« L'envahissement d'espaces publics, semi-publics, voire privés, par les gens du voyage n'est que le produit de l'absence de réponses appropriées à leur besoin de séjour et d'habitat. Autant les occupations par les gens du voyage de terrains non autorisés et inadaptés sont regrettables, autant la violence institutionnelle dont ils sont victi mes est intolérable et doit cesser. » Ainsi ont réagi une douzaine d'associations (1) aux dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (2), annonçant, entre autres, que « pour faire face notamment aux difficultés liées à l'accueil des gens du voyage et afin de mieux protéger la propriété de chacun », le gouvernement proposera à l'automne, dans un projet de loi, « de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux injonctions formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant illégalement la propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée ». Pour les associations, ce texte ne fait que renforcer « cette violence institutionnelle et sociale en construisant l'image négative de toute une population et en la désignant comme “fauteur de tro u ble” ». Alors que sont passées sous silence de sérieuses difficultés d'accueil.
En effet, d'une part, « les offres de terrains de séjour et d'habitat caravane sont très en deçà des besoins au plan national », pointent-elles, recensant 560 places en région parisienne quand il en faudrait entre 6 000 et 8 000 places. La mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, d'autre part, a pris du retard, pour « de nombreuses raisons administratives et politiques ». De fait, alors que ce texte, plus contraignant pour les municipalités que celui de 1990, donnait jusqu'à janvier 2002 aux communes de plus de 5 000 habitants pour élaborer et approuver un schéma départemental d'accueil (3), seule une quinzaine a jusqu'ici été signée. Pire, relèvent les associations, « les espaces de séjour autoris és temporairement se restreignent, voire disparaissent sur certains territoires urbains », ce qui rend « particulièrement précaire la vie des gens du voyage ».
Conservant cependant un certain optimisme, elles estiment que la concertation prévue par la loi du 5 juillet 2000 et « la proposition par les élus locaux et territoriaux [...] de solutions négociées et temporaires de séjour » devraient « per mettre l'émergence des besoins qu alitat ifs d'habitat des gens du voyage, une res pons abilisation contractuelle des devoirs liés au séjour et répondre aux aspirations légitimes à la tranquillité publique des gens du voyage et des populations sédenta ires ».
Par-delà la question de l'accueil, c'est celle de la citoyenneté que posent ensemble l'Association pour l'accueil des voyageurs, le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés et la Ligue des droits de l'Homme. Certes, soulignent-elles, les gens du voyage peuvent désormais, grâce à la récente loi de modernisation sociale, demander le bénéfice des prestations sociales en se faisant domicilier auprès d'une association agréée ou d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale (4). Mais le rattachement obligatoire à une commune, imposé par la loi de 1969, reste cependant valable, notamment pour la célébration du mariage, l'inscription sur une liste électorale, l'accomplissement des obligations fiscales. Pour les trois associations, par le texte de 1969, « le législateur a entendu imposer un contrôle et une sédentarisation obligatoire, dans une optique d'ordre public. [...] Or ce n'est pas de sédentarisation mais d'intégration dans la société française qu'il doit être question ». Une intégration qui, selon elles, ne sera réelle que lorsque les gens du voyage pourront aussi faire valoir leurs droits civiques sur simple domiciliation associative, « afin de garantir la liberté d'aller et venir » .
C. G.
(1) Dont l'Union nationale des institutions sociales d'action pour les Tsiganes, la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples... Contact Association pour l'accueil des voyageurs : 317/325, rue de la Garenne - 92000 Nanterre - Tél. 01 47 80 15 87.
(2) Voir ce numéro.
(3) Voir ASH n° 2173 du 30-06-01.
(4) Voir ASH n° 2267 du 14-06-02.