De nombreux points du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, finalement adopté le 3 août (1), ont fait l'objet, au cours de l'été, de virulentes critiques. Notamment les dispositions concernant la justice des mineurs, comme l'instauration de « sanctions éducatives » pour les enfants de 10 à 13 ans, la création de centres éducatifs fermés, l'extension aux 13-16 ans de la détention provisoire en cas de délit (2).
Les parlementaires ont cependant encore durci le texte, à l'initiative de députés de l'Union pour la majorité présidentielle, en alignant la répression de l'outrage à enseignant sur celle de l'outrage à agent de la force publique (six mois de prison et 7 500 € d'amende) et en instituant la suspension des allocations familiales en cas de placement d'un mineur en centre fermé.
Ce dernier point suscite tout particulièrement la réprobation des travailleurs sociaux et des associations familiales. Ainsi, l'Association nationale des assistants de service social (3) considère que cette mesure « va stigmatiser et amplifier les difficultés des familles les plus pauvres ». « Les assistants sociaux qui sont en contact quotidien avec les familles savent que de nombreux parents sont démunis et ne cautionnent pas les actes de délinquance posés par leurs enfants. Ils ont d'abord besoin d'être soutenus et conseillés. Or à aucun moment il n'est proposé de travailler avec les parents », regrette-t-elle. Mettant l'accent sur la nécessité d'un « travail de longue haleine centré sur la prévention » dès le plus jeune âge, l'association estime qu'il faut « proposer des lieux d'accueil pour la petite enfance et l'enfance en nombre suffisant et financièrement accessibles à tous ».
Il faut « renforcer le soutien et l'accompagnement des familles, améliorer la prévention en augmentant les moyens alloués aux structures d'encadrement des jeunes, les moyens donnés à l'école ainsi qu'à la justice des mineurs », renchérit la Confédération syndicale des familles (4), qui voit dans la suppression des allocations une « criminalisation des familles sur lesquelles on fait porter toutes les responsabilités ». Familles rurales (5) craint, quant à elle, l' « effet démobilisateur contraire à l'objectif recherché » de cette mesure. « C'est une mesure qui va mettre les gens encore plus en difficulté et ne va pas les aider à se ressaisir », déplore, de son côté, l'Union nationale des associations familiales (6), qui dénonce aussi le flou entourant les modalités d'application du texte, notamment pour les familles nombreuses dont un enfant serait concerné par le placement en centre fermé.
Les syndicats qui, eux non plus, n'ont pas été consultés sur cette suspension, la contestent également. Les confédérations CFDT et FO ont exprimé leur désaccord. Quant aux administrateurs CGT de la caisse nationale des allocations familiales, ils la jugent « injuste et inefficace ». « Le droit aux prestations familiales ne peut être soumis à des décisions de justice, au respect des normes et de l'ordre public, [ni] devenir un instrument de culpabilisation, de sanction, de coercition », estiment-ils, redoutant aussi que cette mesure entraîne « une perte de confiance plus que dommageable » envers les caisses d'allocations familiales « alors même que leur image se restaure et que leur service est globalement mieux apprécié ».
(1) Voir ce numéro.
(2) Voir ASH n° 2271 du 12-07-02 et n° 2272 du 19-07-02. A noter également que l'Observatoire international des prisons consacre le dernier numéro de sa revue à cette loi : Dedans dehors n° 32 - Disp. à l'OIP section française : 31, rue des Lilas - 75019 Paris - Tél. 01 44 52 87 90 - 5 €.
(3) ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79.
(4) CSF : 53, rue Riquet - 75019 Paris - Tél. 01 44 89 86 80.
(5) Familles rurales : 7, cité d'Antin - 75009 Paris - Tél. 01 44 91 88 88.
(6) UNAF : 28, place Saint-Georges - 75009 Paris - Tél. 01 49 95 36 00.