Coup de tonnerre dans le ciel d'été : les « pistes de réflexion » - ou les ballons d'essai - lancées à plusieurs reprises par François Fillon et Hubert Falco pour « réduire le coût » de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (1) ont suscité des réactions vigoureuses. « Ne touchez pas à l'APA ! », s'écrie la Fédération des malades et handicapés. L'Union confédérale des retraités CGT « condamne avec force la remise en cause de cette loi qui répond manifestement aux besoins » des personnes en perte d'autonomie. Pour sa part, l'Union confédérale des retraités CFDT conteste notamment les idées de réintroduction du plafonnement des ressources et d'augmentation du ticket modérateur pour limiter l'accès à la prestation.
La Confédération française des retraités s'élève surtout contre l'éventualité d'un recours sur succession pour les sommes versées. Selon son président, Jean- Louis Mandinaud, ce serait une « catastrophe » propre à dissuader beaucoup de personnes de déposer une demande. Et une « régression sociale », pour la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa). « Cela n'aurait aucun sens », juge Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa). Selon le délégué général du Syndicat national des établissements et résidences privées (Synerpa), Luc Broussy, on en reviendrait au nombre de bénéficiaires de l'ancienne prestation spécifique dépendance, qui avait permis aux départements de « faire des économies ». Retrouver le montant global de l'aide départementale aux personnes âgées au niveau d'il y a cinq ans ne lui semblerait « pas choquant ».
Les propositions avancées risquent de « réintroduire l'APA dans une logique d'aide sociale », dénonce Paulette Guinchard-Kunstler, la secrétaire d'Etat qui a porté le projet dans le précédent gouvernement. Regrettant la vision « uniquement financière » de son successeur, elle pointe aussi la contradiction entre la volonté affichée du gouvernement Raffarin d'approfondir la décentralisation et le refus, « à la première occasion, d'en assumer les conséquences financières ». Les départements auraient pourtant là l'opportunité « de faire la preuve de leur capacité à gérer les politiques sociales dans la proximité ». Beaucoup d'organismes- comme l'Uniopss, la Fnadepa, les unions de retraités CGT et CFDT, la confédération Force ouvrière - rappellent d'ailleurs qu'ils préféreraient une gestion de l'APA par la sécurité sociale avec un financement assuré par la solidarité nationale.
La Fnadepa relève un autre hiatus entre les souhaits de professionnalisation et de qualité affirmés par les ministres et l'idée avancée d'une formation des titulaires du revenu minimum d'insertion pour intervenir auprès des personnes dépendantes. « Des formations rapides mises en œuvre uniquement pour soulager le financement de l'APA seraient inacceptables », juge la fédération.
Sur un plan plus technique, la Fnadepa conteste aussi l'interprétation des textes faite par la direction générale de l'action sociale qui prévoit la non- facturation par les établissements du tarif dépendance en cas d'absence (2), et l'inégalité qui risque de se créer avec les établissements bénéficiant d'une dotation globale. Quant au Synerpa, il demande, « à financement constant », un rééquilibrage des prestations versées aux résidents des maisons de retraite par rapport aux personnes vivant à domicile.
M.-J. M.
(1) Voir ce numéro.
(2) Voir ASH n° 2266 du 7-06-02.