Jusqu'à présent, les avatars de la mondialisation, associée aux hoquets du CAC 40, aux turbulences plus lointaines des marchés financiers internationaux ou aux délocalisations à répétition, n'avaient pas (encore) d'incidence sur les principes et la culture du travail social. C'est désormais à l'aune de ses conséquences que les professionnels vont devoir envisager leurs pratiques et la formation des futures générations qui vont contribuer au travail social du XXIe siècle. Un chantier ouvert sous les auspices de la 30e conférence de l'Association internationale des écoles de travail social qui a réuni, pour la première fois en France, plus de 1 200 formateurs et étudiants de 64 pays représentant cinq continents, à Montpellier, du 15 au 18 juillet dernier (1).
Espoir pour certains, inquiétude pour le plus grand nombre. L'impact de la mondialisation sur l'économie et les politiques nationales a franchi un cap dans la conscience des professionnels de la solidarité : l'exclusion des minorités s'accroît, les discriminations entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud, les pays développés et les autres se renforcent. Comme la tentation de dominer les pays du tiers monde, assène Indrajit Goswami, enseignante à l'école de service social de Udaipur (Inde). Partout, les constats sont les mêmes : précarisation des conditions de vie, déplacement de populations pour des raisons économiques et/ou politiques, augmentation de la violence et de trafics en tous genres, difficultés d'accès au logement, à la culture, aux soins pour les plus défavorisés... Et la même crainte, largement partagée : la domination de l'économique sur le social, appelé à davantage d'efficacité et de rentabilité, à travers la privatisation des services et des prestations et l'émergence d'un marché du social en lieu et place d'une offre de biens publics. « La mondialisation génère une évolution des Etats-providence vers un modèle social libéral unique qui substitue au welfare state un workfare de référence », observe Alain Marchand, professeur de sciences économiques à l'université de Mont- pellier-II.
Comment alors les travailleurs sociaux peuvent-ils répondre sans trahir les valeurs fondamentales de justice sociale, de citoyenneté et de démocratie qui les réunissent ?, s'interroge Christine Moorley, formatrice à l'université de Deakin (Australie). Les conséquences de la mondialisation commencent concrètement à se faire sentir : Comment se préparer, en Europe par exemple, aux migrations futures, lorsque l'on observe les conditions faites actuellement aux réfugiés et aux demandeurs d'asile en France ou en Australie ? « J'ai honte d'être travailleur social car je me sens impuissante face aux camps d'enfermement et aux conditions de détention des réfugiés dans mon pays », témoigne Nathalie Bolzan (université de Sydney-Ouest, Australie). « Et l'Angleterre applaudit. Voudrait-elle nous copier ? » Comment les travailleurs sociaux indiens peuvent-ils rassembler les membres des communautés hindoue et musulmane en plein conflit ethnique et religieux et se situer eux-mêmes professionnellement ? Comment aider les populations à exercer leurs droits dans des pays comme l'Inde divisée en classes et en castes, ou le Brésil où les plus pauvres cherchent d'abord à survivre ? En s'appuyant sur une valeur phare - la citoyenneté -, pourtant trop à la mode depuis dix ans pour ne pas être suspecte, même au pays des droits de l'Homme.
« Notre but est de former nos étudiants à une réflexion critique sur le travail social, pour qu'ils soient moins inféodés au système administratif et politique . Et qu'ils se battent davantage pour aider les clients à revendiquer leurs droits », n'hésite pas à dire Liv Schjelderup, professeur à l'Institut de travail social de l'université de Stavanger (Norvège ). Ce dernier a monté en 1995 un programme, repris depuis en Suède et en Finlande, dans lequel les étudiants proposent une « consultation sociale » à des personnes qui n'ont pas accès, ne veulent ou ne peuvent pas s'adresser aux services sociaux. Objectif numéro un :le respect des droits des clients. Le rôle des étudiants consiste selon les cas à informer les personnes sur leur droits, à les orienter auprès des institutions, à servir de médiateurs avec les professionnels, à creuser les décisions de ces derniers et à les discuter avec eux. « Un rôle plus stratégique que bureaucratique supervisé quand même par une équipe de juristes, sociologues et travailleurs sociaux chevronnés », souligne Liv Schjelderup. Les réactions des professionnels ont été en retour... très critiques. « Intéressant, note-t-elle avec une certaine ironie, étant donné la position de monopole des services sociaux envers les plus marginalisés. On peut se demander jusqu'à quel point les travailleurs sociaux n'ont pas, dans les pays développés du Nord, abandonné leur responsabilité envers les défavorisés et perdu leur esprit critique par rapport à l' establishment . » Cette approche permet, estime-t-elle, de « renforcer les méthodes fondées sur l' empowerment , la participation et les ressources propres des usagers ». Contact :
Si pour Nathalie Blanchard (Institut de formation aux fonctions de direction, Montpellier) la citoyenneté à l'usage dans le travail social représente un « droit à l'accès aux droits, ou bien encore un dernier rempart contre la désaffiliation », d'autres, comme Marcel Jaeger , directeur de Buc-Ressources (Yvelines), s'interroge sur la raison pour laquelle « on parle en France de droit des usagers, comme si ces derniers appartenaient à une catégorie particulière. Au lieu de resserrer l'écart avec un droit universel (l'accès de tous à tous les droits), on a développé un droit spécifique », au risque de créer une citoyenneté de seconde zone.
Cette notion s'apparente davantage à un outil « instrumentalisé par les gouvernements désireux de transformer chez leurs concitoyens leur perception du rôle de l'Etat plutôt qu'au souci de faire véritablement progresser l'exercice de la citoyenneté », remarque pour sa part Daniel Tremblay, enseignant au département de travail social de l'université de Hull (Québec). En promouvant la notion de « citoyenneté active » autour des notions d'insertion, d'autonomie, d'engagement, d'initiative, de cohésion, les politiques visent à mobiliser les populations de façon à ce qu'elles participent de manière productive à la vie de leur communauté et ne comptent plus sur les aides publiques pour vivre mieux. Ce qui a pour effet notamment « d'occulter la dimension passive de la citoyenneté - le bien-être - en frappant d'ostracisme une partie de la clientèle des politiques sociales traditionnelles », conclut-il. Plus radicale, Ana Maria Quiroga (université fédérale de Rio de Janeiro, Brésil) considère que la citoyenneté comporte en elle-même en général une logique excluante car, pendant longtemps, une grande partie de la population n'a pas été considérée comme faisant partie de l'humanité. Significatif : on ne trouve pas, par exemple, de traduction équivalente du terme dans les différentes langues indiennes.
Pour Ivanete Ferreira, enseignante à l'université de Brasilia, l'Etat joue un rôle majeur mais paradoxal dans la construction de la citoyenneté. Depuis 1988, il existe au Brésil un système de sécurité sociale, fondé sur cette idée. Mais reposant sur les cotisations des salariés, il laisse sans protection sociale 51 millions de personnes vivant de petits boulots dont le revenu mensuel n'atteint pas 100 € par mois. « L'organisation de la protection sociale peut donc conduire à renforcer les inégalités », souligne-t-elle.
Vues du Chili, les diverses approches de la citoyenneté ne sont pas liées à la mondialisation mais à l'histoire et au territoire de chaque pays. « Cette notion n'était pas à la mode en Amérique latine mais elle a été vulgarisée par les régimes militaires puis réutilisée par les Etats néo- libéraux. » « Peu importe », s'enflamme Teresa Matus Sepulveda (Ecole de travail social, université catholique de Santiago du Chili). « Que cela ne nous empêche pas de continuer à nous battre pour défendre les usagers, à croire au processus de transformation de la société et à un idéal de justice sociale ! » Mais pour transmettre des convictions et enseigner une pratique, encore faut-il savoir quel type de travailleur social il convient de promouvoir. Ce congrès mondial aura été, une fois de plus, l'occasion pour les participants de donner cours à leurs interrogations récurrentes autour de l'identité professionnelle et des méthodologies d'intervention du travail social.
Au Danemark, 90 % des travailleurs sociaux exercent dans le secteur public. « Un jour, au bout de 25 ans de pratique de développement communautaire dans une ville de province, raconte Gordon Vincenti, travailleur social et enseignant à l'Institut danois de travail social, des clients m'ont demandé si j'étais bien de leur côté. Une question en apparence banale qui en réalité réinterroge complètement le sens de notre travail et de nos pratiques. Et le modèle scandinave de l'Etat-providence. Auparavant, nous étions très pragmatiques : il y avait une demande, on y répondait. On pensait savoir ce qui était bon pour les gens qui intégraient tous des circuits pré-établis. Mais on ne peut plus fonctionner sur ce schéma. Aujourd'hui, l'individualisme prime. Les travailleurs sociaux sont pris au piège entre des usagers-consommateurs qui revendiquent leurs droits, la prise en compte des libertés individuelles, et des sociétés nanties qui offrent un haut degré de protection sociale, mais assorti en contrepartie d'un contrôle social non moins fort. »
Ce que confirme encore Alain Marchand en soulignant comment, sous les coups de la globalisation économique et politique, le dépérissement de l'Etat- nation invalide les politiques sociales historiques, telles que le modèle social- démocrate scandinave, au profit d'un modèle social libéral « universel ». « Le travail social de ce fait ne peut plus être légitimé ni par des lois nationales, ni par le service public, ni par des accords internationaux. Exemple frappant, le rôle que jouent les ONG dans la nouvelle gouvernance mondiale... »
Trois enseignants des universités de Tel Aviv, de Jérusalem (Israël) et de Plymouth (Grande-Bretagne ) ont mené une étude comparative afin de vérifier l'hypothèse couramment admise selon laquelle les travailleurs sociaux exercent une profession universelle, reposant sur des valeurs communes. Près de 800 étudiants en fin d'études dans dix pays (2) ont participé à cette recherche qui montre que :
la pauvreté est largement perçue comme ayant des causes sociales et structurelles et non psychologiques et individuelles ;
l'accroissement des dépenses publiques pour améliorer la protection sociale est considéré comme le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté, loin devant le traitement des comportements individuel (sauf au Zimbabwe et au Brésil), la réduction des aides financières et les politiques coercitives d'incitation au travail ( workfare ) ;
les objectifs du travail social reposent pour tous sur le bien-être de l'individu et la justice sociale, les étudiants d'Australie, du Brésil et du Zimbabwe étant les seuls à mentionner leur volonté d'influer sur les politiques publiques, une fois en poste ;
plus étonnant : le travail individuel reste le mode d'intervention préféré des étudiants sauf au Zimbabwe et au Brésil. Des données certes modestes mais qui tendent à prouver qu'il existe bien « un noyau dur commun aux valeurs portées par le travail social à travers le monde », estiment les chercheurs.
Pour modifier nos pratiques, il faudrait combiner à la fois une approche politique du travail social aux niveaux national et local et une approche intégrative des populations s'appuyant sur leur participation à la communauté et leur capacité à agir ( empowerment ), estime, pour sa part, le danois, Gordon Vincenti. Comme la citoyenneté, ce concept anglo-saxon fait maintenant partie de la définition internationale du travail social (3). Banalisé, voire galvaudé, il reste pourtant la valeur de référence dans ces pays et commence à le devenir en France. Il s'appuie en effet sur les ressources positives des personnes en difficulté et non sur leur manque ou leur incapacité. L'empowerment constitue d'ailleurs « l'un des pré-requis indispensable pour que l'individu puisse exercer sa citoyenneté », estime Jean-Marie Heydt, (Ecole supérieure en travail social et éducatif, Strasbourg). Mais à force de vouloir « bien faire », cet encouragement à participer et à agir ne risque-t-il pas de se transformer en une « nouvelle tyrannie » ?, se demande Daniel Tremblay.
Un clivage se dessine toujours entre les pays en voie de développement, et les pays pauvres, qui bien souvent se rattachent à une conception radicale du travail social, largement développée en Amérique latine, et les démocraties industrialisées, qui n'ont pas mesuré au fil des années les conséquences du welfare sur la technocratisation du travail social. Et qui semblent bien essoufflées au regard de l'enthousiasme étonnamment roboratif des pays les moins avancés. Selon l'approche radicale, le travail social doit contribuer au changement et aider les populations à lutter contre toutes les formes d'oppression et de sous-développement. Ce qui a amené les pays concernés à développer souvent des formes de travail collectif. « Les conséquences de la mondialisation sur les populations marginalisées rendent encore plus nécessaire cette démarche pour faire émerger les exclus et rendre visible leur identité collective de citoyens », plaide Mary Alphonse, directrice de l'école de travail social de Mumbai (Inde). Pour cela, l'école forme notamment ses étudiants à une approche centrée sur les populations dans leur environnement qui s'appuie sur plusieurs apprentissages autour du travail avec les groupes axé sur le dialogue, l'organisation et la promotion des habitants, l'interface auprès des institutions et enfin la méthodologie de projet, le tout adossé à des expériences de terrain (voir encadré ci-dessous).
En Europe, il y a tout de même quelques fervents partisans d'un radicalisme idéologique qui se décline rarement de la sorte en France. « Je ne crois pas au travail social individuel ; c'est une erreur profonde », n'hésite pas à dire Pamela Trevithick, praticienne et enseignante au département d'études politiques de l'université de Bristol (Royaume-Uni) qui s'avoue d'entrée de jeu féministe et socialiste, comme si cela conditionnait sa pratique. « Lorsque domine la loi du marché renforcée par la mondialisation, le seul moyen d'aider les plus faibles, c'est la force collective apportée par le groupe qui peut les rendre, ou les maintenir, acteurs de leur propre vie. Les travailleurs sociaux ont collectivement plus de force pour se faire l'interprète des dysfonctionnements sociaux. Il faut cibler les structures et non pas les individus. Sinon l'on se transforme en agents de contrôle social », recommande-t-elle avec conviction. « Je vous envie ce débat sur les modèles d'intervention, soupire un universitaire américain de l'Arkansas. Pour nous, c'est un luxe. Aux Etats-Unis, nous ne pouvons pratiquer aucune sorte de travail collectif, faute de moyens. Les travailleurs sociaux ont des objectifs et des résultats à atteindre. Leur préoccupation majeure, c'est d'obtenir des fonds. »
Si la marchandisation et la monétarisation constituent bel et bien la substantifique moelle de la mondialisation, celle-ci doit se combiner avec les exigences d'une proximité de plus en plus revendiquée. Même en travail social, souligne Jim Ife, professeur à l'université technologique de Curtin (Australie), « l'ère de la globalisation économique et politique exige de lier le global et le local. Le célèbre “penser globalement, et agir localement” ne suffit plus. Il faut penser et agir en permanence à ces deux niveaux. » La prise de distance observée dans de nombreux pays vis-à-vis de l'Etat-providence et le retour ou la primauté du local ne correspondent-ils pas à l'émergence d'une question territoriale, autour d'un modèle plus communautariste et plus pragmatique de la vie et de l'action publiques, autour d'un vivre ensemble qui serait en fait, pour les populations, la trame d'une citoyenneté retrouvée ?
Pour Jim Ife, les différents niveaux (étatique, local, communautaire) ne sont plus dissociables ni les méthodes d'intervention qui ne doivent être ni opposées ni dogmatisées. Et chacun de suggérer les ingrédients nécessaires pour armer les futurs professionnels.
Prendre notamment pour fondement théorique et pratique les droits de l'Homme qui constituent un socle de valeurs universelles et un rempart de protection pour lutter contre toutes les formes d'exclusion et de discrimination. Un concept lui aussi très prisé dans les pays anglo-saxons pour refonder les formations et la pratique en travail social.
Alain Marchand y voit plutôt une rupture dans l'exercice du travail social. « La primauté des droits de l'Homme assigne à l'urgence et à l'ingérence humanitaire un rôle fondateur de l'intervention sociale. Le travail social n'est plus reconnu comme médiation concrète, comme l'instrument professionnalisé de compromis institutionnalisés. Il doit sans cesse prouver sa légitimité à agir face à des valeurs codifiées par la société civile qui ne sont plus déclinées sur un mode d'intérêt général, ni délibérées par la démocratie. Le culte des droits de l'Homme s'est imposé contre les acteurs collectifs et même contre la citoyenneté. Ils renvoient aujourd'hui à l'avoir (logement, emploi, intégrité, vie familiale, etc.) et non pas à l'être. »
D'autres centres de formation et universités mettent l'accent sur une indispensable approche multiculturelle, sur la coopération et les échanges internationaux, ou bien encore sur l'utilisation des nouvelles technologies. Selon Christine Batime (Institut du développement social, Canteleu-Rouen), trois axes complémentaires devraient être intégrés dans la formation des travailleurs sociaux : une approche culturelle sur l'impact des systèmes d'information, une approche de médiation éducative pour les publics en difficulté et pédagogique concernant les contenus de formation, les échanges, les pratiques, et les diplômes interna-tionaux.
L'école de service social de l'université de Montréal a choisi, elle, de renforcer l'enseignement de l'éthique en adaptant d'abord l'environnement des étudiants pour qu'ils se sentent encouragés à réfléchir, à mettre à plat leurs valeurs et leurs présupposés et donc à prendre des risques. « Ils doivent apprendre à considérer l'incertitude et le doute comme les compagnons de route nécessaires et non comme un signe d'incompétence et s'engager dans un processus de co-construction des savoirs avec leurs pairs et leurs professeurs », analyse Lyse Montminy. Depuis avril 2001, un groupe d'enseignants volontaires suit un séminaire de réflexion et a produit dans ce cadre des outils pédagogiques (journal de bord, ateliers et exercices centrés sur le développement de la réflexion, guide des objectifs d'apprentissage en stage).
Les terrains de stage des étudiants de l'école de Mumbai (Inde) leur permettent de travailler sur :
la confiance en soi et l'égalité : ils sont accueillis dans des organisations qui développent des stratégies d'autoproduction telles que des microsystèmes d'irrigation, des groupes d'auto-soutien pour les femmes, pour les droits des habitants à défendre leurs terres, etc. ;
l'accès à la citoyenneté : dans le secteur du bâtiment ou travaillent des millions d'Indiens, et d'immigrés, les étudiants jouent un rôle d'intermédiaire entre les dirigeants et les employés pour négocier un salaire minimum, la possibilité de promotions, l'accès aux services de santé, etc. Leur rôle consiste aussi à porter le débat sur la place publique et à faire avancer la reconnaissance des droits des travailleurs ;
l'organisation de mouvements : une organisation non gouvernementale, soutenue par des travailleurs sociaux professionnels, a aidé les paysans du district de Thane, près de Mumbai, libérés depuis peu de la tutelle des propriétaires terriens, à se constituer en mouvement. Ce qui permet aux étudiants de travailler sur des questions telles que les salaires, l'emploi, l'éducation des enfants, le droit à la terre, etc. ;
la coexistence harmonieuse des différentes communautés : un vrai défi lorsqu'il s'agit comme en 1993 de rapprocher hindous et musulmans dans un contexte de conflit religieux et ethnique et de haine réciproque. Les étudiants, en collaboration avec la police et les services locaux, ont dû les amener à (re) nouer le dialogue . Ils ont aussi organisé un programme de développement autour de la santé, des sports, de l'éducation, etc., imaginé des mesures préventives lorsque les tensions ont recommencé. Grâce à un module conçu par le centre de formation, ils ont appris les techniques du dialogue, de la gestion de conflit et des leaders, de la mobilisation des ressources.
En Asie, la méthodologie du travail social est largement collective, compte tenu des traditions culturelles des différents pays. Note originale par rapport à l'Europe occidentale, le choix opéré par Cecilia Chan, responsable du département de travail social à l'université de Hong-Kong, de conjuguer les principes du taoisme et du bouddhisme, la médecine traditionnelle chinoise, un soupçon de comportementalisme, et la méthodologie du travail social de groupe pour en faire le vade-mecum du travailleur social (4) . Un mixage difficilement applicable en France sans doute, comme « l'approche psychologique individuelle est, elle, impensable en Chine », explique-t-elle.
Autre type d'ouverture en Inde, où certains considèrent que, compte tenu de la complexité et de l'ampleur des questions sociales, chaque citoyen devrait posséder des compétences en travail social « qui ne sont pas l'apanage des professionnels », telles que la participation, la prise de parole en public, la mobilisation des ressources, etc. Aussi l'école de service social de Mumbai a-t-elle notamment créé des programmes de formation destinés aux jeunes des bidonvilles, transformés, à l'issue de leur parcours, en « travailleurs sociaux para-professionnels » de façon à ce qu'ils puissent répondre aux besoins de leurs quartiers.
Si, malgré ses divergences, la communauté internationale du travail social se rassemble, autour de valeurs communes, elle va devoir davantage encore se serrer les coudes face à la mondialisation. Pour s'attaquer, en particulier, à établir des normes minimales de compétences qui serviront à redéfinir les diplômes en travail social aux niveaux européen et international.
Dominique Lallemand
L'Association internationale des écoles de travail social (AIETS) est une organisation non gouvernementale qui représente la formation en travail social au niveau international en Afrique, en Asie, en Europe et sur le continent américain. Elle publie un bulletin d'information (Newsletter) :
La branche européenne qui compte 27 pays publie également un bulletin d'information :
Les anglophones peuvent avoir accès à une nouvelle revue The European Journal of Social Work, accessible sur
Les actes du colloque seront disponibles sur le site de l'Aforts :
(1) « Citoyenneté et formation des travailleurs sociaux dans la mondialisation », organisé en France par l'ANAS, l'ANCE, l'Aforts, le CNFE-PJJ, et le GNI. Secrétariat de la Conférence ACI 2002 : 1, cité Bergère - 75009 Paris - Tél. 01 53 34 14 71 - Voir ASH n° 2271du 12-07-02.
(2) Australie, Brésil, Grande-Bretagne, Canada, Allemagne, Hong-Kong, Hongrie, Israël, Zimbabwe, Etats-Unis.
(3) Officialisée par l'Association internationale des écoles de service social (AIETS) et la Fédération internationale des travailleurs sociaux en juin 2001 : « La profession de travailleur social cherche à promouvoir le changement social, la résolution des problèmes dans le contexte des relations humaines, la capacité et la libération des personnes afin d'améliorer le bien-être général. Grâce à l'utilisation des théories du comportement et des systèmes sociaux, le travail social intervient au point de rencontre entre les personnes et leur environnement. Les principes des droits de l'Homme et de la justice sociale sont fondamentaux pour la profession. » - Consultable sur
(4) Un manuel est disponible en anglais : An Eastern body-mind-spirit approach, HK University Press, 2001 - Contact :