« Nous en sommes aujourd'hui aux balbutiements de la mise en œuvre concrète, sur le terrain, de la lutte contre le saturnisme. » Le rapport que Véronique Ponchet de Langlade, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, a remis à Bernard Kouchner à la veille de son départ du ministère délégué à la santé, met l'accent sur les immenses difficultés que rencontrent les associations intervenant dans ce domaine (1). Il semble en effet que ni le plan national d'actions et de recommandations, lancé en 1993, ni la loi contre les exclusions de 1998, qui a prévu des mesures d'urgence pour lutter contre le saturnisme (2), n'aient permis de véritables avancées dans le combat contre cette intoxication au plomb, qui toucherait 85 000 enfants, selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et entraîne de façon irréversible une diminution des fonctions cognitives et des troubles de la mémorisation et de l'apprentissage.
Les militants associatifs rencontrés dans sept départements se déclarent ainsi souvent déçus par « le peu d'implication des instances locales ». « Le doute sur la gravité sanitaire et sociale du saturnisme subsiste parfois de la part des services déconcentrés », relève l'auteur. Certaines associations avancent, pour expliquer l'ignorance ou le désintérêt auxquels elles se heurtent, le fait qu' « il s'agit, une fois de plus, en priorité de populations [...] précaires qui ne peuvent vivre que dans des logements insalubres, faute de trouver la confiance de tout autre propriétaire ». Au bout du compte, elles sont parfois tentées de baisser les bras, devant, notamment, « la lenteur ou l'absence de réponse aux besoins de relogement ». A Bobigny, dans la Seine-Saint- Denis, par exemple, l'association des femmes relais ne parle plus du saturnisme aux familles, au motif que « cela ne sert à rien si les familles ne sont pas relogées ». « Existe-t-il une volonté politique de lutte contre le saturnisme ?, s'interroge de son côté un responsable associatif. Aujourd'hui la question reste ouverte, du moins sur le terrain. » D'autant plus si l'on ajoute que les crédits de l'Etat de lutte contre le saturnisme sont très peu consommés : 3,4 % seulement des montants disponibles en 2001 avaient été utilisés au 30 septembre dernier !
Au final, l'auteur formule une vingtaine de propositions pour une lutte plus efficace contre cette maladie. Parmi lesquelles la création d'un comité national de pilotage pluridisciplinaire (ministères, directions départementales des affaires sanitaires et sociales, collectivités locales, associations, médecins, services sociaux...) qui permettrait un suivi des actions menées région par région et l'échange d'information, et des campagnes de prévention, à destination des populations des zones à risques, préconisant des gestes simples pour éviter l'intoxication au plomb dans la vie quotidienne. Elle reprend également à son compte une proposition de l'Inserm, le dépistage systématique des 250 000 enfants vivant dans des logements insalubres.
(1) « Lutte contre le saturnisme. Les associations » - Véronique Ponchet de Langlade - Mars 2002 - Disp. sur le site
(2) Le médecin qui dépiste un cas de saturnisme doit notamment le déclarer à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ou à la protection maternelle et infantile. Lesquelles doivent transmettre au préfet du département les informations lui permettant de faire réaliser un diagnostic de l'immeuble. S'il y a risque d'intoxication, le préfet doit adresser une injonction de travaux au propriétaire de l'immeuble, qui a un mois pour les faire effectuer. En cas de carence des propriétaires, le préfet fait réaliser les travaux à leurs frais. Voir ASH n° 2095 du 27-11-98 et n° 2124 du 18-06-99.