se fera par un accompagnement du mineur vers son lieu de sortie par les membres de l'équipe éducative du centre qui veilleront à la continuité de la prise en charge éducative avec les éducateurs suivant le mineur à l'extérieur.

2 - LA COMBINAISON DU SURSIS AVEC D'AUTRES MESURES

Par ailleurs, la loi Perben prévoit que lorsque la personnalité du mineur le justifie, la juridiction de jugement peut combiner ce sursis avec mise à l'épreuve avec :

 la remise aux parents, tuteur, personne qui en avait la garde ou personne digne de confiance ;

 le placement dans une institution ou un établissement, public ou privé, d'éducation ou de formation professionnelle, habilité ;

 le placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

 le placement dans une institution publique d'éducation surveillée ou d'éducation corrective ;

 le placement sous le régime de la liberté surveillée ;

 le placement dans un centre éducatif fermé.

Dans ce cas, ces mesures peuvent être modifiées pendant toute la durée de l'exécution de la peine par le juge des enfants. La juridiction de jugement peut alors astreindre le condamné à respecter ces conditions de placement ou la mesure de liberté surveillée, le non-respect de cette obligation pouvant entraîner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement.

Il s'agit, en fait, d'une simple précision. L'article R. 60 du code de procédure pénale autorisait déjà le juge des enfants, qui exerce les attributions du juge de l'application des peines, lorsqu'il l'estime opportun, à combiner une mesure de sursis avec mise à l'épreuve avec ces mesures. La seule innovation résidant donc dans la possibilité de le placer dans un centre éducatif fermé.

Comme pour le contrôle judiciaire, le responsable du service qui contrôle l'exécution de ces mesures devra faire un rapport au procureur de la République et au juge des enfants en cas de non respect par le mineur de ses obligations.

Là encore, cette disposition est d'application immédiate, sauf en ce qui concerne le placement dans un centre éducatif fermé dont la création est subordonnée à un décret en Conseil d'Etat.

Récapitulatif

Sophie André, Olivier Songoro et Florence Elguiz

Notes

(1)  Voir ASH n° 2276 du 13-09-02.

(2)  Voir ASH n° 2068 du 24-04-98.

(3)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02. Nous y reviendrons dans un prochain numéro.

(4)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.

(5)  Voir ASH n° 2236 du 9-11-01.

(6)  Les « audiences en chambre de conseil » réunissent, dans le cabinet du juge, les parents, les avocats, les éducateurs et les victimes.

(7)  Voir ASH n° 2180 du 15-09-00.

(8)  Voir ASH n° 2270 du 5-07-02.

(9)  Voir ASH n° 2276 du 13-09-02.

LES POLITIQUES SOCIALES

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