Recevoir la newsletter

Loi de programmation : les dispositions concernant les mineurs très critiquées

Article réservé aux abonnés

« 

  Ce sujet vaut plus qu'un débat parle- mentaire précipité, au milieu de l'été. » Difficile, en effet, de ne pas souscrire à cette déclaration commune de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille  (AFMJF) et de Défense des enfants international (DEI) -France (1), quand on fait la somme des avis très critiques émis sur l'avant-projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice. Et des questions de fond qu'il soulève, notamment en matière de réponse à la délinquance des mineurs (2).

Vers une « inflation carcérale »  ?

Ainsi, l'élargissement du champ de la détention provisoire pour les 13-16 ans impliqués dans des délits préoccupe la défenseure des enfants (3), Claire Brisset, qui a émis le 9 juillet un avis très sévère sur le texte et se dit « surprise » de n'avoir pas été consultée lors de son élaboration. Elle craint que cette disposition « n'accentue l'actuelle tendance à l'inflation carcérale », la détention provisoire des mineurs ayant augmenté de 40 % au cours des huit derniers mois. La Convention internationale sur les droits de l'enfant, ratifiée par la France, stipule pourtant que l'incarcération des mineurs doit rester exceptionnelle, rappelle-t-elle.

Ses réserves portent également sur les centres fermés. La défenseure des enfants « s'interroge sur la possibilité d' [y] mener un véritable travail éducatif alors que les éducateurs se verront dans l'obligation de dénoncer au juge tout manquement du mineur aux conditions du placement, manquement de nature à entraîner son incarcération ». L'AFMJF et DEI-France la rejoignent dans son analyse, contestant « l'idée que ces centres pourraient avoir une vocation éducative. La privation de liberté vise à la mise à l'écart d'un individu dangereux et au souci de punir ; elle n'a jamais permis la socialisation et l'éducation. » Une position partagée par le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée (SNPES) -PJJ-FSU (4), pour qui ces établissements « ne peuvent être que des lieux de relégation et de violence », « empêcheront toute action éducative digne de ce nom » et « diminueront la part éducative de l'action de la protection judiciaire de la jeunesse ».

Quant à la mise en place de « sanctions » éducatives pour les 10-13 ans, elle « revient à abaisser l'âge de la responsabilité pénale et pose un grave problème de principe », relève la Conférence des bâtonniers (5). L'AFMJF et DEI- France partagent ses craintes et « s'inquiètent de cette pénalisation des réponses quant aux difficultés rencontrées par de très jeunes enfants quand, d'évidence, [...] c'est bien dans un autre registre (mobilisation parentale, prise en charge sociale, médicale ou psychiatrique selon les cas, recherche d'internat scolaire, prévention en général) que des réponses doivent être recherchées ».

Nombreux sont ceux qui voient dans l'ensemble de ces mesures, à l'instar du SNPES-PJJ-FSU, « un renversement de l'ordonnance de 1945 ». Elles « vont toutes dans le sens de plus de sanctions, plus de peines et de répression à l'égard de l'enfance délinquante », s'alarme le syndicat. Le Conseil de l'ordre du barreau de Paris (6) déplore aussi que le texte gouvernemental « ne donne plus priorité au préventif et à l'éducatif ». L'AFMJF et DEI-France, de leur côté, redoutent « qu'au final, le dispositif qui se dessine ne constitue qu'une nouvelle fabrique à délinquants chevronnés », puisque les adolescents concernés « ne vivront qu'une réponse répressive ».

L'un des principes essentiels de l'ordonnance de 1945, la spécialisation des magistrats, pourrait en tout cas être sérieusement remis en cause par l'intervention des « juges de proximité », qui seront compétents pour certains délits commis par les mineurs. C'est la position de la défenseure des enfants, qui craint que « faute de formation et de moyens d'investigation, ces juges ne soient pas aptes à repérer les difficultés des mineurs qu'ils jugeront, ce qui risquerait de retarder la mise en œuvre d'éventuelles mesures éducatives ». Pour le SNPES-PJJ-FSU, le gouvernement « remet en cause la continuité de vue et d'action du juge des enfants. Cela ne permettra plus la prise en compte de la spécificité des passages à l'acte des adolescents et de leur intégration sociale. »

Certains points de l'avant-projet sont cependant accueillis favorablement. Le développement des mesures de réparation et la poursuite de l'amélioration des conditions matérielles d'incarcération des mineurs sont jugés « positifs » par l'AFMJF et DEI-France. Claire Brisset estime, quant à elle, « tout à fait opportunes et conformes au souci de protection de l'enfance », les modifications concernant le casier judiciaire, qui donnent la possibilité à l'administration de vérifier qu'un candidat à l'encadrement des mineurs n'a fait l'objet d'aucune condamnation pour crimes ou délits sexuels contre des enfants.

C.G.

Notes

(1)  AFMJF : Tribunal pour enfants de Paris - Palais de Justice - 75055 Paris-Louvre RP-SP - Tél. 01 44 32 65 13. DEI-France : 30, rue Coquillière - 75001 Paris - Tél. 06 85 84 94 54.

(2)  Voir ce numéro.

(3)  Défenseur des enfants : 85, bd du Montparnasse - 75006 Paris - Tél. 01 53 86 15 50.

(4)  SNPES-PJJ-FSU : 54, rue de l'Arbre-Sec - 75001 Paris - Tél. 01 42 60 11 49.

(5)  Conférence des bâtonniers : 12,  place Dauphine - 75001 Paris - Tél. 01 44 41 99 10.

(6)  Ordre des avocats à la cour de Paris : 11, place Dauphine - 75053 Paris-Louvre RP-SP - Tél. 01 44 32 48 48.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur