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55 % des entrants en prison présentent des troubles psychiatriques

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Jamais la santé mentale des détenus n'avait été aussi précisément étudiée. Certes, une enquête généraliste relative à la santé des entrants en prison, menée en 1997, en avait dévoilé quelques aspects (1). Mais les pathologies psychiatriques en milieu carcéral et leur prise en charge n'étaient jusqu'alors pas vraiment connues. L'étude que vient de publier la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des Affaires sociales (2) - réalisée conjointement avec le ministère de la Santé et le Groupe français d'épidémiologie psychiatrique - vient combler cette lacune. Cette fois, ce sont les psychiatres des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) - structures chargées de la prévention et de la prise en charge des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire (3)  -qui ont recueilli les données, auprès des détenus rencontrés lors de l'entretien d'accueil à l'entrée en détention en juin 2001 ou suivis régulièrement dans leur service à cette époque.

Ainsi, parmi les 2 300 personnes entrées en détention qui ont été interrogées- une population en quasi totalité masculine, plutôt jeune, célibataire et en grande difficulté d'insertion, puisque près de 12 % étaient sans domicile fixe et 54 % sans activité professionnelle lors de leur arrivée -, les psychiatres ont repéré au moins un trouble psychiatrique pour 55 % d'entre eux. Principalement des troubles anxieux et addictifs, mais aussi psychosomatiques et de conduite. Ils ont préconisé un suivi psychiatrique pour 52 % des entrants (4). Un cinquième avait d'ailleurs déjà été suivi par les secteurs de psychiatrie.

Quant à la population suivie par les SMPR, elle apparaît plus féminine que la population pénale dans son ensemble (10 % contre 4 %). La nature des délits la différencie aussi nettement :46 % des personnes sont incarcérées pour crime contre 24 % de la totalité des détenus en 1999, et 65 % pour atteinte aux personnes contre 18 % de l'ensemble.

Par ailleurs, la structure de leurs pathologies s'écarte de celles des patients pris en charge par les secteurs de psychiatrie générale, chez lesquels prédominent les troubles psychotiques et dépressifs. Un tiers des détenus souffre de troubles de la personnalité et un quart de troubles liés à une dépendance addictive. L'étude dégage en fait quatre « profils types »  : les détenus atteints de troubles de l'humeur et du comportement, incarcérés en majorité pour la première fois ; les usagers de substances psycho-actives, poursuivis pour des infractions correctionnelles ; des condamnés à de longues peines présentant principalement des troubles sexuels ou de la personnalité ; des détenus souffrants de troubles émotionnels et du comportement, souvent mineurs et en prison pour de courtes peines.

Une prise en charge insuffisante

En avril dernier, les inspections générales des services judiciaires et des affaires sociales pointaient, à la suite des deux rapports parlementaires sur les prisons publiés en 2000, l'insuffisance de la prise en charge des pathologies mentales en milieu carcéral (5). De fait, selon les statistiques de la DREES, on comptait en 2000, dans les 26 SMPR existants, 3,8 médecins en moyenne en équivalent temps plein pour 1 600 patients suivis. Ceux-ci, en outre, sont, pour l'immense majorité, pris en charge en ambulatoire, avec des soins dispensés au sein du service médico-psychologique régional ou dans l'établissement de détention. Parmi les détenus enquêtés, seuls 7 % ont bénéficié d'une prise en charge à temps partiel - principalement sous la forme d'ateliers ou d'activités thérapeutiques - et 5 % ont été hospitalisés à temps complet au sein du SMPR, dont un tiers avec la permanence d'une équipe soignante. « L'hospitalisation avec consentement du détenu en SMPR rencontre d'importantes limites, en raison des contraintes pénitentiaires, et s'apparente, de fait, à une hospitalisation de jour ;seuls deux SMPR assurent en effet une permanence de l'équipe soignante durant la nuit », soulignent les auteurs.

La loi Perben, il est vrai, devrait changer les modalités d'hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux (6). Qu'elle soit faite avec ou sans le consentement du patient, elle ne sera plus réalisée à l'intérieur des SMPR mais « dans un établissement de santé, au sein d'une unité spécialement aménagée ». Cette disposition devrait satisfaire les gardiens, qui la demandent depuis longtemps, et les hôpitaux psychiatriques, actuellement réticents à accueillir les détenus, faute d'une infrastructure et d'une surveillance adéquates. La loi de programmation et d'orientation sur la sécurité intérieure prévoit d'ailleurs que des propositions concernant le transfert à l'administration pénitentiaire de la charge de surveillance des détenus hospitalisés devront être faites dans les six mois.

C. G.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2107 du 19-02-99.

(2)   « La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus accueillis par les services médico-psychologiques régionaux » - Etudes et résultats n° 181 - Juillet 2002 - DREES.

(3)  Là où ils existent, c'est-à-dire dans les maisons d'arrêt, qui reçoivent les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an, et les centres de détention, dévolus aux condamnés considérés comme présentant de bonnes perspectives de réinsertion. En revanche, dans les maisons centrales, où sont incarcérés les condamnés aux plus longues peines, ce sont les secteurs de psychiatrie générale ou infanto-juvénile qui interviennent.

(4)  L'enquête généraliste de 1997 montrait que les médecins prescrivaient une consultation spécialisée en psychiatrie, en toxicomanie ou en alcoologie pour 20 % des entrants. Ces différences de résultat entre les deux études « ne peuvent s'expliquer par des problèmes directement liés à la santé mentale des détenus », prennent soin de préciser les auteurs. Lesquels avancent par contre comme explication « la spécialisation des médecins qui ont réalisé l'enquête », dont la mission est de détecter ces troubles psychiques, et le fait qu' « un tel suivi est davantage envisageable dans un établissement disposant d'un SMPR ».

(5)  Voir ASH n° 2260 du 26-04-02 et n° 2174 du 7-07-00.

(6)  Voir ce numéro.

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