Le chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin, s'est livré le 3 juillet, à l'exercice traditionnel consistant, pour un Premier ministre, après chaque élection législative, à présenter aux députés les grandes lignes de son programme d'action. Contexte particulier après 5 ans de cohabitation, le nouveau pensionnaire de Matignon dispose d'une feuille de route précise pour conduire sa politique : celle tracée par Jacques Chirac dans les engagements pris pendant la campagne présidentielle. Le Premier ministre n'aura fait, du reste, que prendre - logiquement - le relais du chef de l'Etat, dont un message avait d'ailleurs été lu la veille au Parlement.
Dans un discours de plus d'une heure, il a ainsi proposé aux Français le « projet d'une France porteuse d'un nouvel humanisme », complété depuis par les précisions apportées par différents ministres.
Soit un programme qui se caractérise par une ouverture de chantiers tous azimuts : baisse des impôts et des charges mais aussi réformes des retraites, de la formation professionnelle, du système de santé, de l'administration, du droit d'asile, adaptation de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants... En outre, une vaste décentralisation sera lancée à l'automne en faveur des régions et les effectifs dans la gendarmerie, la police et la justice seront augmentés. Le Premier ministre a également annoncé son intention de revenir sur des pans entiers du bilan législatif de Lionel Jospin - 35 heures, loi de modernisation sociale, loi Chevènement, loi Voynet, loi relative à la démocratie de proximité - et a abordé, en toute fin de discours, la question européenne.
L'Assemblée nationale a logiquement voté la confiance au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, par 374 voix contre 173.
Premier pilier de la politique gouvernementale : la restauration de l'autorité de l'Etat, à travers notamment le renforcement des moyens « pour assurer avec efficacité la sécurité et la justice ».
Effort essentiel à produire, selon Jean-Pierre Raffarin, pour faire reculer l'insécurité : l'organisation de la « synergie des moyens de l'Etat ». Le Premier ministre a rappelé, à cet égard, que l'installation du nouveau Conseil de sécurité intérieure (1), le rapprochement sous une autorité fonctionnelle unique des policiers et des gendarmes et la mise en place des groupements d'intervention régionaux (2) procédaient de cette logique.
Dans le prolongement de ces mesures, les députés plancheront, dès le 16 juillet, sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, présenté le 10 juillet en conseil des ministres (3). 13 500 nouveaux emplois sur 5 ans devraient être créés dans ce cadre pour la police et la gendarmerie.
Le Premier ministre a donné rendez-vous aux députés pour le projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice, qui devrait être soumis au conseil des ministres le 17 juillet pour un premier examen devant l'Assemblée nationale début août, et dont le contenu a d'ores et déjà été largement dévoilé par le garde des Sceaux, Dominique Perben. Ce texte se traduira par un « renforcement des moyens en crédits, en équipements et en emplois » - 10 100 en 5 ans. En outre, les juridictions judiciaires et administratives « bénéficieront de moyens sans précédent afin que les délais de traitement des dossiers soient fortement réduits ».
Jean-Pierre Raffarin a également confirmé que l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants sera « adaptée ». Evoquant la création des centres éducatifs fermés, il a déclaré être attaché à l'idée de ne pas entrer dans une logique du « tout répressif », ajoutant qu'une « réponse éducative spécifique sera proposée aux jeunes placés dans ces centres » (voir encadré).
Autres orientations rappelées par le pensionnaire de Matignon : l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, la mise en place d'une « véritable justice de proximité » et une plus grande attention apportée à la victime et à ses droits.
Deuxième « pilier » de l'action du gouvernement : « la République en partage ». Explication du Premier ministre : « l'autorité de l'Etat restaurée, la République doit s'ouvrir à la démocratie sociale » - c'est-à-dire « mettre fin à un système qui met trop souvent l'Etat et le citoyen directement face à face » - et « faire confiance à l'initiative locale », soit aller vers « plus de décentralisation ».
« Nous devons inscrire dans notre pratique et notre droit la priorité donnée au dialogue social. » Et inviter systématiquement les partenaires sociaux à « négocier sur les grandes réformes qui intéressent les relations du travail, avant toute initiative législative du gouvernement », indiquait un message de Jacques Chirac adressé et lu aux parlementaires le 2 juillet. Des propos repris par son Premier ministre le lendemain. Lequel a promis que les partenaires sociaux se verront reconnaître une autonomie pour définir par voie d'accord - « dans le respect des principes fondamentaux de notre droit » - les règles qui déterminent les relations de travail.
Réaffirmer les principes fondateurs de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante « qu'il n'est pas question de remettre en cause », telles la primauté de l'action éducative, la spécialisation des juridictions, la gradation de la responsabilité du mineur en fonction de son âge, tout en l'adaptant « aux enjeux contemporains de la délinquance des mineurs ». C'est l'un des objectifs que s'est assigné Dominique Perben dans son projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice dont il a dévoilé les grandes lignes, lors d'un colloque organisé le 4 juillet.
Pour les mineurs de 10 à 13 ans, même si le principe devrait demeurer de ne pas leur infliger de peines, le ministre de la Justice propose de pouvoir prononcer, dès cet âge, des sanctions éducatives telles « l'obligation d'accomplir un stage de formation civique, la confiscation du bien à l'origine de l'affaire ou l'interdiction de paraître en certains lieux, l'aide ou la réparation ». Une mesure qui répond ainsi à l'une des préconisations du récent rapport du Sénat sur ce thème (4).
Quant aux mineurs délinquants de 13 à 16 ans, ils devraient pouvoir être placés dans des centres éducatifs fermés, soit dans le cadre d'un contrôle judiciaire, soit dans celui d'un sursis avec mise à l'épreuve (après condamnation). De très petite taille et destinés à accueillir de 6 à 10 jeunes, ces centres devraient proposer un « programme à très fort contenu éducatif dirigé vers leur réinsertion », pouvant, le cas échéant, comporter des activités- sportives ou de formation - suivies à l'extérieur du centre, dûment autorisées par l'équipe éducative. Encadrés par des éducateurs, les jeunes ne respectant pas « les règles du jeu » de ces centres devraient être déférés devant un juge. Lequel devrait prononcer une révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve, à titre de sanction, entraînant le placement du jeune en détention provisoire avant jugement ou son emprisonnement après jugement. Ainsi, alors que la détention provisoire est déjà possible pour ces jeunes de 13 à 16 ans en cas de crime, elle le deviendrait pour les délits mais ne pourrait être prononcée directement. Au moment du placement sous contrôle judiciaire, les mineurs concernés devraient être avisés par le magistrat que s'ils ne respectent pas les conditions de leur placement, ils risquent d'être incarcérés. Enfin, ces centres devraient également être ouverts aux jeunes de 16 à 18 ans.
En cas de détention provisoire, le gouvernement propose de créer des centres de détention pour mineurs à l'extérieur des établissements accueillant des majeurs. Véritables établissements pénitentiaires où la surveillance serait exercée par le personnel de l'administration pénitentiaire, ces centres devraient toutefois avoir une vocation éducative aussi développée que celle des centres éducatifs fermés.
Quant aux quartiers des mineurs dans les prisons, « ils ne disparaîtront pas complètement », a indiqué le ministre de la Justice. Dans un premier temps, « ils seront même développés car la construction des établissements pénitentiaires pour mineurs prendra du temps ». C'est pourquoi les mineurs devraient être isolés des majeurs et voir leurs conditions d'incarcération améliorées, notamment, par un effort éducatif. A terme, ces quartiers des mineurs rénovés devraient être réservés aux plus âgés et très dangereux, « dont les risques d'évasion sont tels qu'il vaut mieux les placer dans des établissements très sécurisés ».
Enfin, le gouvernement souhaite accélérer les procédures de jugement des délinquants déjà connus du tribunal pour enfants. Il s'agit de ceux pour lesquels il existe un dossier de personnalité et faisant ou ayant fait l'objet de mesures éducatives et qui ont commis des actes qui ne nécessitent aucune investigation particulière. Dans cette hypothèse, le jugement devrait alors intervenir dans un délai de 10 jours à un mois. Et dans l'attente, le parquet devrait requérir une mesure provisoire du juge des enfants.
A ces dispositions, s'ajoute la volonté de confier à des juges de proximité la compétence pour juger les contraventions et certains délits commis par les mineurs de 13 à 18 ans, sans toutefois qu'ils puissent prononcer des sanctions pénales mais uniquement des mesures éducatives, de réparation, d'admonestation, de remise aux parents.
La réforme de la formation professionnelle figure également dans le programme de travail du gouvernement. « Les régions en seront le pivot », a expliqué Jean- Pierre Raffarin.
L'objectif sera de créer une véritable « assurance emploi » fondée sur un compte personnel de formation et une validation des acquis professionnels (5). « Il s'agira de donner à tous les salariés, y compris ceux des petites entreprises, la même garantie face à l'emploi en matière de formation, de reconversion et de reclassement », a précisé le Premier ministre. Le chantier sera ouvert « dès cet été », en vue d'un « aboutissement rapide ». La mise en place de l'assurance emploi ne pourra se faire « en quelques mois », a cependant averti François Fillon, qui s'exprimait le 9 juillet devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Le gouvernement Raffarin devra aussi régler le dossier épineux de la réforme des retraites. Sa conduite sera guidée par trois principes.
En premier lieu, la recherche d'une plus grande équité entre les cotisants, tout en tenant compte des spécificités des différents statuts et de la diversité des situations, notamment démographiques.
La réforme devra également assurer la liberté de choix dans l'âge de départ. La retraite à 60 ans ne sera pas remise en cause, mais « ceux qui souhaitent prolonger leur activité au-delà doivent pouvoir le faire et augmenter ainsi leurs droits », a indiqué le Premier ministre.
Enfin, il a affirmé que « chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension grâce à une incitation fiscale par un revenu d'épargne ».
Le chantier sera ouvert « dès l'automne » et « chaque régime privé ou public fera l'objet d'un traitement spécifique selon un calendrier approprié et des modalités à négocier au cas par cas ». L'objectif ? Que les conditions de la préservation du système de retraite soient réunies « avant la fin du premier semestre 2003 ».
Autre « défi » à relever pour Jean-Pierre Raffarin et ses troupes :remédier aux difficultés rencontrées par le système de santé français. « Nous mettrons en place une nouvelle gouvernance du système de santé et d'assurance maladie », a-t-il ainsi promis. Elle reposera sur trois principes : une « plus grande clarté dans les rôles et dans les financements de l'Etat et de l'assurance maladie », une « responsabilisation de tous » et une « volonté d'une plus grande proximité avec les citoyens ». Sans qu'on en sache plus, pour le moment. Tout juste le Premier ministre confirme-t-il, s'agissant de la proximité, l'intention de Jacques Chirac d'accentuer la régionalisation du système de santé. Et annonce un plan « hôpital 2007 » , ainsi qu'une « aide permettant [aux Français] qui n'en ont pas de bénéficier d'une mutuelle ».
Aucune allusion, en revanche, aux moyens d'enrayer le déficit de l'assurance maladie. « Notre objectif est d'éviter à la fois le rationnement des soins et la dérive incontrôlée et inquiétantes des dépenses », a-t-il simplement expliqué. « Par la responsabilité de chacun, nous devons éviter les dépenses inutiles qui minent l'édifice auquel nous tenons tous, et nous ferons en sorte que les ressources que nous consacrons à notre santé - et qui ne sont pas infinies - soient mieux utilisées. »
Le Premier ministre a indiqué que la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, Dominique Versini, présentera, avant la fin de l'année, un programme d'action pour lutter contre la précarité sociale (6).
En outre, un débat parlementaire sur l'insertion sera organisé « dans les prochains mois » à l'occasion des 15 ans de l'instauration du revenu minimum d'insertion (RMI). « Nous devons collectivement nous assurer que chaque bénéficiaire du RMI se voit proposer un véritable contrat d'insertion », a-t-il expliqué, et faire « que le I de RMI prenne tout son sens ».
Auditionnée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, le 9 juillet, Dominique Versini a dévoilé un peu plus ses projets. Elle souhaite simplifier les procédures d'insertion pour les jeunes en difficulté et mettre en place des projets expérimentaux alliant formation, insertion et accompagnement. S'agissant de la réinsertion des « grands exclus », la secrétaire d'Etat appelle de ses vœux le développement de réseaux de pensions de famille. Par ailleurs, une campagne de sensibilisation des citoyens et des entreprises sur l'exclusion devrait être organisée. Et une évaluation de la loi de lutte contre les exclusions de 1998 sera lancée en septembre (7).
Le Premier ministre promet de mener une politique de la famille « ambitieuse ». Seule annonce, pour l'instant : les dispositifs d'accueil de l'enfant seront repensés pour créer l'allocation unique d'accueil du jeune enfant promise par Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle. Laquelle « sera accordée, que la mère travaille ou non, pour garantir son libre choix ».
Précision apportée par le nouveau ministre délégué à la famille, Christian Jacob, dans une interview accordée au journal La Croix du 5 juillet : la future allocation unique d'accueil du jeune enfant se substituera à certaines prestations familiales. « Elle doit pouvoir, selon moi, remplacer les allocations versées pour le petit enfant », précise-t-il. Elle devrait être versée « dès le premier enfant, à toutes les familles, quel que soit le nombre d'enfants ». Son montant n'est pas encore fixé mais, « dès l'automne », le ministre souhaite lancer « une grande concertation avec les associations familiales et les élus, de sorte qu'à la fin de l'année ou au début 2003, nous ayons une idée précise du dispositif ». Ce, dans la perspective de la conférence de la famille, qui devrait se tenir au printemps prochain, en mars ou en avril.
Christian Jacob envisage également de revenir sur la modification du plafond du quotient familial et la réduction de l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (AGED). Des modifications toutefois subordonnées aux arbitrages budgétaires de l'automne, a-t-il ajouté.
Peu de choses à relever en matière de prise en charge des personnes âgées dans le discours du Premier ministre. Tout juste l'affirmation de la nécessité de travailler collectivement sur cette question et « d'étudier avec précision les difficultés liées à l'allocation personnalisée d'autonomie pour les départements ».
Au cours de la campagne présidentielle, Jacques Chirac avait promis aux personnes handicapées la création, notamment, d'un droit à la compensation. Le Premier ministre a confirmé que la loi de 1975 serait réformée en ce sens.
Le gouvernement pourra toujours s'appuyer sur le rapport de Vincent Assante remis en avril dernier à Ségolène Royal, alors ministre (8). Ainsi que sur les conclusions de la commission des affaires sociales du Sénat qui, après avoir organisé depuis le mois de mars une série d'auditions publiques sur la politique en faveur des personnes handicapées, doit présenter son rapport le 24 juillet.
Jean-Pierre Raffarin a indiqué souhaiter un effort particulier pour lutter contre toutes les formes de discriminations. Et, parallèlement, a affirmé qu'il conduira « une politique d'immigration ferme contre les trafics de main-d'œuvre et les clandestins, et favorable à l'insertion des migrants légaux ».
Quant au dispositif du droit d'asile - « à l'origine de nombreuses situations illégales », selon le Premier ministre - il sera revu et les procédures seront « accélérées ».
Plaidant pour une « nouvelle architecture des pouvoirs », Jacques Chirac a estimé le 2 juillet, dans son message au Parlement, « le moment venu de reprendre la longue marche, si souvent contrariée, vers la décentralisation ». Message relayé le lendemain par son Premier ministre, annonçant une nouvelle « étape innovante » faisant la part belle aux régions.
Elle sera guidée par « l'exigence de cohérence » entre l'Etat et les régions pour « assurer un aménagement du territoire équilibré ». Elle devra également prendre en compte « l'impératif de proximité » avec les citoyens, auquel les départements, les communes et leurs groupements ont, selon l'hôte de Matignon, plus particulièrement vocation à répondre.
A l'automne, un projet de loi constitutionnelle sera présenté au Parlement. Il visera à inscrire la région dans la Constitution, à favoriser la coopération entre collectivités, à autoriser la mise en œuvre de référendums locaux ainsi que l'expérimentation locale.
Le Premier ministre entend aussi revoir plusieurs lois adoptées sous le gouvernement de son prédécesseur. Les textes liés à l'intercommunalité (loi Chevènement) (9), aux pays et aux agglomérations (loi Voynet) (10) ou encore à la démocratie de proximité (11) feront ainsi l'objet d'un « projet de refonte ».
Le chef du gouvernement a plaidé pour la mise en place d'une « vraie administration de services ». C'est-à- dire, en premier lieu, d'une administration plus simple. Il veut « simplifier les législations », et demandera, en ce sens, au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances (12) « dans un certain nombre de domaines », sans donner plus de précisions.
Les moyens de l'administration ne sont plus les mêmes, en raison de « l'évolution des territoires », du « développement des nouvelles technologies » ou encore des « départs en retraite massifs des fonctionnaires ». Or, l'évolution des effectifs de la fonction publique « devra correspondre » aux « besoins essentiels du service public ». Dans cette optique, le chef du gouvernement a annoncé que « tous les emplois ne seront pas systématiquement remplacés au fur et à mesure des départs ». Et d'ajouter avec insistance que, « selon les secteurs, les effectifs seront accrus, stabilisés ou réduits » .
Jean-Pierre Raffarin prône une politique du logement totalement décentralisée, avec des décisions prises à l'échelon local. « L'Etat doit déployer une stratégie en la matière, mais, c'est à l'échelon local, avec les populations et les élus locaux, que l'appréciation des besoins est la plus pertinente », a-t-il déclaré.
Il a également affirmé que la politique du logement devait être « résolument décloisonnée, qu'il s'agisse des instruments de financement ou des solutions de logement ».
Les actions en faveur du logement « doivent reposer sur un cadre contractuel négocié avec les élus locaux et les bailleurs sociaux ». Un cadre qui sera, espère-t-il, « la clé de la reconquête des quartiers difficiles ». Le Premier ministre a souligné au passage l'importance qu'il entendait donner en la matière au ministre délégué à la ville et au renouvellement urbain, Jean-Louis Borloo.
Il a enfin confirmé que la politique de destruction des grands ensembles sera accélérée et que les zones franches urbaines - qui ont, selon lui, montré leur efficacité - seront étendues.
Jean-Pierre Raffarin n'a pas oublié, dans son discours, de glisser un mot pour les départements et les territoires d'outre-mer, où il entend mener une « politique ambitieuse ». « Nous combattrons l'inégalité économique dont sont victimes les collectivités d'outre-mer en mettant en valeur la logique d'activité et non plus la logique d'assistance », a-t-il affirmé.
Une loi de programme pour l'outre-mer sera soumise au Parlement « avant la fin de l'année ». A l'occasion d'une visite en Guyane en juin dernier, la nouvelle ministre de l'outre-mer, Brigitte Girardin, a simplement indiqué que ce texte encouragera le développement et l'emploi durable et que les entreprises seront incitées à embaucher les allocataires du RMI.
Avec ce troisième « pilier » de l'action gouvernementale, Jean-Pierre Raffarin dit vouloir « redonner toute sa place au travail dans notre société ». Au menu : diminution des charges, assouplissement des « 35 heures », baisse des impôts... Mais aussi lutte contre la « fracture scolaire ».
Les baisses des charges vont constituer la clé de voûte de la stratégie du nouveau gouvernement pour ne pas « décourager le travail ». Premiers bénéficiaires, « les jeunes peu qualifiés dont le taux de chômage [...] est deux fois plus élevé que la moyenne nationale ».
Les députés seront ainsi saisis fin juillet d'un projet de loi favorisant l'emploi des jeunes peu qualifiés. Un texte que le ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, François Fillon, a présenté le 10 juillet en conseil des ministres (13).
En outre, conformément à l'engagement pris par Jacques Chirac avant sa réélection, le gouvernement instaurera, « dans les prochains mois », pour « les jeunes prêts à s'y investir », un « contrat d'insertion dans la vie sociale » . Lequel offrira une garantie de revenus aux jeunes sans diplôme et sans emploi qui accepteront de s'engager.
Au-delà de mesures spécifiques pour les jeunes, c'est en fait un « abaissement global des charges sociales » que le gouvernement vise. L'idée étant de « simplifier les multiples mesures qui existent et compliquent la vie des entreprises ».
Enfin, autre chantier annoncé par le Premier minis-tre : la simplification du code du travail. Sans plus de précision sur la nature des ajustements qu'il souhaite apporter.
Ce n'est pas une surprise, la législation sur la réduction du temps de travail, très critiquée par la droite, sera revue. La durée légale du travail ne sera pas remise en cause mais « des assouplissements sont nécessaires », a indiqué Jean-Pierre Raffarin, notamment pour mettre fin au mécanisme du « SMIC multiple ». Il pourra, pour ce faire, s'appuyer sur l'avis du Conseil économique et social (14), à qui il avait demandé d' « établir un état des lieux » et de « dresser un inventaire des solutions tendant à rationaliser le référent salarial minimum ».
Elle aussi sous le feu des critiques pendant la campagne, la loi de modernisation sociale (15), qui a notamment modifié le droit des plans sociaux (16), sera « réformée et simplifiée » . Dans quel sens ? Le Premier ministre ne s'est pas plus étendu sur le sujet. Mais a invité les partenaires sociaux à engager dès maintenant, entre eux et avec le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, les discussions nécessaires.
Dans l'esprit du Premier ministre, si la baisse des charges va permettre de soutenir l'emploi, la baisse des impôts permettra de « soutenir l'activité et l'initiative ».
Conformément aux engagements pris, une baisse de 5 %de l'impôt sur le revenu pour tous les contribuables sera proposée au vote des députés ce mois-ci, dans le cadre du collectif budgétaire présenté en conseil des ministres ce mercredi (17). L'objectif étant qu'elle soit effective à l'automne.
« Cette réduction est une étape vers l'objectif de baisse d'un tiers de l'impôt sur le revenu », a précisé le locataire de Matignon, ajoutant toutefois, prudemment, que « son rythme dépendra de la vigueur de la croissance économique ».
Par ailleurs, la prime pour l'emploi sera « adaptée, notamment en faveur des travailleurs à temps partiel ».
Le chef du gouvernement est resté plutôt vague sur la politique qu'il entend mener sur le front de l'éducation. Sa priorité : s'attaquer aux « grandes causes de la fracture scolaire », et, en premier lieu à l'illettrisme. A la prochaine rentrée scolaire, un plan pour améliorer les apprentissages de base à l'école primaire sera ainsi engagé (18).
Autre chantier : la valorisation de l'enseignement professionnel. « Les expériences existantes seront étendues et des passerelles entre les voies technologique, professionnelle et générale seront mises en place », a indiqué le Premier ministre.
La troisième priorité sera enfin de lutter contre l'échec en premier cycle universitaire.
O.S.
(1) Voir ASH n° 2262- 2263 du 17-05-02.
(2) Voir ASH n° 2264 du 24-05-02.
(3) Voir ce numéro.
(4) Voir ASH n° 2270 du 5-07-02.
(5) Sur la récente réforme de la validation des acquis de l'expérience, voir ASH n° 2262-2263 du 17-05-02.
(6) Le dernier programme de lutte contre les exclusions date de juillet dernier - voir ASH n° 2225 du 24-08-01.
(7) Ce, conformément à la loi qui prévoit la remise, tous les 2 ans au Parlement, d'un rapport d'évaluation de son application par le gouvernement.
(8) Voir ASH n° 2258 du 12-04-02.
(9) Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.
(10) Voir ASH n° 2125 du 25-06-99.
(11) Voir ASH n° 2251 du 22-02-02.
(12) Une ordonnance est un acte fait par le gouvernement ayant valeur de loi. Légiférer en utilisant cette voie permet à ce dernier d'agir plus rapidement, en faisant l'économie d'un passage devant le Parlement.
(13) Voir ce numéro.
(14) Voir ce numéro.
(15) Voir ASH n° 2248 du 1-02-02.
(16) Voir ASH n° 2265 du 31-05-02.
(17) Voir ce numéro.
(18) Voir ASH n° 2268 du 21-06-02.