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« Le Medef a déjà gagné... »

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« A yant imposé ses mots,  le Medef finira par nous en imposer le sens », estime Henri Rami, directeur de l'Uriopss Aquitaine, dans une nouvelle réaction au rapport de l'organisation patronale.

« Qui se souvient encore du timide débat sur la pensée unique qui a eu lieu au début des années 90 ? Il a été vite occulté par le triomphe de l'économisme, de la mondialisation, etc. On peut encore chipoter sur des points de détails, avoir des différences d'appréciation à la marge, mais, globalement (ce n'est pas un hasard si ce terme et ses dérivés sont à la mode), la réflexion est enfermée dans un carcan “consensuel”, dans un moule où l'utilisation du même vocabulaire précède de peu l'utilisation des mêmes schémas de pensée avant d'aboutir à l'uniformisation. Le rapport du Medef (1) et les commentaires qu'il a suscités, notamment dans les ASH (2), sont une nouvelle illustration de la perversité de raisonnements bâtis sur des similitudes, des syllogismes, où le simple fait d'accepter la première des prémisses conduit à une conclusion inéluctable. Dans cette rhétorique piégée, les défenseurs de “l'économie sociale et solidaire” se feront battre avec leurs propres arguments.

On fait mine, aujourd'hui, de découvrir dans les associations des concepts qui seraient, à les en croire, discriminants par rapport au secteur lucratif. C'est avoir la mémoire courte.

 Placer l'usager au centre du dispositif... Dans les années 80, les papes du management ont importé dans les entreprises ce concept venu de Suède : la pyramide inversée. C'est le client qui est le vrai “patron” de l'entreprise.

 Il faut revisiter le projet associatif : quelle différence avec les projets d'entreprises si en vogue au début des années 90 ? On voit fleurir des chartes... quelles différences avec celles promulguées par Auchan, Darty ou autres ?

 Il faut mettre en œuvre des démarches qualités : dix ans après l'industrie, le social se plonge dans les délices du racket institutionnalisé, à la recherche d'une certification dans laquelle la qualité s'efface au bénéfice de la standardisation, de l'adéquation à une norme. Une bonne idée au départ, qui s'est transformée efficacement pour devenir un outil de rationalisation, facilitant le management et le contrôle, favorisant, sous couvert du respect des procédures, le retour du taylorisme, de la spécialisation, de la déresponsabilisation.

Les jeux sont faits...

On peut toujours rêver, prôner l'intégration et le respect des différences, penser que l'on peut faire pareil en restant autre... mais pendant combien de temps ? Ayant imposé ses mots, le Medef finira par nous en imposer le sens. Sa première victoire, la plus importante, est de nous avoir entraînés sur son terrain. On essaie encore de discuter les règles du jeu, mais le cadre est accepté. Dire qu'il existe plusieurs formes possibles pour entreprendre, c'est accepter de se situer en référence à l'entreprise et au marché. Et petit à petit, il faudra bien accepter les règles de cette société, notamment la concurrence et l'ouverture des secteurs et des crédits publics. Tout avance à grands pas, avec des notions que l'on ne peut pas philosophiquement refuser.

Comment s'opposer à un contrat de séjour ? Et pourtant... contrat égal commerce, égal client, etc., etc. Les textes ministériels parlent le plus souvent “d'associations gestionnaires”... L'évaluation, intellectuellement incontournable, va de pair avec les appels d'offres et la recherche du “moins disant” en période de rigueur budgétaire.

Les salariés du secteur ne pourront pas accepter éternellement de ne pas être des travailleurs comme les autres, avec des difficultés pour financer les comptes épargne-temps, l'exclusion de fait des systèmes d'épargne salariale si leur association n'est pas fiscalisée ou l'impossibilité de percevoir des primes d'intéressement, etc.

Le secteur associatif peut-il survivre en se transformant en village d'irréductibles Gaulois refusant tout dialogue avec le monde marchand ? Ou doit-il accepter de s'amputer d'une grande partie de ses activités pour (re) devenir un secteur de pionniers, défricheurs de nouvelles activités, passant le relais au secteur lucratif dès lors que le volume de services intéresse le marché ?

Privé de mots, globalisé, mondialisé, je ne vois pas d'autre alternative pour l'instant. »

Henri Rami Directeur de l'Uriopss Aquitaine :93, boulevard George-V -33400 Talence Tél. 05 56 04 16 09.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2270 du 5-07-02 et n° 2271 du 12-07-02.

(2)  Voir ASH n° 2274 du 30-08-02 ; n° 2275 du 6-09-02 et n° 2276 du 13-09-02.

TRIBUNE LIBRE

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