Cette commission a été créée en février, quasiment à la veille de la suspension des travaux parlementaires. Nous avons accepté d'y participer en obtenant les assurances qu'elle ne travaillerait pas à des fins électorales, ne s'exprimerait pas publiquement de façon exagérée, ne rendrait pas de rapport avant les législatives et mènerait de larges auditions, ouvertes à des personnes de toutes compétences - sociologues, éducateurs, magistrats, policiers, enseignants... - et de toutes sensibilités. Ce qu'elle a fait. Là-dessus, le gouvernement Raffarin se met en place. Parmi ses premières annonces figurent la révision de l'ordonnance de 1945 et la création de centres fermés ! Ces mesures, d'une part, relèvent de la loi. Or, ce gouvernement ne dispose pas jusqu'à présent d'une assemblée élue pouvant les avaliser. En outre, il fait fi du travail d'une commission parlementaire travaillant sur ces questions. A quoi va servir son rapport, qui sera achevé en juillet, si le gouvernement a déjà cadré un projet et l'a présenté à la nouvelle Assemblée ?Sauf à considérer que la commission, qui a travaillé jusqu'à présent dans l'objectivité, va rendre un rapport allant dans le sens des mesures annoncées. Ce qui ne ressort pas des travaux qu'elle a menés jusque-là.
A moins de considérer que les gens qui ont été entendus sont des imbéciles dont on n'a rien à faire, les conclusions du rapport ne peuvent aller dans le sens annoncé par le gouvernement. Ce que disent tous les professionnels qui « ont les mains dans le cambouis », ce n'est pas qu'il faut balayer l'ordonnance de 1945 et enfermer les mineurs délinquants dans des prisons... Depuis deux mois, nous sommes dans les auditions. Jusqu'à présent, la commission n'a pas eu de discussion ni fait le point de ses travaux... Donc nous ne pouvons rien dire des positions de ses différents membres. Mais chacun était bien obligé d'entendre ce qu'il entendait et qui n'allait pas forcément dans le sens des mesures qui avaient au départ les faveurs de la droite. Par exemple la suppression des allocations familiales aux parents de mineurs délinquants… Récemment, dans la presse, certains sénateurs de droite reconnaissaient que les travaux les avaient amenés à changer leur point de vue et à considérer qu'il fallait beaucoup de prudence pour traiter des sujets comme les centres fermés et la réforme de l'ordonnance de 1945 (1). Quoi qu'il en soit, ce que l'on peut dire de façon certaine, c'est que nous avons eu le sentiment que la commission travaillait dans la sérénité pour aboutir à des conclusions parlementaires indiquant le sens des mesures à prendre. Mais les annonces gouvernementales viennent remettre ce sentiment en question.
Nous demandons au président, Jean-Pierre Schosteck [RPR, Hauts-de-Seine], de réunir la commission pour qu'elle prenne position, sur la base d'un rapport d'étape, sur les annonces qui ont été faites. Pour que nous, communistes, ayons au moins la possibilité de dire que nous ne sommes pas d'accord. Si nous n'obtenons pas de sa part de réponse satisfaisante, nous sommes prêts à quitter cette commission, au nom de l'indépendance du travail parlementaire. Nous n'avons pas envie d'y participer si nous ne savons pas si elle va continuer à travailler tranquillement, avec objectivité, ou si elle va rendre un rapport qui, de toute façon, ira dans le sens du gouvernement. Propos recueillis par Céline Gargoly
(1) Notamment dans Le Monde du 3-05-02.