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Volée de critiques contre les projets de loi sécurité et justice...

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Le ton est monté d'un cran, le 15 juillet,  à propos des projets de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et la justice. Huit associations de défense des droits de l'Homme et syndicats professionnels de la justice (1) sont bien décidés à engager le bras de fer avec le gouvernement pour éviter « les graves atteintes aux libertés » qu'ils voient dans ces textes. Pouvant désormais s'appuyer sur l'avis du Conseil d'Etat et de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme  (CNCDH) sur le projet de loi du garde des Sceaux (2), la Ligue des droits de l'Homme  (LDH) demande « instamment au gouvernement de revenir sur celui-ci et d'engager les concertations nécessaires » avant son passage au Parlement. Sinon, elle promet de faire pression pour obtenir des amendements aux textes, voire de « fournir la matière à des recours devant le Conseil constitutionnel » et, s'il le faut, saisir la Cour européenne des droits de l'Homme. « Nous continuerons à être présent, sur le terrain, pour faire respecter ce qu'est une démocratie », s'est engagé son président, Michel Tubiana.

« Des réponses inefficaces »

Fermeté donc et détermination des organisations pour faire barrage à la « logique répressive ». Selon le président de la LDH, la lutte contre l'insécurité aboutit, par des mesures restreignant les libertés individuelles, à « postuler l'insécurité de quelques millions de personnes présentées comme dangereuses en raison de leur situation sociale ». Et de citer les bandes de jeunes, les prostitués, les gens du voyage, visés par certaines dispositions du projet de loi pour la sécurité intérieure (3)... « On ne nie pas l'insécurité, mais les réponses proposées sont éthiquement inacceptables et dénuées d'efficacité », précise le responsable. Pour lequel certaines dispositions étaient « déjà en germe avec le gouvernement précédent ». « On marche avec une canne d'aveugle et on oublie les causes profondes de l'insécurité : la violence d'une société qui sécrète ses discriminations, sa relégation économique et sociale », s'alarme Mouloud Aounit, secrétaire général du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Particulièrement inquiet sur les risques que soient encore un peu plus stigmatisés les jeunes issus de l'immigration.

Ces craintes s'ajoutent à celles de la Confédération syndicale des familles (4) sur la volonté du gouvernement d'aggraver les sanctions contre les parents qui ne respectent pas l'obligation scolaire de leurs enfants. « On sous-estime, ou on veut ignorer, le rôle et les actions des associations dans leurs démarches d'aide à la parentalité. » « Ce ne sont pas les bandes d'enfants désœuvrés, et encore moins leurs parents qui constituent un problème de trouble à l'ordre public, s'irritent, de leur côté, le mouvement Education et société et l'association Intermèdes (5). Ce sont bien davantage l'ennui et la solitude de nombreux enfants d'aujourd'hui et de leurs familles qui ne trouvent pas dans les institutions éducatives ou de loisirs classiques une réponse adaptée à leurs besoins. »

Nouvelle volée de critiques, également, sur « la justice à plusieurs vitesses, au pénal comme au civil », consacrée par le projet de loi Perben. « Il favorise une justice productiviste à bas prix, chargée de juger “sans formalisme” les plus modestes », s'insurge Bruno Marcus, président du Syndicat des avocats de France. « La justice est présentée comme une œuvre mécanique de répression, qui ne considère plus la personnalité de l'individu mais se limite à sanctionner l'acte commis », estime Ulrich Schalchli, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. Parmi les sujets d'indignation, la création des juges de proximité, « des juges déqualifiés » qui « ne présentent pas les garanties d'indépendance et de compétence des magistrats ». Et pour lesquels, d'ailleurs, le Conseil d'Etat comme la CNCDH estiment nécessaire le recours à une loi organique et non à une loi ordinaire, votée en urgence de surcroît.

Mais là où la charge est la plus forte, c'est sur « la régression » opérée à l'égard de la justice des mineurs (6). « C'est une révolution, car tous les principes sur lesquels est fondé le traitement pénal des mineurs sont cyniquement abandonnés au profit de solutions purement répressives », s'emporte Thierry Lévy, président de l'Observatoire international des prisons. « On balaie les notions d'enfance, par la pénalisation dès l'âge de dix ans, et d'adolescence - avec tous les remaniements psychiques liés à cet âge de la vie », déplore Claude Beuzelin, secrétaire générale du Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée (SNPES) -PJJ-FSU. Elle dénonce à nouveau, avec Martine de Maximy, vice-présidente de l'Association des magistrats de la jeunesse et de la famille  (AMJF), « le renversement de la philosophie de l'ordonnance de 1945 ». « L'éducatif n'est plus un acte autonome avec sa contrainte exercée dans le cadre d'une relation humaine. Il devient un élément de la peine », s'insurge-t-elle. « On ne peut pas éduquer dans des espaces clos » comme les centres éducatifs fermés.

« On répond à un passage à l'acte par un passage à l'acte », ajoute Martine de Maximy, revenant sur la remise en cause, avec les juges de proximité, de la compétence exclusive des juges des enfants. « Le travail en profondeur de ces magistrats en lien avec le tissu social et la famille et qui permet de transformer un être en devenir, est mis à terre. Tout un travail qui, quoi qu'on en dise, donne des résultats ! »

La prévention... oubliée

« S'agit-il de remplir les prisons ? », ironise la LDH. Tandis que l'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP) -CGT s'inquiète des problèmes de prise en charge liés à l'accroissement du nom- bre de détenus, ces 18 derniers mois : plus de 55 000 aujourd'hui contre 48 000 en janvier 2000. « 11 000 places de prison doivent être créées. S'il s'agissait de privilégier l'encellulement individuel, on pourrait y souscrire. Mais ce n'est pas le cas », affirme Patrice Menyé, secrétaire général du syndicat. « Les travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire sont démotivés. La prévention de la récidive n'intéresse plus personne », lâche, désabusée, Véronique Guignon, sa collègue.

La prévention est bien d'ailleurs, de l'avis général, la grande oubliée du projet de loi Perben. Dans un communiqué commun signé avec d'autres organisations (7), l'UGSP-CGT, le SNPES-PJJ-FSU et l'AMJF stigmatisent le refus du gouvernement de « reconnaître qu'il y a une origine sociale à la délinquance, donc de la traiter ». Ce qui explique « pourquoi la prévention, l'accompagnement social et l'action éducative dans leurs différentes composantes, seuls moyens d'enrayer ce phénomène, ne sont pas pris en compte ».

I. S.

Notes

(1)  AMJF, MRAP, OIP, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, SNPES-PJJ-FSU, UGSP-CGT, LDH : 138, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 56 55 51 00.

(2)  Sur l'avis et le projet de loi justice, voir ce numéro.

(3)  Qui répriment la mendicité agressive, les regroupements dans les parties communes des immeubles et l'envahissement des propriétés privées par des gens du voyage - Voir ASH n° 2271 du 12-07-02.

(4)  CSF : 53, rue Riquet - 75019 Paris - Tél. 01 44 89 86 80.

(5)  Education et société : 116, rue de la Classerie - 44000 Rezé ; Intermèdes : 28, rue des Marguerites - 91160 Longjumeau - Tél. 06 03 01 15 43.

(6)  Qui s'ajoute aux réactions déjà formulées - Voir ASH n° 2271 du 12-07-02.

(7)  Amnesty International, FCPE, Snepap, G10 solidaires, LDH, MRAP, Réseau Claris, SAF, SGEN/CFDT, SM, SNP.

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