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Les PASS restent dépendantes des bonnes volontés locales

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Destinées à faciliter et à améliorer l'accueil des personnes en situation de précarité dans les établissements de santé, les permanences d'accès aux soins de santé (PASS) visent à impulser un nouvel état d'esprit et un changement des pratiques professionnelles. Une évolution culturelle lente à venir comme en témoigne l'hétérogénéité de leur mise en place.

Plus de 300 permanences d'accès aux soins de santé  (PASS) sont recensées, aujourd'hui, en France. Instituées par la loi contre les exclusions, ces permanences hospitalières médico-sociales visent à assurer le repérage des personnes en difficulté, leur prise en charge et leur réintégration au plus tôt dans le système de droit commun. Des principes simples mais qui heurtent l'organisation hospitalière traditionnelle, ce qui explique la lenteur dans la mise en place de ces cellules.

Une dynamique  hétérogène

Premier constat : beaucoup de ces permanences ont vu le jour grâce aux efforts de personnes particulièrement motivées et leaders . « Souvent elles sont le bébé de quelqu'un », observe Jeanne- Marie Rinquin, en charge de ce dossier à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. « Tout dépend si localement il y a quelqu'un de mobilisé : soit, au niveau de l'hôpital, un directeur, une équipe médicale, un service social, soit, à l'extérieur, des membres d'associations », renchérit Jacques Lebas, médecin hospitalier à l'hôpital Saint-Antoine à Paris et auteur du rapport sur les PASS paru en mai 2000 (1).

C'est dire si la dynamique est très hétérogène. Alors que dans les hôpitaux où l'on s'était déjà préoccupé de l'accueil des personnes en situation de précarité, les initiatives ont été renforcées et poursuivies, ailleurs on s'est parfois contenté d'affecter une assistante sociale au service des urgences. « Or, il s'agit véritablement d'une nouvelle manière de travailler et d'un état d'esprit ! », défend Geneviève Antoine, inspectrice à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) d'Ile-de-France.

Pas question donc de créer de filière spécifique ou de service ghetto pour les pauvres, mais bien d'impulser un changement de culture. « L'idéal, c'est de parvenir à ce que l'hôpital ait un accueil de qualité pour tout le monde », assure Jeanne-Marie Rinquin qui estime néanmoins que les mentalités sont en train de bouger. « Je crois qu'un gros travail est mené dans les hôpitaux. Malheureusement, les personnels sont souvent surchargés. Or, l'écoute et l'accueil des publics, notamment lorsqu'ils sont en grande difficulté, prend du temps. »

Il est clair que bon nombre des permanences qui fonctionnent bien sont issues des cellules d'accueil spécialisées déjà en place, comme au centre hospitalier universitaire  (CHU) de Rouen (la permanence a été ouverte en juin 1996) ou à l'hôpital Saint-Antoine  (Paris).

Ce dernier fait d'ailleurs figure de pionnier, avec la création au début des années 90 de la consultation Baudelaire, à l'initiative d'une surveillante générale et de Jacques Lebas qui voulaient que les exclus soient accueillis comme n'importe quel autre patient. Aujourd'hui, de nombreux intervenants de cet hôpital partagent l'idée que c'est à l'établissement de s'adapter au patient et à ses contraintes. Comme d'éviter par exemple de lui faire manquer un repas au Resto du cœur parce que l'attente est trop longue.

« Premier principe : personne ne se trompe jamais de porte, c'est toujours la bonne ; après on se débrouille pour réorienter, explique Jacques Lebas. Deuxième principe : toute une gamme de services sera proposée, le patient les utilisera ou non. Nous sommes totalement centrés sur la personne malade, son environnement, les facteurs psychologiques... » Systématiquement, il est ainsi procédé à un dépistage des problèmes de santé publique, des éventuelles violences subies intra- familiales ou autres... Si les droits à la couverture maladie universelle ou à l'aide médicale d'Etat ne sont pas ouverts, une assistante sociale fera en sorte qu'ils le soient. Comme la plupart des hôpitaux parisiens, Saint-Antoine dispose d'une antenne de la caisse primaire d'assurance maladie  (CPAM), ce qui facilite les démarches. De plus, une « consultation d'observance des traitements », tenue par une infirmière, a été mise en place.

A l'hôpital Saint-Louis  (Paris) où a été ouverte la consultation Verlaine, le patient est reçu d'abord par une infirmière qui évalue son état de santé et s'il a une couverture maladie. A défaut, et si l'usager ne nécessite pas de soins d'urgence, il aura un entretien avec une assistante sociale pour ouvrir ses droits. Au CHU de Rouen, on a voulu développer un accueil personnalisé et instaurer un suivi presque quotidien de la personne. C'est ainsi que l'unité mobile d'accompagnement social (nom donné à la PASS) envoie six assistants d'insertion (recrutés dans le cadre des emplois-jeunes) pour accompagner les personnes précarisées, en voiture si besoin, dans leurs démarches administratives.

NON PAS DES DISPOSITIFS SUPPLÉMENTAIRES...

La loi de lutte contre les exclusions prévoit l'amélioration de l'accueil dans le système de soins des personnes en situation de précarité. Il en a résulté la création, dans le cadre des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins  (PRAPS), des permanences d'accès aux soins de santé  (PASS)   (2) . Ces dispositifs sont mis en place au sein des établissements publics de santé ou des établissements de santé privés qui participent au service public hospitalier. Ils peuvent être soit internes, au sein même des hôpitaux, soit externes, par le biais d'une antenne située hors les murs, le plus souvent en centre-ville. Ils sont destinés à faciliter l'accès au système de santé des personnes en situation de précarité et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Ces PASS ne constituent pas de nouvelles structures mais ont un rôle de coordination des différents acteurs concernés. Elles fonctionnent en réseau pour assurer des relais en ce qui concerne le suivi médical, l'éducation , la santé, la prévention... et pour apporter des solutions aux problèmes d'hébergement, d'alimentation, d'habillement, etc. Le patient bénéficie ainsi d'une approche globale, médicale et sociale.

Des publics  fragilisés

Alors que certaines permanences d'accès aux soins de santé reçoivent peu de patients, d'autres sont confrontées à une grande affluence comme à Saint- Louis, la Pitié-Salpêtrière  (Paris) ou Saint- Antoine. Là, la consultation Baudelaire a accueilli, en 2001, 36 000  « passages ». Qui sont les personnes reçues ? « Dans leur majorité, elles ne sont pas clochardisées », remarque Jacques Lebas. Ce sont surtout des publics fragilisés : des étrangers, des jeunes de 30 ans, des personnes âgées... Certains subissent l'effet de seuil de la couverture maladie universelle complémentaire.

Par rapport à ce problème, des réponses peuvent être apportées localement : par exemple dans la Seine-Maritime, le conseil général et le Fonds d'action sanitaire et sociale de la caisse primaire d'assurance maladie prennent en charge les cotisations à une mutuelle. La DRASS d'Ile-de-France se préoccupe aussi de cette question et envisage de réunir les représentants des caisses d'assurance maladie, des responsables d'établissements et les professionnels des PASS pour traiter les difficultés d'ouvertures des droits .

Mais les permanences d'accès aux soins de santé doivent aussi faire face aux problèmes de communication avec les nombreux étrangers- 85 nationalités ont été recensées parmi les patients de la PASS à Saint-Antoine. Souvent, comme dans cet hôpital, les problèmes d'interprétariat sont résolus en interne grâce au concours de personnels ou de médecins parlant la langue. En revanche, d'autres établissements, comme Saint-Louis, font appel à un interprète assermenté ou au service d'interprétariat par téléphone. Enfin, il faut faire face également aux trafics de papier et aux usurpations d'identité, non négligeables, qui rendent particulièrement problématique le suivi de certains dossiers médicaux...

Quant aux pathologies des publics reçus, elles diffèrent souvent par leur acuité de celles de la population en général : les maladies sont fréquemment à un stade avancé quand les patients se décident à consulter. Les besoins sont tels parfois, que des réponses plus adaptées sont envisagées. C'est ainsi qu'une consultation bucco- dentaire sera installée bientôt à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Ailleurs, les PASS d'Evreux, de Louviers, d'Elbeuf ont proposé des projets de prise en charge des soins dentaires. Et la DRASS de Haute- Normandie a décidé la mise en place d'un fonds régional dentaire pour aider au paiement des prothèses et l'octroi à chacune des trois permanences d'une enveloppe de crédits pour couvrir les frais de consultation chez des dentistes libéraux.

La prise en charge des problèmes psychologiques ou psychiatriques a généré également des initiatives novatrices. Ainsi, à Rouen, l'unité mobile d'accompagnement psychiatrique pour les personnes précarisées - une sorte d'interface qui dépend du centre hospitalier psychiatrique du Rouvray -assure des permanences au Carrefour des solidarités à Rouen, qui, situé en centre ville, réunit plusieurs associations.

Difficile parfois, le travail en réseau se met néanmoins peu à peu en place. A Saint-Antoine, on s'efforce au maximum de remettre les personnes dans le circuit commun du système de santé par « une régulation en douceur ». On leur indique les cabinets libéraux qui pourront les recevoir... Un réseau de 50 associations, qui fonctionne bien, aide à résoudre les problèmes d'hébergements, de nourriture, etc. A Saint-Louis, on s'appuie également beaucoup sur le réseau. « Si le patient a une protection sociale, on le renvoie après la consultation et les soins, vers la médecine de ville. Nous avons une liste de généralistes prêts à les accueillir et une liste de pharmacies qui acceptent sans difficultés ceux qui relèvent de la couverture maladie universelle et de l'aide médicale d'Etat », commente Lucile Ramadier, assistante sociale. Toutefois, les problèmes d'hébergement ne sont résolus qu'avec peine : le SAMU social est souvent saturé, les lits manquent dans les foyers d'hébergement et il faut compter sur la famille, les amis, les relations du patient...

Au CHU de Rouen, le partenariat marche bien également d'autant que les associations sont regroupées au Carrefour des solidarités. Une association, La chaloupe, pare aux problèmes de nourriture des patients démunis, dans le cadre d'un partenariat entre l'hôpital et le centres communaux d'action sociale. Ainsi, l'hôpital fournit les repas et met à disposition un emploi-jeune. Tandis que la DRASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la caisse régionale d'assurance maladie et le conseil général cofinancent le fonctionnement et l'animation de ce lieu d'accueil.

Dans certaines régions, des réunions à échéance régulière rassemblent les différents acteurs mobilisés autour de la PASS : professionnels de santé, intervenants sociaux, représentants associatifs et tutelles. « Quand ils prennent conscience qu'il faut se voir pour parler de leurs actions, c'est que cela fonctionne bien », observe Jeanne-Marie Rinquin pour qui la bonne marche des PASS « repose aussi sur l'enthousiasme des responsables au sein des DRASS... » Par exemple, celle de Haute-Normandie réunit régulièrement les coordinateurs des 12 permanences d'accès aux soins de santé. « Cela leur permet d'échanger sur ce qu'ils font, de comparer les dispositifs, les difficultés, souligne Estelle Avisse, inspectrice au pôle santé de cette DRASS. On leur a demandé de mettre en commun avec l'appui de l'Observatoire régional de santé, un outil commun plus standardisé de recueil d'informations... »

Nathalie des Gayets

Notes

(1)  Voir ASH n° 2172 du 23-06-00.

(2)  Qui sont en fait la généralisation des cellules administratives d'accueil social prévues dans les hôpitaux par une circulaire du 17 septembre 1993 - Sur la loi contre les exclusions, voir ASH n° 2087 du 2-10-98 et n° 2105 du 5-02-99.

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