La consommation de soins de santé des bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) se distingue-t-elle de celle des autres assurés sociaux ? Si oui, leur comportement est-il transitoire ?Ou durablement lié à la précarité de leurs conditions de vie ? Deux études menées par l'assurance maladie (1) complètent les premières réponses déjà apportées (2).
L'analyse de l'ensemble des dépenses médicales des bénéficiaires de la CMU en 2000 - année de la création du dispositif - confirme leur forte surconsommation. Par rapport à l'ensemble des autres patients du régime général, elle s'établit à 30 %. Mais les bénéficiaires de la CMU étant nettement plus jeunes, à sexe et âge équivalents la différence atteint 82 %. La dépense moyenne des patients relevant de la couverture maladie universelle se chiffre en effet à 1 953 €, contre 1 071 € pour les autres assurés du même age. L'écart, déjà net pour ce qui concerne les soins de ville (+ 33 %), est considérable pour les dépenses d'hospitalisation (+ 143 %). « Les personnes relevant de la CMU conservent un mode de recours aux soins fortement axé sur l'hôpital, ce qui est probablement la conséquence d'un état de santé précaire », indique l'auteur de l'étude, Isabelle Girard-Le Gallo, en soulignant que 35 % d'entre eux ont fréquenté l'hôpital dans l'année, contre 18 % des autres assurés. Les soins qu'ils y reçoivent ne sont pas non plus les mêmes : les bénéficiaires de la CMU ont beaucoup plus souvent recours aux consultations externes et leurs séjours en médecine générale sont plus longs. En ville également, ils se distinguent par un recours plus assidu aux généralistes, alors qu'ils voient moins de spécialistes que les autres assurés.
L'existence même de la CMU fait-elle évoluer ce comportement ? On manque encore de recul pour en juger, même si une radiographie des dépenses de soins de ville sur trois ans (1999-2001) fournit quelques pistes. La consommation des bénéficiaires (auparavant pris en charge par l'aide médicale), déjà supérieure à celle des autres patients de même âge (+ 19 %), a augmenté de 10 points en l'an 2000. Elle continue de croître en 2001, mais moins rapidement (+ 4 points). La nature des dépenses change également : surtout orientée vers « une médecine de première intention » en 2000, avec un appel accru aux généralistes et à la pharmacie, la demande se diversifie en 2001, avec une augmentation marquée des soins dentaires (+ 37 %), du recours aux auxiliaires médicaux (+ 21 %) et aux analyses (+ 15 %). Pour autant, « la fréquence de ces consommations spécifiques n'a pas encore rejoint celle des autres patients », notamment en matière dentaire et d'optique, relève l'auteur. Le coût laissé à la charge des usagers dans ces deux secteurs n'est sans doute pas étranger à ce bilan. Car si 72 % des bénéficiaires de la CMU complémentaire ont reçu des soins gratuits ou quasi gratuits, 28 % ont dû sortir de leur poche une somme de 49 €, pouvant dépasser les 136 € pour l'optique.
Au total, les personnes relevant de cette nouvelle garantie sociale représentant 9 % des assurés, l'assurance maladie estime que la création de la CMU a pesé pour 0,5 point dans la croissance des dépenses du régime général en 2000 et pour 0,2 point en 2001. Un impact somme toute limité.
(1) Direction des statistiques et des études de la CNAM - Point Stat n° 35 et 36 - Août 2002.
(2) Voir ASH n° 2247 du 25-01-02.