Il y a un peu plus d'un mois, le Premier ministre saisissait le Conseil économique et social (CES) de la question de l'harmonisation du SMIC. L'instance mettait aussitôt en place une commission ad hoc, présidée par Christian Larose (CGT). Son rapport, adopté en séance plénière le 10 juillet - seul le groupe des entreprises privées a voté contre (1) -, répertorie trois types de solutions (2). Ce document va ensuite être transmis au gouvernement, ce dernier ne devant toutefois prendre une décision qu'après avoir consulté les partenaires sociaux dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective en septembre prochain.
Pour mémoire, pour éviter que les salariés payés au SMIC ne voient leur rémunération diminuer lors de leur passage aux 35 heures, la loi Aubry II du 19 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail (RTT) a mis en place à leur profit une garantie de rémunération mensuelle (GRM), par le biais d'un complément différentiel de salaire. Concrètement, le salarié passé de 39 à 35 heures perçoit, par mois, un salaire égal à 151,67 fois le SMIC horaire et un complément différentiel de salaire, le tout formant la garantie de rémunération mensuelle revalorisée chaque 1er juillet. Le montant de cette dernière étant fixé au moment de la réduction du temps de travail, il existe aujourd'hui autant de garanties de rémunération mensuelle qu'il y a eu d'années au cours desquelles les entreprises ont réduit leur temps de travail. De plus, le SMIC horaire demeure applicable aux salariés restés à 39 heures, ainsi qu'à ceux exclus du bénéfice de la garantie de rémunération mensuelle (3). D'où des inégalités de traitement entre salariés auxquelles, selon la loi Aubry II, le gouvernement doit mettre fin au plus tard le 1er juillet 2005.
Le Conseil économique et social suggère, en premier lieu, de reculer l'échéance du dispositif au-delà de 2005, d'arrêter la création de garanties de rémunération mensuelle après la revalorisation du SMIC du 1er juillet 2002, de réaliser la convergence des garanties entre elles au 1er juillet 2005, puis de rendre sans objet la garantie unique ainsi obtenue au 1er juillet 2009.
Deuxième piste esquissée : geler la valeur nominale de la garantie de rémunération mensuelle 2002 sur plusieurs années. Ce choix implique l'arrêt de la création de garanties de rémunération mensuelle après la revalorisation du SMIC au 1er juillet 2002 et le gel nominal de la dernière garantie (stabilisation en euros courants) jusqu'à sa disparition le 1er juillet 2005. Autre possibilité :prendre comme référence pour le raccordement au SMIC la nouvelle garantie de rémunération créée en 2002, en la bloquant à ce niveau jusqu'en 2007. Pendant cette période, le SMIC horaire devrait être revalorisé en moyenne de 2,3 % par an, les garanties mensuelles antérieures à celles du 1er juillet 2002 devant continuer à évoluer suivant le mécanisme actuel prévu par la loi Aubry II jusqu'à ce qu'elles atteignent le montant de la garantie de 2002.
Enfin, dernier scénario préconisé, vers lequel semble aller la préférence du Conseil économique et social : une convergence rapide des garanties de rémunération mensuelle. Selon le Palais d'Iéna, la solution « la plus simple » consisterait à prévoir l'alignement des GRM sur le niveau le plus élevé (celui de 2002) - ce qui suppose au préalable de rendre légalement possibles des réajustements différenciés sur celles-ci - et à opérer une revalorisation du SMIC horaire de l'ordre de 11 % dès le 1er juillet 2003. Ce qui reviendrait à anticiper l'échéance de 2005 prévue par la loi. Autre variante : stopper la création de nouvelles garanties, aligner celles existantes sur le niveau le plus élevé, faire évoluer la dernière garantie de rémunération selon les règles de la loi Aubry II mais étaler la hausse du SMIC horaire sur plusieurs années, en procédant à des coups de pouce successifs de l'ordre de 3 % sur trois ans (2003-2005). Ces solutions entraînant une hausse des coûts de production pour les entreprises restées aux 39 heures, le CES propose de les compléter par des allégements de charges, afin de concentrer les moyens sur les secteurs et les types d'entreprises qui seront les plus concernés par la sortie du dispositif (moins de dix salariés, services aux particuliers, activités associatives...).
En tout état de cause, conclut le rapport, « la solution retenue in fine par le gouvernement [...] devrait être sous-tendue par quelques valeurs fondamentales », à savoir notamment garantir le maintien du pouvoir d'achat des salariés les moins bien rémunérés et garder au SMIC horaire son caractère de minimum social assorti d'une participation aux fruits de la croissance.
(1) Le Medef a défendu en vain un amendement tendant à annualiser le SMIC.
(2) SMIC et réduction du temps de travail : des divergences à la convergence - Avis présenté au nom de la commission temporaire par Jean Gautier - Conseil économique et social - Disponible sur le site
(3) Voir ce numéro.