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VERS UNE ALLOCATION COMPENSATRICE INDIVIDUALISéE ?

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Instaurer une allocation unique se substituant aux aides existantes. C'est l'une des propositions les plus novatrices du rapport du sénateur Paul Blanc sur la politique de compensation du handicap.

Les sénateurs peuvent se targuer de ne pas avoir fait attendre le président de la République, Jacques Chirac, qui, lors de sa traditionnelle allocution du 14 juillet, a fait de la politique envers les personnes handicapées, l'un des trois chantiers prioritaires de sa mandature. Dix jours après cette déclaration, la commission des affaires sociales du Sénat a, en effet, rendu public un rapport sur la politique de compensation du handicap dont l'objectif est de servir de support à une réforme de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées (1). En fait, le volumineux document présenté le 24 juillet par le sénateur des Pyrénées-Orientales, Paul Blanc, a une origine plus lointaine. C'est au lendemain du très controversé titre I de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades - qui a mis un terme à la jurisprudence Perruche (2)  - que les sénateurs ont décidé de s'emparer de ce dossier pour, au final, formuler pas moins de 75 propositions.

Pour une compensation intégrale du handicap

Mesure phare de ce rapport, la création d'une allocation compensatrice individualisée garantissant une prise en charge « effective et personnalisée » et surtout intégrale « des frais liés à la compensation du handicap ». Faisant table rase des prestations partielles préexistantes (allocation compensatrice pour tierce personne et allocation compensatrice pour frais professionnels, complément d'allocation aux adultes handicapés, majoration pour tierce personne), cette prestation serait financée par l'Etat au titre de la solidarité nationale. Et ne donnerait pas lieu à recours en récupération, a précisé le rapporteur. Dans ce contexte, l'allocation assurerait le financement non seulement des aides humaines assistant la personne handicapée pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne mais aussi, le cas échéant, le coût des aides techniques non prises en charge par l'assurance maladie ou d'autres financeurs et celui de l'aménagement du logement ou des locaux professionnels. Elle serait servie quel que soit le fait originel du handicap et quelle que soit, par ailleurs, la prestation principale (allocation aux adultes handicapés[AAH], rente d'accidents du travail, pension d'invalidité). Et pourrait, selon Paul Blanc, se décomposer en deux parties : une allocation mensuelle correspondant notamment à la rémunération des aides humaines et un « droit de tirage » de la personne handicapée sur des fonds départementaux de compensation (3) permettant de financer les aides techniques et les aménagements des locaux.

Dans le projet sénatorial, le calcul et le montant de l'allocation seraient fondés sur les besoins individuels de chaque personne handicapée. Aucune condition de ressources n'étant posée, même si les moyens propres du demandeur « seraient l'un des éléments pris en compte [...] dans l'appréciation de sa situation personnelle ». Concrètement, la personne handicapée devrait ainsi s'adresser tout d'abord à la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) pour déterminer le contenu de son droit à compensation. Et ensemble, ils définiraient son « parcours de vie ». Autant dire que cette innovation nécessite une petite révolution institutionnelle des Cotorep, relève le rapporteur du Sénat. Il est temps, pour Paul Blanc, de recentrer le dispositif sur les choix de la personne et de passer « d'une appréciation dévalorisante de [la] situation [de la personne handicapée] ,fondée sur l'évaluation administrative de ses déficiences »  à une « démarche positive visant à lui permettre, comme pour tout autre être humain, de réaliser la totalité de ses potentialités ». Une démarche qui n'est pas sans rappeler la procédure d'évaluation applicable dans le cadre de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Une fois les besoins des personnes handicapées définis, le rapport confie aux sites pour la vie autonome- qui dans l'esprit des sénateurs devraient acquérir une assise législative et voir leurs attributions élargies - le soin de mettre en œuvre ce droit à compensation financé à titre principal par l'allocation compensatrice individualisée. Ces sites - aujourd'hui limités à la coordination des aides techniques (4)  - deviendraient alors un guichet unique pour les intéressés.

Quant aux modalités de passage, à l'âge de 60 ans, de l'allocation compensatrice individualisée (ACI) à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), elles « ne devront pas entraîner, pour les personnes handicapées, de rupture de prise en charge (tant en termes financiers qu'en ce qui concerne l'organisation de leur vie quotidienne)  », rassure le rapport. Et, dans l'hypothèse où l'allocation compensatrice individualisée serait supérieure au montant de l'APA à laquelle peut prétendre l'intéressé, on pourrait, par exemple, envisager le maintien d'une allocation compensatrice individualisée différentielle versée par l'Etat. Au-delà de cette question, le document répond plus généralement à ceux qui s'inquiètent du sort des personnes handicapées vieillissantes par la création de sections adaptées au sein des établissements pour adultes handicapés.

Mais, dans cet édifice juridique, que deviennent les fonds aujourd'hui investis notamment pour l'allocation compensatrice pour tierce personne, à la charge des départements alors que l'allocation compensatrice individualisée tomberait dans le giron de l'Etat ? La création de l'ACI « ne doit pas être un jeu à somme nulle pour les personnes handicapées ou dépendantes », rétorque le rapporteur. Lequel veut faire poser l'obligation pour les autres financeurs institutionnels de consacrer les moyens rendus disponibles à des actions en direction de ces personnes, en matière d'accessibilité en particulier. L'Etat devrait également pouvoir s'associer aux actions en réparation engagées par la personne dont le handicap résulte directement de la faute d'un tiers, afin d'obtenir le remboursement, par la compagnie d'assurances de ce tiers, de l'allocation compensatrice individualisée versée du fait même de cette faute.

Reste la question de la place laissée, dans ce bouleversement, à l'allocation d'éducation spéciale, destinée aux enfants handicapés, et à l'allocation aux adultes handicapés. Constatant que la première vient d'être réformée, le rapport estime nécessaire de faire vivre au préalable ces évolutions et de réserver l'allocation compensatrice individualisée aux seuls adultes. Quant à l'allocation aux adultes handicapés, elle devrait être assouplie. A ce titre, le rapport préconise, à l'instar du revenu minimum d'insertion, la possibilité d'un cumul de l'allocation avec un revenu professionnel. Ce qui est impossible aujourd'hui. Au-delà, « dès lors que les moyens financiers de la compensation seront garantis dans le cadre d'une allocation compensatrice profondément rénovée, il sera possible d'envisager la revalorisation éventuelle de l'AAH et de la garantie de ressources, à la faveur d'une réflexion plus générale portant sur l'ensemble des minima sociaux ».

Autre piste explorée : « une nécessaire clarification » des compétences entre l'Etat, les départements et l'assurance maladie. Un thème qui, selon Paul Blanc, doit trouver toute sa place dans la réforme de la décentralisation annoncée par le gouvernement Raffarin. Tout en réaffirmant le rôle « d'impulsion de l'Etat » chargé de définir des priorités nationales et, pourquoi pas, de créer une Conférence nationale du handicap, le rapport recommande, dans une logique de proximité, de donner au département une responsabilité de « chef de file » dans la mise en œuvre locale des actions décidées. Il propose également de substituer à un partage des compétences par public particulier ou catégorie d'établissements pour handicapés une répartition par fonction correspondant à un besoin. Dans ce cadre, le département se verrait confier la responsabilité d'un volet vie quotidienne recouvrant l'hébergement, l'organisation de l'aide à l'autonomie et des loisirs, l'Etat continuerait à assurer la fonction emploi et l'assurance maladie conserverait la fonction soins. Un schéma qui, là encore, est à rapprocher de celui de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Pour finir, le rapport passe en revue une série de mesures destinées à favoriser l'intégration des personnes handicapées dans la société, s'attelant aux problèmes d'accessibilité aux bâtiments et aux transports, à la question de l'intégration scolaire, de l'accès à la formation professionnelle et à un emploi et plus largement du droit à la citoyenneté.

Alors que « l'accessibilité globale de la cité reste aujourd'hui illusoire », il convient de créer un Observatoire national du logement des personnes handicapées chargé d'évaluer les besoins, plaide le rapporteur. Lequel souhaite également renforcer les sanctions en cas de non-respect des obligations de conformité à la législation. Rien de bien nouveau, en revanche, en ce qui concerne l'intégration scolaire avec la réaffirmation de la priorité de l'intégration individuelle en milieu ordinaire, l'augmentation du nombre de classes d'intégration collective et le recrutement d'auxiliaires d'intégration scolaire. Au chapitre de l'emploi en milieu ordinaire, la commission suggère, outre l'augmentation des contrats aidés pour les personnes handicapées et le relèvement du montant des primes d'insertion versées par l'Agefiph, d'introduire une obligation quinquennale de négocier sur l'emploi des personnes handicapées dans les branches et, le cas échéant, dans les entreprises, et de majorer, progressivement, la cotisation Agefiph des établissements n'employant aucun travailleur handicapé. En ce qui concerne le milieu protégé « à la traîne et quelque peu oublié » des pouvoirs publics, Paul Blanc propose de créer un nombre substantiel de places en centres d'aide par le travail et de moderniser le statut des ateliers protégés qui pourraient être créés par des entreprises.

Coût de la réforme : 500 millions d'euros par an

Se penchant enfin sur la question cruciale du financement de ce dispositif de compensation, le rapporteur se désole « de constater qu'entre 1985 et 2001, les moyens publics consacrés au handicap sont passés de 2,1 à 1,7 point du produit intérieur brut ». Un décrochage qui, selon lui, impose un rattrapage. A tout le moins, il estime à environ 500 millions d'euros supplémentaires par an le coût d'une telle réforme. Une évaluation toutefois approximative étant donné la difficulté d'avoir un chiffrage clair du nombre de personnes handicapées, note au passage Paul Blanc. Cela étant, le rapporteur ne se voile pas la face : la compensation du handicap n'est pas uniquement une question de moyens financiers, encore faut-il que la personne handicapée puisse recruter des aides humaines. Or, l'offre est insuffisante, faute de personnels qualifiés. Aussi, est-il nécessaire de définir un statut officiel et des référentiels de formation pour les différentes aides concernées. Une démarche déjà amorcée avec la récente création du diplôme d'auxiliaire de vie sociale (5).

Ce rapport trouvera-t-il un écho auprès du gouvernement ? C'est en tout cas le souhait des sénateurs qui, impatients, devraient néanmoins déposer une proposition de loi à l'automne. Cependant, se défend le président de la commission des affaires sociales du Sénat, Nicolas About, « nous voulons aller vite mais nous ne voulons doubler personne ». Allusion faite au projet de loi d'orientation et de programmation que le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées compte présenter à l'automne 2003. D'ailleurs, Marie-Thérèse Boisseau, tout en se félicitant de la contribution des sénateurs (6), entend poursuivre son propre travail de concertation.

Une mission sur les transports

Le Premier ministre a confié, le 12 août, à la députée  (UMP) du Var, Geneviève Levy, une mission temporaire sur « l'accessibilité des personnes handicapées et à mobilité réduite dans les transports ». Début des travaux, le 1er septembre ; remise des propositions au gouvernement au cours du premier trimestre 2003.

Sophie André

Notes

(1)   « Compensation du handicap : le temps de la solidarité »  - Commission des affaires sociales - Les rapports du Sénat n° 369 - Disponible sur le site www.senat.fr.

(2)  Voir ASH n° 2268 du 21-06-02.

(3)  Prévus dans le cadre du développement des sites pour la vie autonome, ces fonds départementaux ont pour vocation d'associer l'Etat et d'autres financeurs pour compléter la prise en charge des aides techniques onéreuses.

(4)  Sur la généralisation progressive de ce dispositif, voir ASH n° 2224 du 20-07-01.

(5)  Voir ASH n° 2257 du 5-04-02.

(6)  Laquelle s'ajoute à celle de Vincent Assante qui, chargé de mission auprès de Ségolène Royal, alors ministre déléguée auprès des personnes handicapées, prônait, en avril dernier, une nouvelle loi d'orientation sur le handicap. Voir ASH n° 2258 du 12-04-02.

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