Du côté des travailleurs sociaux, de nouvelles voix s'élèvent contre les thèses du candidat Jean-Marie Le Pen. L'Association nationale des cadres du social déplore « le tour nauséabond pris par cette élection » et appelle à « barrer la route au pire ».
« Il nous est bien difficile d'imaginer l'avenir du travail social si, par malheur, l'extrême droite se voyait confier la magistrature suprême », écrit l'association Témoins & solidaires (composée de travailleurs sociaux, de simples citoyens et d'usagers). « On peut imaginer le libre accès aux fichiers informatiques des services sociaux pour de nouveaux services de police politique ; la généralisation des actes discriminatoires à l'embauche, à l'accès au logement, aux prestations sociales et familiales ; le syndrome de la peur de l'étranger, de la personne différente, de son voisin, généralisé... » Et pour les travailleurs sociaux, des licenciements liés à la suppression des subventions accordées au secteur associatif. « En matière de protection de l'enfance, la seule action envisagée est le revenu maternel [...], tout le reste tient de la répression, multiplication des centres fermés, suppression de prestations familiales... », martèle l'association.
« Est-il utile de rappeler que le Front national a fait récemment l'apologie du régime de Vichy ?Est-il vraiment utile de rappeler quelle fut la nature du travail social sous ce même régime ? Et plus proches de nous, les travailleurs sociaux des mairies d'extrême droite (Orange, Vitrolles, Toulon, Marignane) peuvent témoigner de leur impossibilité croissante à exercer leurs professions. Sous un régime nationaliste, le travail social disparaît pour laisser la place au contrôle social », affirme le Mouvement national des étudiants et travailleurs sociaux (MNETS).
Les deux associations appellent donc à « la résistance ». Témoins & solidaires invite ainsi à un débat public, le 4 mai, afin de réfléchir aux « stratégies et positionnements à mettre en œuvre au quotidien » (1). Tandis que le MNETS enjoint les étudiants, professionnels et organisations à se rassembler et à présenter des « propositions claires sur nos conceptions du travail social ». Des conceptions avant tout basées sur « une aide sociale faite de solidarité en direction de toutes les personnes démunies » et opposées « à toutes formes de rejet de l'immigré, du pauvre, de l'exclu », comme le rappelle Christian Chassériaud, président de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social.
« De par [leur] approche spécifique dans la rue, les éducateurs sont confrontés à des réalités plus complexes et plus riches que celles qui nous sont données par les médias et les politiques », relève dans une « lettre ouverte », Christian Guillaumey, président du Comité national de liaison des association de prévention spécialisée. « Les acteurs de prévention sont témoins decette grande incompréhension sociale », souligne-t-il en invitant à « réagir ensemble ». Notamment, en ne proposant plus de solutions « pour » les jeunes mais en faisant « avec », en leur donnant les moyens d'une expression constructive. « Les jeunes dominés sont “parlés” plus qu'ils ne parlent », écrit-il, insistant sur « la nécessité de travailler non pas sur des représentations de la jeunesse ou de la société de façon abstraite, mais sur un ajustement et des relations entre des jeunes et des adultes de façon concrète ». « L'insécurité est une invention des politiques pour produire des réponses en se dégageant de toute responsabilité », défend encore Christian Guillaumey, pour qui « la justesse éducative est un devoir d'avenir ». Autant de questions sur lesquelles, « il faut encore travailler ensemble ». I. S.
(1) A 14 heures à Témoins & solidaires : Maison des associations - 21 ter, rue Voltaire - 75011 Paris - Tél. 06 81 93 05 15.