Le régime applicable au 1er septembre
(Décret n°2002-361 du 15 mars 2002, J.O. du 17-03-02, circulaire du ministère de la Justice du 26 avril 2002, à paraître au B.O.M.J.) « Le respect du droit des personnes exige que le principe du contradictoire soit réaffirmé et garanti par de nouvelles règles de procédure » dans le cadre de l'assistance éducative. Tel est l'objectif affiché par le ministère de la Justice au travers du décret du 15 mars 2002. Il est vrai que l'assistance éducative - qui constitue un ensemble de mesures que le juge peut ordonner « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises » (code civil, [C. civ.] art. 375 inchangé) - faisait l'objet de critiques en ce qui concerne sa procédure.
Ainsi, en 2000, le rapport Naves-Cathala sur Les accueils provisoires de placements d'enfants et d'adolescents (1) appelait de ses vœux, notamment, la mise en place obligatoire de l'audition des parents et des enfants dès l'ouverture du dossier d'assistance éducative. Il souhaitait aussi voir limiter le nombre de cas d'urgence permettant au parquet de placer les mineurs sans entendre les parents et rappeler aux juges des enfants l'obligation de motiver, de façon explicite et dans un langage accessible, leurs décisions.
Dans la continuité, le rapport du magistrat Jean- Pierre Deschamps, remis en mars 2001, à la ministre de la Justice de l'époque, Marylise Lebranchu (2), sur Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance éducative a constitué le véritable point de départ de la réforme. Trois objectifs sous-tendent cette dernière :
garantir les droits des familles tout au long de la procédure en imposant une information rapide des parents et des mineurs ;
donner au mineur et à ses parents accès à leur dossier, sans subordonner cette consultation à la nécessaire présence d'un avocat, certaines pièces pouvant toutefois être écartées par le juge ;
renforcer les garanties en cas de placement provisoire.
Ce faisant, la France cherche à se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne. En effet, dans un arrêt du 24 février 1995, la Haute Instance, dans le cadre d'une procédure de protection judiciaire de l'enfance en Grande-Bretagne, a rappelé que le droit à un procès équitable contradictoire implique par principe, pour une partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l'autre et d'en discuter. C'est d'ailleurs en se fondant sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme - qui garantit le droit à un procès équitable - que la Cour d'appel de Lyon a ordonné, dans une décision du 26 juin 2000, la communication intégrale d'un dossier d'assistance éducative à une mère qui en avait fait la demande.
Cette réforme qui entre en vigueur le 1erseptembre (art. 11), va « nécessairement bouleverser les pratiques tant des juridictions que des services éducatifs », relevait Marylise Lebranchu dans une circulaire du 26 avril. « Elle impliquera pour les premières une nouvelle organisation de l'accueil des familles dans les greffes des tribunaux et la mise en œuvre concrète des modalités de cette consultation. Elle demandera aux services éducatifs un effort particulier sur la qualité de leurs écrits et leur argumentation ainsi qu'une plus grande rigueur pour la remise de leurs rapports qui devra intervenir dans des délais raisonnables et non par fax le jour même de l'audience, sous peine de faire échec à la consultation des dossiers par les familles ». L'ancienne ministre notait également que les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) pourraient être mobilisés pour accompagner, le cas échéant, la mise en place de cette réforme.
C'est au juge des enfants qu'il appartient de prendre les mesures d'assistance éducative (nouveau code de procédure civile [NCPC] , art. 1181 modifié, C. civ., art. 375-1 inchangé).
Le juge des enfants peut être saisi par (C. civ., art.375 inchangé) :
les père et mère conjointement ou séparément ;
la personne ou le service auquel l'enfant a été confié ;
le tuteur ;
le mineur lui-même ;
le ministère public.
Le juge peut également se saisir d'office de manière exceptionnelle.
En pratique, le juge est saisi le plus souvent par le procureur de la République, lui-même fréquemment averti par les services médico-sociaux.
Contrairement à son habitude, il n'a pas à trancher de conflits mais à gérer une situation de crise. Il doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée (C. civ., art.375-1 inchangé). C'est pourquoi il peut, pour s'adapter à la situation, modifier à tout moment, à son initiative, les décisions qu'il a ordonnées (C. civ., art. 375-6 inchangé).
Les mesures d'assistance éducative sont prises par le juge des enfants du lieu où demeure, selon le cas, le père, la mère, le tuteur du mineur ou la personne ou le service à qui l'enfant a été confié. A défaut, la décision est prise par le juge du lieu où demeure le mineur (NCPC, art. 1181 modifié).
Le décret du 15 mars 2002 prévoit désormais que si ces personnes changent de lieu de résidence, le juge doit se dessaisir au profit du juge du lieu de la nouvelle résidence. Antérieurement, ce dessaisissement était seulement facultatif ce qui conduisait à une diversité des pratiques des magistrats. Toutefois, il peut déroger à cette règle par ordonnance motivée. « Il est en effet apparu opportun de prévoir la faculté pour le juge des enfants de garder le dossier, notamment dans les situations dans lesquelles la famille déménage pour échapper à la vigilance des services sociaux » (circulaire du 26 avril).
L'article 1181 prévoit par ailleurs, en cas de déménagement dans un autre département, l'information par lettre simple du président du conseil général de l'ancienne résidence et celui de la nouvelle résidence. Cette disposition n'est qu'un rappel de l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles auquel l'article 1181 renvoie. En fait, la justification de cette disposition est financière. C'est en effet le département dans lequel se situe le juge des enfants qui prend la décision qui finance les mesures ordonnées. Autrement dit, en obligeant le juge à se dessaisir, l'idée est de faire peser la charge financière sur le conseil général dans le ressort duquel la famille réside.
Signalons également qu'en cas d'urgence, le juge des enfants du lieu où le mineur a été trouvé peut aussi prendre des mesures provisoires, à charge pour lui de se dessaisir dans le mois au profit du juge territorialement compétent (NCPC, art. 1184 modifié).
Pour faire l'objet d'une mesure d'assistance éducative, l'enfant doit être mineur en danger ou voir ses conditions d'éducation gravement compromises. Il s'agit de tout mineur âgé de moins de 18 ans non émancipé. L'appréciation du danger repose sur une appréciation de faits qui relève du pouvoir souverain du juge. Mais celui-ci doit le caractériser de manière précise. Ce danger peut être d'ordre physique, psychologique, affectif ou éducatif. Il doit contrarier le développement de l'enfant. Concrètement, il s'agit d'enfants en danger parce que maltraités physiquement ou moralement (violences, abus sexuels, inceste, défaut de soins, fugue, toxicomanie, prostitution...) ou dont les conditions de vie (alimentation, santé, sécurité, éducation) ne leur permettent pas un bon développement physique ou psychologique (délaissement, carences éducatives).
Dans le cadre de cette procédure, le juge est tenu de prendre en compte les convictions philosophiques et religieuses du mineur et de sa famille. Il doit dans ses décisions garantir le respect de ces règles (NCPC, art. 1200 inchangé) .
Face au reproche des familles qui estiment être tenues dans l'ignorance des motifs pour lesquels elles sont convoquées devant le juge des enfants, le décret du 15 mars cherche à fixer un cadre garantissant l'audition et l'information des familles par le magistrat (NCPC, art. 1182 modifié). L'objectif est également de mettre le droit en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Laquelle impose une obligation d'information dès l'ouverture de la procédure et pas seulement lors du jugement.
Comme auparavant, le juge doit aviser de la procédure le procureur de la République. Il doit désormais en faire de même à l'égard des père, mère, tuteur, personne ou service à qui l'enfant a été confié quand ils ne sont pas requérants, ce qui est le cas dans la majorité des situations.
Cet avis d'ouverture de la procédure et les convocations ultérieures envoyées aux père, mère, tuteur, personne ou service à qui l'enfant a été confié ainsi qu'au mineur capable de discernement devront dorénavant mentionner les droits des parties de choisir un conseil ou de demander qu'il leur en soit désigné un d'office. Auparavant, cette information n'était délivrée que lors de la première rencontre avec le juge. Pour mémoire, la désignation doit intervenir dans les 8 jours de la demande (NCPC, art. 1186 modifié).
Ces documents informent également les parties de la possibilité de consulter le dossier. Ainsi, dès ce stade, le contradictoire existe déjà par la référence faite à l'article 1187 du nouveau code de procédure civile.
Une information sur leurs droits leur sera donc donnée dès l'avis d'ouverture de la procédure et rappelée dans chaque convocation.
Le juge des enfants entend (NCPC, art. 1182 modifié) :
les père et mère, le tuteur, la personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié ;
ainsi que le mineur « capable de discernement ». Jusque-là, la réglementation prévoyait cette audition pour le mineur à moins que son âge ou son état ne le permette pas. Selon la circulaire du 26 avril 2002, cette référence au « mineur capable de discernement » est conforme aux dispositions de l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant qui reconnaît à celui capable de discernement la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. Ce droit du mineur capable de discernement à être entendu dans toute procédure le concernant est déjà consacré par l'article 388-1 du code civil.
Le magistrat peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, à l'instar de ce qui lui était permis auparavant. Ainsi, si l'audition du mineur capable de discernement devient une obligation pour le juge, il demeure libre par ailleurs d'entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile et, notamment, de recevoir et d'entendre tout mineur quel que soit son âge ou son discernement (circulaire du 26 avril).
A l'occasion de ces auditions, le juge porte à leur connaissance - ce qui est nouveau - les motifs de sa saisine.
Signalons dès maintenant que l'article 1184 renforce ce principe d'audition des parties avant toute décision en l'appliquant expressément aux mesures provisoires et, dorénavant, aux mesures d'information (voir ci-dessous).
Comme avant, le juge peut ordonner, d'office ou à la requête des parties ou du ministère public, toutes mesures d'information (NCPC, art. 1183 nouveau). Celles-ci concernent désormais la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents (et non plus « notamment [...] une étude de la personnalité du mineur » ). Ainsi, cette disposition plus générale consacre explicitement la pratique des magistrats, admise par la jurisprudence, étendant les investigations à l'analyse de l'ensemble de la situation familiale et, en particulier, à la personnalité des parents.
Ces mesures d'investigation pourront être réalisées, entre autres, au moyen d'une enquête sociale, d'examens médicaux, d'expertises psychiatriques et psychologiques, d'une mesure d'investigation et d'orientation éducative (NCPC, art. 1183 nouveau). Le juge confie l'exercice de ces mesures à des services spécialisés publics ou privés ou à toute personne en fonction de ses compétences.
Autre avancée de taille : ces mesures d'information ne pourront désormais être prises que s'il a été procédé à l'audition des intéressés (père, mère, tuteur, personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié et mineur capable de discernement). En cas d'urgence « spécialement motivée », il peut toutefois être dérogé à cette règle (NCPC, art.1184 modifié). La circulaire du 26 avril précise qu'il peut en être ainsi, notamment, en cas d'impossibilité matérielle de convoquer les familles (hospitalisation, incarcération, disparition des parents laissant les mineurs livrés à eux-mêmes...) ou de nécessité de protection immédiate du mineur.
Toutefois, les mesures d'information n'étant pas susceptibles d'appel en vertu de l'article 150 du nouveau code de procédure civile, on peut s'interroger sur l'existence d'une éventuelle sanction en cas de non-audition des parties par le juge.
En application de l'article 375-5 du code civil, le juge des enfants peut ordonner des mesures provisoires. Une possibilité également accordée, en cas d'urgence, au procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé (C. civ., art.375-5, al. 2 inchangé).
Ainsi, le juge des enfants peut prononcer des mesures provisoires telles : la remise provisoire de l'enfant à un centre d'accueil ou d'observation, la décision de confier l'enfant à l'autre parent, à un membre de la famille, à un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance, des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert.
A l'instar des mesures d'information et comme auparavant, ces mesures provisoires ne peuvent être prises que s'il a été procédé à l'audition des père, mère, tuteur, personne ou représentant à qui l'enfant a été confié et, désormais, du mineur capable de discernement (NCPC, art. 1184 modifié).
Dans un souci de respect du principe du contradictoire, le décret du 15 mars 2002 renforce les droits des intéressés lorsque les mesures provisoires sont prises en cas d'urgence.
Pour mémoire, ces mesures peuvent être ordonnées :
par le juge des enfants ;
par le procureur de la République. Dans cette hypothèse, il lui appartient de saisir dans les 8 jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure.
Or ce dispositif était critiqué. S'agissant de la mesure provisoire prise par le juge des enfants en urgence, il était, en effet, reproché à la procédure de ne pas prévoir que les parents soient reçus par le magistrat, y compris dans le cas d'un placement, avant que le magistrat ne prenne sa décision. Pour ce qui est de la décision du procureur de la République, les griefs visaient l'absence de convocation des mineurs et de sanction en cas de dépassement du délai de 8 jours pour saisir le juge des enfants. En outre, prise par le procureur, cette mesure n'était pas susceptible d'appel.
Aussi, le décret apporte-il des aménagements à la procédure pour mieux l'encadrer.
Désormais, cette situation d'urgence justifiant la prise d'une mesure provisoire, y compris de placement, sans audition doit être « spécialement motivée ».
En outre, dans le cas d'un placement en urgence sans audition des parents, le décret du 15 mars 2002 impose au magistrat d'auditionner les intéressés dans les 15 jours :
à compter de sa décision ;
à compter de la date de sa saisine par le parquet si la décision initiale a été prise par le procureur de la République. Ainsi, la première audience interviendra donc au plus tard 3 semaines après la décision ordonnée en urgence par le procureur de la République, sans toutefois que la procédure soit bloquée si les parents ne comparaissent pas.
A défaut d'audition dans ces délais, le mineur est remis à ses père, mère, tuteur, personne ou service à qui il a été confié, sur leur demande. La circulaire précise que si cette dernière est adressée directement au service en charge de l'enfant, celui-ci devra s'informer auprès de la juridiction afin de vérifier la réalité de l'absence d'audition dans les délais légaux.
Comme auparavant, il est prévu que le mineur désormais capable de discernement, le père, la mère, le tuteur ou la personne ou le service à qui il a été confié peuvent faire le choix d'un conseil ou demander au juge qu'il leur en soit désigné un d'office. La désignation doit intervenir dans les 8 jours de la demande (NCPC, art. 1186 modifié). S'agissant du mineur, l'introduction de la notion de discernement par le décret du 15 mars consacre une jurisprudence de la Cour de cassation.
Ce droit leur est répété lors de leur audition. Rappelons que les intéressés doivent être informés du droit à l'assistance d'un avocat dans l'avis d'ouverture de la procédure et les convocations ultérieures .
Mesure phare de la réforme, le décret du 15 mars 2002 affirme le principe du contradictoire en assistance éducative en permettant un accès direct aux dossiers d'assistance éducative par les parents et les mineurs. Antérieurement, l'article 1187 du code de procédure civile autorisait uniquement la consultation du dossier par leur avocat. Très rarement assistées d'un avocat, les familles n'avaient, en pratique, pas accès à leur dossier et, de ce fait, ne connaissaient pas le contenu des écrits les concernant. Même si régulièrement, les travailleurs sociaux peuvent faire connaître leur rapport avant leur envoi au juge.
Il était donc reproché au système de ne pas permettre un véritable principe du contradictoire, de laisser planer toutes les interrogations et d'affaiblir l'image d'impartialité du juge, empêchant parfois que s'instaure la confiance que doivent avoir les familles dans l'institution judiciaire. De plus, à plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l'Homme a considéré que la divulgation des éléments du dossier à l'audience par le juge des enfants était insuffisante et trop tardive pour permettre aux familles de préparer utilement leur défense.
Comme avant, le dossier peut être consulté, dès l'avis d'ouverture de la procédure et jusqu'à la veille de l'audition ou de l'audience, au greffe du tribunal pour enfants, par l'avocat du mineur et celui de ses père, mère, tuteur, de la personne ou du service auquel l'enfant a été confié.
En outre, l'avocat peut désormais se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour l'usage exclusif de la procédure d'assistance éducative. Ainsi, il ne pourra produire ces pièces dans le cadre d'autres procédures.
De plus, il ne peut transmettre les copies ainsi obtenues ou leur reproduction à son client.
Les parties disposent désormais d'un accès direct au dossier, avec quelques limites néanmoins.
Le dossier peut ainsi être consulté, ce qui est nouveau, sans l'intermédiaire d'un avocat, à leur demande :
par les père, mère, tuteur, personne ou service à qui l'enfant est confié ;
et par le mineur capable de discernement.
Il s'agit d'une simple consultation sur place. La famille, à l'inverse de l'avocat, ne peut obtenir la copie du dossier.
Les parents, le tuteur, la personne ou le service à qui l'enfant a été confié, parties à la procédure, peuvent consulter directement le dossier au greffe du tribunal pour enfants après en avoir fait la demande auprès du magistrat. Aucun formalisme n'est exigé pour cette demande, précise la circulaire du 26 avril.
S'agissant du mineur, la consultation de son dossier ne peut se faire qu'en présence de l'un au moins de ses parents ou de son avocat. Cette disposition a pour objet, compte tenu de la particulière vulnérabilité des mineurs, de ne pas les laisser seuls lors de la consultation, souligne l'administration.
Ce principe de consultation du dossier doit prévaloir, y compris en cas de désaccord des parents. « L'accès à son dossier est en effet désormais un droit pour le mineur capable de discernement » (circulaire du 26 avril). C'est pourquoi, en cas d'opposition des parents à la consultation de son dossier par le mineur et en l'absence d'avocat de l'enfant, le juge fait désigner un avocat d'office au mineur pour l'assister durant la consultation ou autorise le service éducatif chargé de la mesure à l'accompagner à cette occasion.
On peut supposer que si les intérêts du mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le juge peut également désigner un administrateur ad hoc en application de l'article 388-2 du code civil.
Compte tenu de la spécificité de la procédure, une exception de prudence est posée, consistant à autoriser le juge des enfants à écarter la consultation de certaines pièces du dossier à plusieurs conditions cumulatives. Cette limitation est possible :
en l'absence d'avocat. A contrario, lorsque le père, la mère ou le mineur est accompagné de son avocat, il a accès à son dossier dans sa totalité sans possibilité d'en écarter aucune pièce, l'avocat dans sa mission d'assistance étant garant de ce libre accès (circulaire du 26 avril) ;
lorsque la consultation du dossier en son entier pourrait faire courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers. La consultation est alors limitée pour l'un ou l'autre des parents, le tuteur, la personne ou le service à qui l'enfant a été confié ou pour le mineur ;
par décision motivée du juge.
Des situations particulières (secrets de famille liés notamment à une question de filiation, troubles mentaux, violences graves...), appréciées in concreto, peuvent justifier d'écarter de la consultation certaines pièces du dossier, indique l'administration. Par ailleurs, face à des familles recomposées dans lesquelles les parents ne sont concernés qu'en fonction des différentes filiations, l'exclusion de documents comportant des informations sur la vie privée, l'histoire personnelle ainsi que les difficultés conjugales, médicales ou personnelles de chacun peut aussi s'expliquer, leur divulgation, à l'occasion de la consultation du dossier, pouvant constituer un danger moral important pour l'intéressé.
Cette mise à l'écart de certaines pièces du dossier pourrait avoir lieu jusqu'à la création d'un contexte favorable (thérapie, travail éducatif).
La circulaire du 26 avril précise également que conformément aux dispositions des articles 1190 et 1191 du nouveau code de procédure civile, cette décision du juge doit être notifiée et est susceptible de recours. Le droit d'appel de cette décision à laquelle s'appliquent les règles de droit commun appartient à toute partie qui y a intérêt (NCPC, art. 546 inchangé). Elle ajoute qu'il « serait opportun pour assurer l'effectivité de ces décisions de les assortir de l'exécution provisoire ».
A noter : on peut s'interroger sur la manière dont le juge pourra motiver sa décision sans dévoiler le contenu des pièces en cause.
La consultation du dossier n'est pas ouverte à tout moment de la procédure mais jusqu'à la veille d'une audition ou d'une audience, « aux jours et heures fixés » par le magistrat. Aussi, la circulaire du 26 avril invite-t-elle les juridictions à organiser une gestion des rendez-vous de consultation des dossiers et à établir un planning. La gestion de l'agenda étant confiée au greffe du tribunal pour enfants (ou au secrétariat commun s'il en existe un dans la juridiction).
Les parties, informées de leur droit de consultation dans l'avis d'ouverture de la procédure et dans les convocations qui leur sont envoyées, devront être avisées de la nécessité de prendre contact avec le greffe avant de se voir fixer un rendez-vous. Celui-ci pourra être pris par les parties, sous toutes formes (appel téléphonique, écrit ou fax). « Il est important que le dossier soit soumis au plus tôt au magistrat afin de lui permettre d'apprécier la nécessité d'écarter certaines pièces de la consultation ».
Si le jour de la consultation, les parties sont accompagnées de leur avocat, les pièces qui ont été écartées par le juge des enfants dans l'hypothèse d'une consultation sans avocat, devront être réintégrées dans le dossier.
Dans tous les cas, les juridictions sont invitées à mettre en place plusieurs plages horaires de consultation dans la semaine, d'une heure ou plus selon les besoins, afin d'assurer un temps de consultation suffisant. Pour faciliter une meilleure organisation du service, plusieurs consultations peuvent avoir lieu simultanément.
Enfin, conformément aux principes généraux de la procédure civile, rappelle l'administration, un interprète pourra être désigné par ordonnance pour permettre aux parties d'avoir accès à la consultation.
Comme l'ont relevé plusieurs auteurs (3), ces modalités concrètes posent questions :
le texte est silencieux sur la possibilité pour les parties de pouvoir prendre copie du dossier (original ou double intégral). Il s'agit d'une simple consultation sur place à heures et jours fixes. Dès lors, cela sera-t-il suffisant pour que les intéressés aient une connaissance approfondie du dossier ? ;
le décret ne prévoit pas non plus l'information des parties sur le dépôt ultérieur d'une pièce au dossier après qu'ils l'auront consulté.
Au final, on peut donc se demander si cette « consultation » répond bien à l'exigence de respect du principe du contradictoire.
La circulaire confie par ailleurs la mission d'accueil, d'information du public et de surveillance aux fonctionnaires présents dans les cabinets des juges des enfants, qui assistent habituellement le magistrat à l'audience et dans ses fonctions, ou au secrétariat commun. Elle estime en outre que leurs connaissances juridiques et leur expérience professionnelle doivent leur permettre de veiller à donner des réponses adaptées aux questions posées par les familles ou les mineurs.
Le jour fixé pour la consultation, ces personnels devront vérifier l'identité des personnes concernées.
La consultation devra être organisée en fonction de la disponibilité des locaux. Toutefois, les chefs de juridiction sont conviés à porter une « particulière attention à ce que soit mis à la disposition des familles un espace suffisant, permettant la confidentialité ». Des locaux assez vastes faciliteront l'accueil simultané de plusieurs familles.
La circulaire prévoit également une organisation matérielle des dossiers. Il sera ainsi effectué une cotation des différentes pièces et un double intégral du dossier peut être fait. Ce dernier pouvant être mis à la disposition des familles pour leur consultation (à la place de l'original du dossier).
L'accès au dossier par les services éducatifs auxquels la loi ne confère pas la qualité de parties à la procédure (service éducatif exerçant une mesure d'investigation ou d'assistance éducative en milieu ouvert) est prévu selon les mêmes conditions que celles fixées pour les parties.
Cette disposition nouvelle entérine une pratique courante des cabinets de juges des enfants qui, en raison de l'intérêt de ces professionnels à la connaissance des éléments des dossiers, autorisait cette consultation de la façon la plus souple possible. « Ces dispositions permettent ainsi la pérennité des pratiques actuelles » (circulaire du 26 avril).
Si l'instruction n'est pas terminée dans les 6 mois, le juge peut, après avis du procureur de la République, proroger ce délai pendant un temps dont il détermine la durée qui ne pourra excéder dorénavant 6 mois (NCPC, art. 1185 modifié). Cette encadrement de la prorogation des mesures d'instruction permet ainsi de limiter la durée de l'instruction à une année maximum.
L'instruction terminée, le dossier est transmis au procureur de la République qui le renvoie dans les 15 jours au juge, accompagné de son avis écrit sur la suite à donner ou de l'indication qu'il entend formuler cet avis à l'audience (NCPC, art. 1187 modifié).
L'audience peut être tenue au siège du tribunal pour enfants ou au siège d'un tribunal d'instance situé dans le ressort indiqué par la convocation (NCPC, art. 1188 inchangé).
Les père, mère, tuteur ou personne ou service à qui l'enfant a été confié et, le cas échéant, le mineur sont convoqués à l'audience 8 jours au moins avant la date de celle-ci. Les avocats des parties sont également avisés.
Pendant l'audience, le juge entend le mineur, ses père et mère, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié ainsi que toute personne dont l'audition lui paraît utile. Il peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu'il se retire pendant tout ou partie de la suite des débats. Les avocats des parties sont entendus (NCPC, art. 1189 inchangé).
L'affaire est instruite et jugée en chambre du conseil, après avis du ministère public.
La décision du juge fixe la durée de la mesure sans qu'elle puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder 2 ans. Cette mesure peut être renouvelée par décision motivée (C. civ. art. 375 inchangé).
En tout état de cause, toute décision du juge est notifiée dans les 8 jours aux père, mère, tuteur ou personne ou service à qui l'enfant a été confié, ainsi qu'à l'avocat du mineur s'il en a été désigné un. Avis en est donné au procureur de la République.
Seule la solution retenue (et non la décision dans son entier) est notifiée au mineur de plus de 16 ans à moins que son état ne le permette pas (NCPC, art. 1190 inchangé).
En cas de mesures provisoires, la décision au fond doit intervenir dans un délai de 6 mois à compter de la décision ordonnant les mesures provisoires. Sinon, l'enfant est remis à ses père, mère, tuteur, personne ou service à qui il a été confié, sur leur demande (NCPC, art. 1185 modifié).
Le décret du 15 mars 2002 prévoit que les convocations et notifications pourront désormais être effectuées par le greffier par lettre simple et non plus seulement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le juge pourra toujours décider qu'elles auront lieu par acte d'huissier de justice ou par la voie administrative (NCPC, art. 1195 modifié ). Explications : de nombreuses familles en assistance éducative ne sont pas touchées par les convocations ou notifications des décisions les concernant, faute d'avoir retiré la lettre recommandée. L'idée est de doubler l'envoi par lettre recommandée d'un envoi par lettre simple.
Comme auparavant, les décisions du juge des enfants peuvent faire l'objet d'un appel (NCPC, art. 1191 inchangé) :
par le père, la mère, le tuteur ou la personne ou le service à qui l'enfant a été confié jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification ;
par le mineur lui-même jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification et, à défaut, suivant le jour où il a eu connaissance de la décision ;
par le ministère public jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la remise de l'avis qui lui a été donné.
En revanche, le président du conseil général ne peut formuler un appel, sauf en sa qualité de gardien d'un mineur confié au service de l'aide sociale à l'enfance.
Conformément à l'article 150 du nouveau code de procédure civile, les décisions d'instruction ne sont pas susceptibles d'appel.
En revanche, les mesures provisoires le sont si elles sont prises par le juge des enfants. Dans le cas où la mesure de placement provisoire est ordonnée par le procureur de la République (et non par le juge, ce qui est possible en cas d'urgence), elle ne peut faire l'objet d'un appel. Toutefois, la circulaire du 26 avril rappelle que dans l'hypothèse d'un placement provisoire ordonné par le procureur de la République, le juge peut maintenir, modifier ou rapporter la mesure. Cette nouvelle décision du juge ouvre alors aux parties la voie de l'appel et permet, le cas échéant, d'accorder des droits de visite et d'hébergement.
Par ailleurs, la décision du juge écartant certaines pièces du dossier est également susceptible d'appel, précise l'administration .
Enfin, les décisions au fond sont susceptibles d'appel.
L'appel est formé selon les règles édictées aux articles 931 à 934 (NCPC, art. 1192 inchangé), soit devant le greffier du tribunal pour enfants, soit par lettre recommandée adressée au greffe de cette juridiction (NCPC, art. 932 inchangé ).
Le greffier avise de l'appel, par lettre simple, ceux des père, mère, tuteur, personne ou service à qui l'enfant a été confié et le mineur de plus de 16 ans lui-même qui ne l'auraient pas eux-mêmes formé et les informe qu'ils seront ultérieurement convoqués devant la cour. Simultanément, il transmet au greffe de la cour d'appel le dossier de l'affaire avec une copie de l'appel et une copie du jugement.
Comme auparavant, l'appel est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la cour d'appel chargée des affaires de mineurs suivant la procédure applicable devant le juge des enfants.
Toutefois, « pour que l'exercice des voies de recours en matière de placement provisoire ne puisse plus être privé de toute effectivité et que ces décisions les plus douloureusement ressenties par les familles puissent faire l'objet d'un réexamen rapide » (circulaire du 26 avril), la cour devra statuer sur l'appel des décisions de placement provisoire ordonnées par le juge dans les 3 mois à compter de la déclaration d'appel (NCPC, art. 1193 modifié). Aucune sanction n'est néanmoins attachée à cette obligation, à la différence de ce qui est prévu au stade de l'instruction où, en cas de non-respect des délais, l'enfant peut être remis à ses parents (NCPC, art. 1184 modifié). En tout état de cause, les greffes des tribunaux pour enfants sont invités à adresser ces dossiers dans les meilleurs délais à la cour d'appel afin qu'elles puissent les traiter en priorité.
Les décisions de la cour d'appel sont notifiées dans les 8 jours dans les mêmes conditions que les jugements (NCPC, art. 1194 inchangé).
Le pourvoi en cassation est possible suivant les règles de droit commun (délai de 2 mois). Dans ce cas, les parties sont dispensées du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Le pourvoi en cassation est ouvert au ministère public (NCPC, art. 1196 inchangé).
Toute personne qui y a intérêt peut former pendant 30 ans tierce opposition quand elle n'a pas été partie ou représentée au jugement qu'elle attaque dans le but de le faire réformer ou rétracter (NCPC, art. 582 et suivant inchangé) (4). La jurisprudence a ainsi jugé que des grands-parents ou un service de l'aide sociale à l'enfance à qui l'enfant avait été confié dans le passé et qui n'était pas partie au jugement ordonnant la levée de la mesure ont intérêt à former tierce opposition.
Sophie André
(1) Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.
(2) Voir ASH n° 2207 du 23-03-01.
(3) Voir « La réforme de la procédure d'assistance éducative » - Michel Huyette - JDJ n° 215 - mai 2002 et « Réforme de la procédure d'assistance éducative : premières impressions » -, Thierry Garé - RJPF n° 5, mai 2002.
(4) La tierce opposition est une voie de droit ouverte aux personnes qui n'ont pas été présentes ou représentées dans une instance pour leur permettre de remettre en cause un jugement qui préjudicie à leurs droits.