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L'asile territorial : un « asile au rabais »

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Depuis sa création, en 1998 (1), par la loi dite « Chevènement » sur l'immigration, l'asile territorial, qui concerne les personnes persécutées dans leur pays par des agents non étatiques - ce qui les place hors du cadre de l'asile conventionnel -, a été accordé à plus de 8 000 personnes (2). Les demandes, elles, s'accroissent considérablement : selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, elles sont passées d'environ 1 300 en 1998 à 11 800 en 2000. Le taux d'accord, quant à lui, reste faible : 7 % environ en 1999.

Qui sont les bénéficiaires et les demandeurs de cette forme particulière d'asile ? Et quelles sont leurs conditions de vie ? L'étude menée par Rachid Benattig, sociologue au Conseil, recherche et expérimentation sur l'intégration  (CRESI), pour le compte du Service social d'aide aux émigrants (SSAE)   (3), montre que les Algériens- pour qui a été en grande partie imaginé le dispositif - constituent le principal bataillon des demandeurs (78 % en 2000). S'y joignent de nombreux déboutés du droit d'asile conventionnel, surtout originaires d'Europe centrale et orientale. « La part de cette population va sans doute beaucoup augmenter en raison du nombre considérable des demandes [d'asile conventionnel] en attente à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et des rejets enregistrés, ce qui se traduira inévitablement par un report important sur la demande d'asile territorial », note l'auteur.

Un accueil très précaire

Le public concerné est jeune - près des trois quarts environ ont moins de 35 ans - et surtout constitué d'hommes isolés et de couples avec enfants, principalement des personnes ayant exercé une activité professionnelle qualifiée dans leur pays d'origine. « D'une manière générale, l'analyse des profils [...] montre des caractéristiques (âge, formation, expérience professionnelle, socialisation dans le milieu d'origine) favorables au dynamisme individuel », relève l'étude.

Les conditions d'accueil, quant à elles, sont particulièrement précaires car, à la différence de l'asile conventionnel, l'asile territorial - considéré comme un « asile au rabais » par la plupart des intervenants sociaux - ouvre peu de droits aux demandeurs. Seule la couverture maladie universelle est accordée, mais nulle aide financière et nul hébergement. « Dans l'esprit du législateur, la durée de traitement de courte durée, d'une part, et la possibilité de compter sur un accueil familial dans la plupart des cas, d'autre part, ne justifiaient pas l'ouverture de ces droits », rappelle Rachid Benattig. De fait, la majorité des personnes entendues dans le cadre de l'étude ont été accueillies, au moins au début, par des parents ou des amis. Mais l'allongement considérable des délais de traitement - parfois supérieur à un an - découlant de la forte hausse des demandes rend la promiscuité pesante et la charge financière non négligeable. D'où l'émergence de conflits avec cet entourage. Les réfugiés doivent alors se retourner vers les associations humanitaires et les établissements d'accueil d'urgence, eux-mêmes saturés... Fragilisés par de graves difficultés de subsistance, ils deviennent aisément la proie de « nombreuses pratiques d'exploitation par des individus sans scrupules : employeurs qui les soumettent à des conditions de travail très dures, particuliers qui exigent de fortes sommes pour des services comme la domiciliation... ». Nombre d'entre eux, également, se trouvent dans un état dépressif.

Quant aux spécialistes de l'accueil, ils pointent les « moyens limités » dont ils disposent pour faire face au nombre sans cesse croissant de demandeurs reçus. « C'est surtout la qualité de l'accompagnement assuré qui s'en trouve affecté ainsi que le constatent les assistants sociaux du SSAE », souligne l'auteur : moindre disponibilité pour les démarches d'assistance, moindre soutien aux personnes vulnérables, partenariat rendu plus diffi- cile.

Les travailleurs sociaux plaident, par ailleurs, pour un alignement sur l'asile conventionnel, avec les mêmes droits sociaux, « pour des raisons pratiques et pour mettre un terme à ce qui apparaît à certains comme une discrimination choquante en matière de traitement ». Nombreux sont ceux qui conseillent aux candidats de demander en priorité l'asile conventionnel et de se rabattre sur l'asile territorial en cas de refus. Beaucoup estiment même que « l'asile territorial devrait disparaître en tant que tel pour ne laisser qu'une seule voie d'accès à la demande d'asile ». Ce qui suppose de la part des autorités françaises une interprétation un peu moins restrictive de la convention de Genève. « Aussi bien les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme  (4) que l'évolution de la législation commune européenne en matière d'asile incitent à œuvrer dans cette direction », relève Rachid Benattig.

C. G.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2071 du 15-05-98.

(2)  Chiffre arrêté fin 1999.

(3)  Quel devenir pour les demandeurs d'asile territorial ? Profils, projets et conditions de survie - Rachid Benattig - SSAE : 58A, rue du Dessous-des-Berges - 75013 Paris - Tél. 01 40 77 94 00 - 8  €.

(4)  Voir ASH n° 2223 du 13-07-01.

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