Tous les sites visités avaient connu une vie associative très importante grâce à l'arrivée de jeunes couples - souvent des cadres moyens -, venus résider dans ces zones moins chères et qui avaient monté des services utiles aux populations. Seulement, lorsque leur niveau de vie a augmenté, ces habitants sont partis et toute cette vie associative a perdu de sa vitalité. Il y avait bien des centres sociaux qui perduraient, mais leurs animateurs n'habitaient plus sur place. Les publics qui sont restés - les plus précaires - se sont senti abandonnés et les quartiers se sont peu à peu enfoncés dans la relégation sociale. Notre enquête montre bien l'importance du rôle des associations dans la structuration des rapports sociaux et le vide créé par l'absence de relève des responsables et des militants. On l'a encore constaté l'an dernier à Marseille où l'on a vu comment une association de femmes issues de l'immigration a réussi à pacifier tout un quartier et à le faire vivre. C'est pour cela que le programme de l'extrême droite qui vise à casser le dynamisme associatif ne peut qu'aggraver le délitement du tissu social.
Sans doute. Une partie du secteur associatif est restée relativement extérieure aux populations dont il s'occupe. Or les habitants ont besoin de s'identifier et de faire confiance à des « élites » qui partagent le même destin qu'elles. Ils ont tendance à confondre les associations qui se sont trop « professionnalisées » avec des services publics. Heureusement, il y a toujours des tentatives pour créer des associations autour de leaders de quartiers qui, parfois eux-mêmes issus de l'immigration, veulent venir en aide à leurs concitoyens. Seulement ces associations sont très mal reconnues par la puissance publique : on les épuise avec la paperasserie administrative, les retards de financement...
La participation des habitants est une véritable tarte à la crème. On entend généralement par là la possibilité pour les habitants de participer aux décisions municipales. Mais dans les rapports entre les élus, les techniciens et les habitants, il y a une telle distance que le dialogue est impossible : les premiers se sentent contestés dans leurs décisions, les seconds mis en faute et les troisièmes non écoutés. Il faut que tout le monde fasse preuve de modestie et accepte la parole de l'autre sans le craindre. C'est un chantier prioritaire sur lequel nous devons travailler et créer de véritables méthodes. On ne va pas réconcilier les Français avec la démocratie au niveau national, si on n'arrive pas à faire avancer la démocratie participative au niveau local !
Nous avons engagé tout un travail au sein de la Fonda autour de la représentation associative. Comment arriver à une représentation interassociative qui ait un contenu, fasse remonter les besoins réels des populations et puisse faire des propositions ? Nous avons là aussi tout un travail à mener. Par exemple, en Rhône-Alpes, 80 associations se sont réunies sur le logement social et ont défini des orientations ensemble. Du coup, la région les a prises au sérieux et les considère comme un interlocuteur crédible. Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) Voir La Lettre d'information de la Fonda n° 72-73 - Mai 1990 (16,77 €) et la grille d'enquête (associations et vie locale) dans le hors-série de janvier 1991 (4,57 €) - Fonda : 18, rue de Varenne - 75007 Paris - Tél. 01 45 49 06 58.