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Du sur-mesure contre la rupture scolaire

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Alors que leur nombre doit être doublé dans les deux ans, les classes-relais, destinées à resocialiser et rescolariser des collégiens en situation de rupture et situées à la marge du système éducatif, suscitent parfois le débat. Mais surtout, interrogent l'école et la société tout entière.

Un local commercial de 280 m2, aménagé en salles de classe, foyer, bureaux : la classe-relais de l'Indre, rattachée au collège Michelet de Tours, est située « hors les murs ». Depuis 1997, elle accueille des élèves issus des collèges du département. Parfois complètement déscolarisés, souvent signalés pour des problèmes de comportement, ils sont pris en charge par une équipe composée d'un enseignant spécialisé, d'une éducatrice salariée de l'association de Sauvegarde de l'enfance (son poste est financé par la protection judiciaire de la jeunesse [PJJ] et le conseil général), d'enseignants, d'aides-éducateurs et d'un surveillant. Jusqu'ici, les élèves fréquentaient la classe pendant des durées variables, les entrées et les sorties étant permanentes. Pourtant, cette année, la classe accueille, pour une session de huit semaines, un groupe fixe de huit à dix élèves - soit environ 50 élèves par an. « L'expérience des années précédentes nous a conduits à adopter ce mode de fonctionnement, plus simple, explique Geneviève Aubert, éducatrice. Mais pour ne pas pénaliser les élèves, nous ferons du “Samu classe-relais” dans les différents collèges, du suivi sur site, aussi bien pédagogique qu'éducatif. »

Un fonctionnement en constante évolution, en fonction de l'expérience acquise au fil des années, une adaptation permanente aux jeunes : voilà sans doute l'un des points forts des dispositifs relais. Ce sont autant de lieux d'innovation où l'on cherche des réponses, où l'on invente des solutions sur mesure. Et le bilan, globalement, est plutôt positif. Selon une enquête menée par la direction de la programmation et du développement du ministère de l'Education nationale sur le devenir des élèves accueillis en classes-relais au cours de l'année scolaire 1999-2000, six mois après leur passage, 73 % d'entre eux sont dans un parcours de formation (1) quand 7 %sont sans solution. Une autre étude du Centre Alain-Savary de l'Institut national de recherche pédagogique  (INRP)   (2), estime que 65 % de ces élèves sont encore suivis par une institution un an après.

Reste que les équipes des dispositifs constatent une évolution satisfaisante des jeunes sur le plan du comportement, de l'absentéisme et de la socialisation, mais des résultats beaucoup plus mitigés sur le plan des apprentissages. « Comment remobiliser les élèves à ce niveau ? Et sur quels apprentissages ? Il est impossible de combler en six mois toutes les lacunes installées depuis le CP chez ces jeunes dont, pour la plupart, le niveau scolaire est très bas », constate Dominique Brossier, directrice au bureau des méthodes de l'action éducative à la DPJJ. Dès lors, que faire ? Allonger la durée de passage dans ces structures ? Mais ce serait en faire une filière parallèle. D'où le groupe de travail national mis en place en 1999 sur les contenus et les apprentissages, avec l'idée que l'essentiel est de remettre les jeunes dans des postures d'apprentissage et, par ce biais, de les aider à réfléchir, critiquer, faire la part des choses.

Pourtant, même lorsque le passage en classe-relais a porté ses fruits, les acquis restent fragiles. Le retour au collège est le moment de tous les dangers. La réussite de la « réinsertion » scolaire dépend largement de la qualité du lien avec l'établissement d'origine, comme l'ont compris certaines classes-relais. Ainsi, à Troyes, où les activités d'enseignement se déroulent au collège de rattachement et les activités socialisantes (ateliers théâtre, percussion, vidéo...) sur un site mis à disposition par la municipalité. Ou encore à Saint-Etienne, où le Réseau éducatif local pour les apprentissages et l'insertion sociale (Relais) a opté pour l'organisation suivante : les élèves sont en cours dans les locaux de Relais, ou bien vont suivre ceux dans lesquels ils ne sont pas en échec dans leur collège d'origine. A Tours, l'élève de classe-relais rencontre chaque semaine son équipe pédagogi-que d'origine, montre le travail effectué au moyen d'un cahier de liaison. D'autre part, un suivi sur site est organisé au retour au collège, avec des séances pédagogiques ou éducatives (entretiens éducatifs, aide à la recherche de stages, soutien en anglais...). « Il faut qu'il sache qu'il y a une permanence, un fil rouge, qu'il peut faire appel à nous si, à nouveau, il perd pied », insiste Geneviève Aubert.

Cette réflexion sur un après et un avant est partagée par nombre d'acteurs ou de partenaires, notamment ceux de la PJJ. Ainsi, les différents syndicats de personnels, s'ils considèrent le dispositif comme l'une des réponses aux situations des jeunes et soulignent la richesse du partenariat avec l'Education nationale, appellent à davantage de prévention. La CFDT Interco Justice Ile-de-France propose, par exemple, des permanences tenues par des éducateurs ou assistants de service social de la PJJ dans les collèges, dans un objectif de prévention en direction des 13-16 ans (3). « L'attention portée aux élèves dans ces classes devrait pouvoir être étendue à l'ensemble du système scolaire, en termes de prévention, estime quant à lui Roland Ceccotti, membre du bureau du Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée  (SNPES) - PJJ-FSU. Mais pour cela, il faut plus de médecins scolaires, plus d'assistants de services sociaux qui sont aux premières loges pour repérer un élève qui va décrocher. »

Reste à résoudre, donc, la question des moyens. Chaque année des classes- relais ferment ou connaissent des difficultés à fonctionner faute de moyens matériels - partenariats difficiles à mettre en place, d'autant que les montages sont souvent compliqués - mais aussi humains. Manque d'enseignants volontaires dans certaines structures, difficulté à renouveler les équipes, à recruter des éducateurs, même si chacun s'accorde à reconnaître la nécessité de leur présence au sein de ces structures. Actuellement, la moitié des 250 dispositifs relais bénéficient d'un personnel PJJ, conseil général ou politique de la ville. La DPJJ affecte 70 équivalents temps plein à ces structures. Mais estime qu'elle ne pourra augmenter ce nombre de façon significative, compte tenu de ses effectifs.

De ces difficultés matérielles, mais aussi de la qualité et de l'orientation du pilotage local dépend largement la réussite de ces dispositifs. « Notre structure s'adresse à des élèves de cinquième et de quatrième qui perturbent par leur comportement leur classe, des “gêneurs”. Ainsi, un élève qui n'enlève pas son blouson en classe, n'écrit pas, ne parle pas, ne fait rien, est tout aussi mal, mais il n'empêche pas le cours de fonctionner. Il aurait pourtant tout autant besoin d'un passage en classe- relais que celui qui se lève, conteste, crie ou renverse sa table », témoigne Sylviane Vielle, professeur coordonnatrice du dispositif relais du collège Les Merisiers de Jouy-le-Moutier  (Val-d'Oise)

Mais la majorité des élèves affectés en classes-relais sont des perturbateurs, aux comportements agressifs, parfois violents. Ces structures sont d'ailleurs clairement affichées comme un élément essentiel du dispositif interministériel de lutte contre la violence. « Je ne situerais pas les classes- relais comme des réponses à la violence scolaire, défend pourtant Dominique Brossier. Si l'on considère qu'elles sont un exutoire pour tous les élèves violents, on va en faire des classes de relégation. Certes, elles contribuent dans les faits à apaiser le climat dans une classe ou un collège, mais elles ne dédouanent en rien le fait que le collège doit trouver ses propres réponses. »

L'ATELIER-RELAIS, CLONE OU NOUVELLE VARIANTE DU DISPOSITIF ?

En plus du doublement sous deux ans du nombre de classes-relais, le ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche, Luc Ferry, et le ministre délégué à l'enseignement scolaire, Xavier Darcos, ont annoncé, le 11 septembre, lors de leur conférence de presse de rentrée, la naissance d'une nouvelle variante du dispositif, les « ateliers-relais ». Ce dispositif « vient compléter celui des classes-relais et répond, sous des formes différentes, aux mêmes objectifs que celles-ci ». Dès le mois d'octobre, 13 de ces structures devraient être créées, parallèlement aux classes-relais et destinées au même public, en priorité dans les académies concernées par le plan gouvernemental de lutte contre la violence à l'école. Situés en dehors des locaux de l'établissement, les ateliers-relais accueilleront au maximum dix collégiens, et associeront, comme les classes-relais, des enseignants, éducateurs et professionnels de l'animation, en relation avec les personnels sociaux et de santé. Une convention nationale entre le ministère et différentes associations d'éducation populaire (CEMEA, Francas, Ligue de l'enseignement et Association des pupilles de l'enseignement public) servira de cadre à des conventions locales de partenariat entre inspection académique, direction départementale de la jeunesse et des sports et associations, par lesquelles celles-ci mettront à disposition des personnels, des locaux et leur savoir-faire en matière de formation, d'accompagnement et de soutien. L'objectif est de créer « au moins un atelier-relais par académie » d'ici à la fin de l'année, selon l'un des conseillers du ministre délégué à l'enseignement scolaire, qui se défend d'opérer là « une transposition des classes-relais en ateliers-relais ».

Un lieu préventif

Exigeants pour les élèves comme pour les équipes, les dispositifs relais appellent à une extrême vigilance, afin de ne pas être victimes d'une déviance de leur sens ou d'un certain flou sur leur vocation. D'autant plus qu'ils se caractérisent par la grande diversité des formes, des professionnels intervenants, des approches pédagogiques, mais aussi des montages financiers. « La classe-relais est un dispositif intéressant si elle n'est considérée ni comme un lieu poubelle, ni comme un lieu sanction, mais comme un lieu préventif, qui permet au jeune de souffler, de repren- dre pied, de mettre autour d'une table élève, famille, enseignants, en essayant de comprendre le pourquoi de l'échec scolaire », observe Béatrice Argence, éducatrice et membre du conseil syndical UNSA-SPJJ. « Pour une part des élèves, la classe-relais est conçue comme un sas d'attente avant la sortie définitive du système, regrette Stéphane Bonnéry, co-auteur d'un ouvrage sur le sujet (4) . Or elle ne doit pas être un tiroir où l'on met tous les élèves en difficulté au collège pour ne plus en entendre parler, pour gagner la paix sociale et la paix scolaire, mais un prétexte pour s'interroger :pourquoi le système scolaire n'arrive pas à apprendre à ces élèves-là ? Et comment transformer leur rapport au savoir ? » Quand la tendance, depuis plusieurs années, est à la multiplication des dispositifs, les professionnels regrettent quant à eux que le collège tarde à se saisir des mêmes expériences pour s'interroger sur ses pratiques. Car s'il est à terme un objectif, c'est bien de voir disparaître les classes-relais.

Sandrine Pageau

250 DISPOSITIFS RELAIS

Les premières classes-relais sont nées au milieu des années 80 à l'initiative d'acteurs de terrain, personnels de l'Education nationale et de l'éducation surveillée, en réponse à la situation de jeunes déscolarisés. Au cours de la décennie suivante, les structures expérimentales se multiplient et plusieurs textes viennent officialiser un partenariat - aujourd'hui étendu à d'autres acteurs - entre l'Education nationale et la protection judiciaire de la jeunesse. Ainsi la circulaire interministérielle du 12 juin 1998 (5) se réfère aux expériences déjà en cours pour l'ouverture de nouvelles classes-relais, dont elle définit le fonctionnement et le double objectif de resocialisation et de rescolarisation. Elles accueillent des « élèves de collège, faisant parfois l'objet d'une mesure judiciaire d'assistance éducative, qui sont entrés dans un processus évident de rejet de l'institution scolaire » et doivent « favoriser, par un accueil spécifique temporaire, une réinsertion effective des élèves concernés dans une classe ordinaire de formation [...] ou sous contrat de travail. » Ces structures, dont les appellations sont variables, accueillent des jeunes de 11 à 16 ans (en majorité des garçons), qui connaissent pour la plupart des situations familiales et sociales complexes. 53 % d'entre eux bénéficient d'une mesure éducative.

Notes

(1)  46 % sont en collège, 14 % en formation professionnelle, 5 % en dispositif d'insertion, et 8 % sont pris en charge dans des structures éducatives.

(2)  Les élèves scolarisés dans un dispositif relais en 1998-1999 : Que sont-ils devenus un an après ? - Consultable sur www.inrp.fr/zep/relais/recherdr.htm.

(3)  Voir ASH n° 2265 du 31-05-02.

(4)  Les classes-relais, un dispositif pour les élèves en rupture avec l'école, Elisabeth Martin et Stéphane Bonnéry - ESF éditeur - 2002 - 22,90  €.

(5)  Circulaire n° 98-120 du 12 juin 1998, B. O. n° 25 du 18-06-98.

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