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Ne pas quitter le navire du travail social

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Deux éducateurs spécialisés réagissent à la lettre ouverte aux professionnels du secteur social publiée dans nos colonnes (1), dans laquelle une jeune éducatrice spécialisée exprimait sa colère et son souhait de renoncer à son métier. Le premier, Christian Bouquet, chef de service éducatif, critique cet « abandon ». Le second, Olivier Benhamou, veut soutenir sa jeune collègue .

« Cette lettre m'a mis en colère, car il est trop facile de cracher dans la soupe même si celle-ci est froide. Nous savons bien, dans le social, qu'il n'y a rien à attendre des politiques ni de la “société” (comme elle dit) qui n'en a jamais rien eu à faire.

Notre mission est une mission de paix sociale : ne pas faire de vagues...

Nous le savons ; même cela ne doit pas occulter le travail humain et individuel que nous avons à faire et qui est le seul intéressant.

Trop facile de se tirer du bateau sous prétexte qu'il n'est pas assez beau et qu'il ne va pas assez vite.

Le social c'est le Titanic  : un insubmersible qui coule depuis des années sans jamais sombrer.

Etre en colère, c'est bien ; ça permet de se ressourcer et de savoir pourquoi l'on se bat, nous, travailleurs sociaux, depuis des lustres et des lustres.

Je ne jetterais pas la pierre à celle qui jette l'éponge ; je ne peux que supposer que ce travail n'était pas fait pour elle... Il n'y a pas à souffrir et à culpabiliser dans notre métier : laissons cela à l'abbé Pierre et à mère Thérésa... qui s'identifient eux à une religion qui n'est basée que sur la souffrance.

Nous, nous travaillons dans un monde plein d'injustices et d'inégalités et nous essayons de “faire avec”... et non de “faire sans”... Car le lot de l'homme est de comprendre ce qu'il est et ce qu'il vit pour le vivre pleinement. Et non pas de se plaindre que c'est injuste ou qu'“on” ne nous laisse pas les moyens. Mais qui est “on” ?

Les employeurs, les institutions, la société ? Et vous, vous ne faites pas partie de la société, de l'institution où vous travaillez ? Ou est-ce encore cette bête immonde, nourricière et castratrice qui sévit dans l'esprit tortueux des travailleurs sociaux frustrés qui ne veulent pas admettre qu'ils font partie du système et qu'ils n'en sont pas marginaux.

« Le social,  c'est le Titanic »

Il n'y a pas de piège dans le travail social ; les choses ont toujours été claires et ce n'est pas un gouvernement de droite ou de gauche qui nous aidera plus ; le social ne rapporte pas et quand il ne fonctionne pas, on en appelle aux CRS ou aux polices municipales pour nous remplacer.

Alors, chaque abandon d'un travailleur social qui lâche prise nous amène vers une société encore plus policière où la préoccupation individuelle laisse le terrain à un collectif sécuritaire. Comment peut-on, quand on se dit éducatrice spécialisée, abandonner après un résultat comme celui de Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle ?

Vous parlez de naufrage ; chacun sait que quand le bateau prend l'eau, les rats quittent le navire ; une question de survie, dites-vous ? Pour vous certainement et vous faites bien de sauver votre peau.

Nous continuerons sans cesse à écoper. Sans vous... Tant pis... ou tant mieux... »

Christian Bouquet Chef de service éducatif : 1, rue de la Traverse - 25680 Rougemont Tél. 03 81 86 97 87.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2264 du 24-05-01.

TRIBUNE LIBRE

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