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LA PROTECTION DES MINEURS

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Au-delà de ses dispositions réformant l'autorité parentale (voir ASH n° 2259 du 19-04-02), la loi du 4 mars 2002 renforce la protection des mineurs. Notamment, elle interdit leur prostitution et prévoit la désignation d'un administrateur ad hoc pour les mineurs étrangers isolés.

La loi relative à l'autorité parentale

(Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, J.O. du 5-03-02)

Initialement élaborée pour favoriser la coparentalité et les droits des enfants, quel que soit leur statut dans la famille (1), la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a été élargie, au cours des débats, par des dispositions destinées à mieux assurer la protection des enfants.

En effet, à la suite des états généraux de la protection de l'enfance (2), le Premier ministre, Lionel Jospin, a notamment décidé de sanctionner la prostitution des mineurs. Et a présenté plusieurs amendements en ce sens lors de la discussion de la loi du 4 mars. Au final, celle-ci affirme le principe d'interdiction de cette prostitution, crée de nouvelles sanctions pénales contre les clients de prostitués mineurs et aggrave les sanctions contre les proxénètes. Ces mesures sont le résultat d'un compromis entre le Sénat et le gouvernement, les sanctions prévues à l'égard des clients de prostitués mineurs ayant été au centre de vives discussions. Les sénateurs, emmenés par Robert Badinter, contestaient, pour l'essentiel, l'échelle des peines initialement arrêtée par le gouvernement. Ils souhaitaient ne pas voir sanctionner plus sévèrement le client que le proxénète.

Au-delà de cette question, la loi du 4 mars souhaite mieux protéger les mineurs contre la pornographie et complète, à cet égard, la loi du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs (3). Elle incrimine ainsi notamment la détention d'image pornographique.

Par ailleurs, le législateur a cherché à renforcer les droits des mineurs étrangers isolés, en zone d'attente ou réclamant la qualité de réfugié, en créant un administrateur ad hoc.

Enfin, la loi lutte contre les enlèvements d'enfants par une pénalisation accrue et la création d'une spécialisation des juridictions en la matière.

La loi du 4 mars 2002 est entrée en vigueur le 7 mars et nécessite, pour ce qui est de ses dispositions sur la protection des mineurs, certains textes réglementaires. Il en est ainsi, par exemple, de la désignation des administrateurs ad hoc pour les mineurs isolés.

Plan du dossier

I - La prostitution des mineurs

A - L'affirmation de l'interdiction de la prostitution des mineurs

B - La protection du juge au titre de l'assistance éducative

C - L'incrimination de la prostitution des mineurs

II - La protection des mineurs contre la pornographie

A - L'incrimination de la détention d'image pornographique

B - La mention de l'interdiction de vente aux mineurs

III - Un administrateur « ad hoc » pour les mineurs isolés

A - Le mineur en zone d'attente

B - Le mineur demandant la reconnaissance de la qualité de réfugié

IV - La lutte contre les enlèvements d'enfants

A - L'interdiction de sortie inscrite sur le passeport

B - L'incrimination de l'enlèvement international d'enfant

I - LA PROSTITUTION DES MINEURS ( art. 13 de la loi )

La loi du 4 mars affirme solennellement l'interdiction de la prostitution des mineurs et prévoit, en cohérence, un nouvel arsenal pénal pour sanctionner les clients de prostitués mineurs.

A - L'affirmation de l'interdiction de la prostitution des mineurs (art. 13, I)

Dans le droit-fil des annonces faites lors des états généraux de la protection de l'enfance par le Premier ministre (4), la loi du 4 mars 2002 proclame de manière générale que « la prostitution des mineurs est interdite sur tout le territoire de la République ». Ce, à la suite d'un amendement porté par plusieurs sénateurs socialistes, dont Robert Badinter. Par « tout le territoire de la République », il faut notamment entendre les départements et territoires d'outre-mer.

Sans contester l'affirmation de ce principe, le gouvernement, par la voix de Ségolène Royal, a tenu à faire deux mises en garde. La première sur ce qui pouvait être sous-entendu « en creux ». « Dire, par exemple, que la prostitution des mineurs est interdite laisse penser que la prostitution des majeurs est autorisée. Or, une partie au moins de cette prostitution est interdite : celle qui est contrainte » (J.O. Sén. [C.R.] n° 18 du 15 février 2002). La ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées s'est ensuite arrêtée sur l'expression « sur tout le territoire de la République ». Laquelle ne doit pas remettre en cause «  le principe d'extraterritorialité en matière de protection des mineurs, en vigueur en France depuis l'adoption de la loi » du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs (J.O. Sén. [C.R.] n° 18 du 15 février 2002). Ce principe « est également appliqué dans d'autres pays, tels l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, le Danemark, l'Espagne et la Suisse, ce qui signifie que des délits commis sur le sol français ne peuvent devenir des non-délits sur le sol de ces pays ».

B - La protection du juge au titre de l'assistance éducative (art. 13, II)

L'article 13, II, de la loi du 4 mars 2002 énonce ensuite que « tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d'assistance éducative ». Pour Robert Badinter, auteur de l'amendement, il s'agit de prendre en compte « la condition, non seulement pitoyable mais plus encore tragique, des mineures, étrangères notamment - ce sont les plus nombreuses -, qui se livrent à la prostitution » (J.O. Sén. [C.R.] n° 18 du 15 février 2002). Selon lui, se pose en effet la question du devenir de ces mineurs qui se retrouvent sans papiers et sans travail. L'idée est donc d'appliquer la procédure d'assistance éducative et non des sanctions à leur égard.

C - L'incrimination de la prostitution des mineurs (art. 13, III)

Toujours dans le même esprit, la loi du 4 mars 2002 met fin à un vide juridique, critiqué par les associations qui luttent contre la prostitution de mineurs, et plus récemment par Claire Brisset, défenseure des enfants (5). En effet, jusque-là, seuls les clients de mineurs prostitués de moins de 15 ans étaient pénalement sanctionnés. Ce, sur le fondement de l'article 227-25 du code pénal qui punit ainsi de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000  € d'amende le fait, pour un majeur, d'entretenir des relations sexuelles avec un mineur consentant de moins de 15 ans, les qualifiant d'atteintes sexuelles. Et de l'article 227-26,4° qui prévoit une peine de 10 ans d'emprisonnement et 150 000  € d'amende lorsque ces relations sont accompagnées du versement d'une rémunération. En revanche, les relations sexuelles avec un mineur prostitué de 15 à 18 ans étaient libres, le code pénal ne prévoyant rien lorsque celles-ci font l'objet d'une rémunération.

Outre ce problème juridique, les associations soulevaient la difficulté de déterminer avec précision l'âge des mineurs prostitués qui, en l'absence de papiers, prétendent toujours avoir plus de 15 ans. Elles étaient confortées en cela par les chiffres de la chancellerie présentés dans les travaux préparatoires de la loi : seules 5 condamnations ont été prononcées en 2000 sur la base de l'article 227-26. Or le nombre de mineurs se livrant à la prostitution en France est estimé par l'Unicef entre 3 000 et 8 000 (Rap. A.N. n° 3435, décembre 2001, Dolez).

C'est pour mettre un terme à cette situation que la loi du 4 mars 2002 crée, dans le code pénal, une section intitulé « Du recours à la prostitution d'un mineur », qui se situe juste après les dispositions réprimant le proxénétisme  (qui sont également renforcées). Cette nouvelle section comporte 4 articles traitant spécifiquement de la prostitution des mineurs.

1 - LE RECOURS À LA PROSTITUTION D'UN MINEUR PAR UNE PERSONNE PHYSIQUE

a - La peine principale

Une interdiction applicable à tous les mineurs prostitués…

L'article 225-12-1 du code pénal punit le recours à la prostitution d'un mineur, quel que soit son âge, en infligeant une peine de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000  d'amende pour le fait, y compris de manière occasionnelle, de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d'un mineur se livrant à la prostitution.

Cet article ne concerne que les relations sexuelles obtenues d'un mineur contre le versement d'une rémunération et ne modifie en rien la majorité sexuelle, qui reste fixée, par l'article 227-25 du code pénal, à 15 ans. En revanche, la peine prévue à l'article 227-26,4°, en cas de versement d'une rémunération, est abrogé.

…que le client soit majeur ou mineur

La loi pénalise la relation avec un ou une prostitué mineur, que le client soit majeur ou mineur.

Lors de débats, Ségolène Royal a soutenu qu'il était nécessaire de sanctionner le client mineur. Ce, pour lutter contre « une prostitution minable de proximité, née de rapports de force entre petits groupes : je veux parler de la jeune fille de 15 ans qui, pour ne pas perdre l'affection de son copain, va accepter de rendre quelques services sexuels au groupe de garçons à la sortie du collège. Dans ce cas, il n'y aura pas paiement direct, le garçon ne va pas se sentir proxénète, alors qu'il est pourtant bien, en l'occurrence, proxénète et qu'il s'agit bien de prostitution puisque la jeune fille achète l'assurance de continuer à être inté-grée au groupe et de bénéficier de la protection de tel ou tel garçon » (J.O. Sén. [C.R.] n° 18 du 15 février 2002).

b - Les circonstances aggravantes

La loi du 4 mars 2002 prévoit, en outre, une série de circonstances aggravantes.

Ainsi, les peines sont portées à 5 ans d'emprisonnement et 75 000  € d'amende (code pénal [C. pén.], art. 225-12-2 nouveau)  :

 lorsque l'infraction est commise de façon habituelle ou à l'égard de plusieurs mineurs ;

 lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication, de type Internet. Cette disposition est à rapprocher de celle figurant à l'article 227-26, qui fait de l'utilisation d'un réseau de communication une circonstance aggravante de l'atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans. L'idée est de sanctionner plus sévèrement ce type d'infraction, plus difficile à détecter ;

 lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions.

Enfin, le recours à la prostitution d'un mineur de moins de 15 ans constitue désormais une circonstance aggravante, punie de 7 ans d'emprisonnement et 100 000  € d'amende (C. pén., art.225-12-2, al. 5 nouveau). Justification de cette mesure :tenir compte de la « différence, presque de nature, [...], entre le recours à la prostitution de mineurs de moins de 15 ans, qui sont à la limite de l'enfance, voire quelquefois dans l'enfance, et le recours à la prostitution d'adolescents, dont il est très difficile de savoir, notamment lorsqu'ils sont âgés de 17 ou 18 ans, s'ils sont majeurs ou mineurs » (J.O. Sén. [C.R.] n° 18 du 15 février 2002).

c - Les peines complémentaires  (art. 13, V)

L'article 225-20 du code pénal, qui énumère les peines complémentaires encourues par les personnes physiques reconnues coupables de proxénétisme, est étendu aux clients de prostitués mineurs.

Autrement dit, outre les proxénètes, ces derniers encourront désormais également les peines d'interdiction :

 des droits civiques, civils et de famille ;

 d'exercice de l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;

 de séjour ;

 d'exploiter, directement ou indirectement, un établissement ouvert au public, d'y être employé à quelque titre que ce soit et d'y prendre ou d'y conserver une quelconque participation financière ;

 de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, pour 5 ans au plus ;

 de quitter le territoire, pour 5 ans au plus.

d - Le renforcement de la lutte contre le tourisme sexuel

La loi du 4 mars 2002 établit, par ailleurs, un régime dérogatoire facilitant l'application de l'incrimination de la prostitution de mineurs, quel que soit leur âge, aux faits commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français (C. pén., art. 225-12-3 nouveau).

2 - L'INCRIMINATION DES PERSONNES MORALES

A côté des personnes physiques, la loi du 4 mars 2002 prévoit que les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues par les articles 225-12-1 à 225-12-3 (recours à la prostitution de mineurs et tourisme sexuel) (C. pén., art. 225-12-4 nouveau).

Ces sanctions (amende et peines complémentaires), qui remplacent celles prévues actuellement à l'article 227-28-1 pour les personnes morales reconnues coupables d'atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans accompagnées du versement d'une rémunération, permettront notamment de sanctionner les agences de voyages spécialisées dans le tourisme sexuel, quel que soit l'âge du mineur prostitué.

3 - UNE PROCéDURE ASSOUPLIE (art. 13, VII et VIII)

La loi du 4 mars 2002 permet enfin d'appliquer les dispositions spécifiques à la poursuite, à l'instruction et au jugement des infractions en matière de proxénétisme, prévues par les articles 706-34 à 706-40 du code de procédure pénale, aux nouvelles infractions de recours à la prostitution de mineurs.

Par exemple, les perquisitions pourront avoir lieu à toute heure du jour et de la nuit dans les établissements où les mineurs se prostituent, et pas seulement entre 6 heures et 21 heures.

II - LA PROTECTION DES MINEURS CONTRE LA PORNOGRAPHIE

A - L'incrimination de la détention d'image pornographique (art. 14)

La loi du 4 mars 2002 sanctionne désormais la détention d'images ou de représentations pornographiques mettant en scène des enfants alors que seuls la réalisation, l'enregistrement ou la diffusion de telles images ou représentations étaient jusque-là réprimés. Elle insère à cet effet un nouvel alinéa dans l'article 227-23 du code pénal.

Actuellement, cette disposition issue de la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, punit de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000  € d'amende le fait de fixer, d'enregistrer, ou de transmettre, afin de la diffuser, une image ou la représentation d'un mineur présentant un caractère pornographique. Elle prévoit les mêmes peines pour le fait de diffuser, d'importer ou d'exporter, de faire importer ou exporter de telles images ou représentations, les peines étant portées à 5 ans d'emprisonnement et à 75 000  € d'amende en cas d'utilisation d'un réseau de télécommunication.

A contrario, les personnes détentrices de telles images ne pouvaient être condamnées que sur la base du recel d'ailleurs plus sévèrement punissable en application de l'article 321-1 du code pénal (5 ans de prison et 375 000  € d'amende). La loi du 4 mars punit donc désormais ce cas de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000  € d'amende.

Cette mesure met ainsi le droit pénal français en conformité avec le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'Enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié par la France par la loi du 26 février 2002. En effet, l'article 3 de ce protocole incite les Etats parties à réprimer la détention de matériels pornographiques mettant en scène des enfants (art. 3, 1, c du protocole).

B - La mention de l'interdiction de vente aux mineurs (art. 15)

La loi du 4 mars vient renforcer l'efficacité de l'avertissement prévu à l'article 35 de la loi du 17 juin 1998. Cette disposition prévoit que les interdictions de vente aux mineurs et de publicité concernant les documents à caractère pornographique doivent être mentionnées de façon apparente sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés. Mais rien n'est prévu s'agissant du document lui-même.

Aussi, constatant la prolifération d'images véhiculant de la pornographie et de la violence sexuelle sur de nombreux supports, la loi rend obligatoire la mention des avertissements relatifs aux interdictions de vente aux mineurs dans le document lui-même reproduisant des œuvres cinématographiques présentant un caractère pornographique ou incitant à la violence, quel que soit leur support, et non seulement sur ses unités de conditionnement.

Pour assurer l'effectivité de cette nouvelle obligation, « il importe que les mesures d'application [qui modifieront le décret du 7 septembre 1999 actuellement en vigueur] prévoient que les avertissements apparaissent avant la diffusion du film et que les utilisateurs ne puissent échapper à leur vision, selon un dispositif qui pourrait s'inspirer de celui employé actuellement s'agissant des mentions relatives à la répression de la contrefaçon » (Rap. Sén. n° 209, février 2002, Béteille).

La mention de cette interdiction sera également complétée, lorsque le document présente un caractère por- nographique, par un rappel des dispositions de l'article 227-22 du code pénal qui sanctionnent la corruption de mineurs. Cet article punit de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000  € d'amende le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption des mineurs. Ces peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et à 100 000  € d'amende en cas de circonstances aggravantes (mineur âgé de moins de 15 ans, utilisation d'un réseau de télécommunication, faits commis dans ou à proximité d'un établissement scolaire).

III - UN ADMINISTRATEUR « AD HOC » POUR LES MINEURS ISOLéS ( art. 17 )

La loi du 4 mars 2002 prévoit la désignation d'un administrateur ad hoc pour les mineurs étrangers en zone d'attente et ceux demandant la reconnaissance de la qualité de réfugié. Elle met ainsi fin à une jurisprudence de la Cour de cassation. Laquelle, en mai 2001, a jugé que l'absence de représentant légal, dans une procédure de prolongation de maintien en zone d'attente, ne constituait pas une irrégularité (6). Par cette décision, la Haute Juridiction cherchait à mettre un terme à la position de certains juges qui, relevant l'incapacité des mineurs d'agir en justice et donc de faire appel de la décision du juge les maintenant en zone d'attente, refusaient systématiquement la prolongation du maintien des mineurs en zone d'attente en l'absence de représentant légal capable d'agir pour le mineur. Ce refus conduisait à autoriser, de fait, les mineurs étrangers à entrer sur le territoire national, mais sans que ceux-ci ne disposent pour autant d'un titre de séjour, ni a fortiori, d'une autorisation de travail.

A la suite de cette décision, le gouvernement avait déjà déposé, lors de l'examen de la loi de modernisation sociale, un amendement afin de prévoir la désignation d'un administrateur ad hoc chargé d'assister le mineur étranger isolé durant son maintien en zone d'attente. Mais il avait été repoussé pour des raisons de forme en ce qu'il n'avait rien à voir avec la loi en discussion. Sur le fond, ces dispositions avaient fait l'objet de vives critiques de certaines associations de droits de l'Homme qui réclamaient l'admission immédiate du mineur sur le territoire (7). La loi du 4 mars ne leur aura pas donné raison puisqu'elle reprend, pour l'essentiel, le contenu de l'amendement.

A - Le mineur en zone d'attente (art. 17, I)

1 - LA DÉSIGNATION DE L'ADMINISTRATEUR « AD HOC »

Désormais, en l'absence d'un représentant légal accompagnant le mineur, le procureur de la République, avisé dès l'entrée du mineur en zone d'attente, devra lui désigner « sans délai » un administrateur ad hoc.

Pour mémoire, l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France dispose que l'étranger qui arrive en France et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu en zone d'attente pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa requête n'est pas infondée. Le maintien en zone d'attente est prononcé par décision administrative pour une durée de 48 heures, renouvelable une fois. Au-delà de 4 jours, le maintien en zone d'attente est décidé par ordonnance du juge des libertés et de la détention, pour une durée qui ne peut être supérieure à 8 jours. Cette ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui doit statuer dans les 48 heures de sa saisine. Le droit d'appel appartient à l'intéressé, au ministère public et au représentant de l'Etat dans les départements.

L'administrateur ad hoc sera désigné par le procureur de la République à partir d'une liste de personnes morales ou physiques dont les modalités de constitution seront fixées par décret. Ainsi, des associations pourront être choisies comme administrateur ad hoc. Ce décret précisera également les modalités de leur indemnisation.

La spécialisation des juridictions en matière d'enlèvement international d'enfants

Les tribunaux de grande instance (art. 21)

La loi du 4 mars 2002 prévoit une spécialisation des tribunaux de grande instance appelés à se prononcer sur les actions engagées sur le fondement des dispositions des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d'enfant. Est concernée la convention internationale de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Mais également, la convention européenne de Luxembourg du 20 mai 1980, les conventions bilatérales signées entre la France et les Etats africains ou encore le règlement communautaire relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs.

But de cette mesure : gagner du temps. Les magistrats connaissent mal les conventions internationales en raison du peu d'affaires actuellement traitées annuellement par les tribunaux. Une telle mesure vise à mieux cibler les magistrats à former. Et à favoriser l'émergence d'une jurisprudence européenne par la création d'un réseau de magistrats spécialisés en Europe. Un décret en Conseil d'Etat devrait préciser cette disposition.

Les magistrats de cour d'appel (art. 20)

De manière similaire, la loi du 4 mars 2002 prévoit la spécialisation dans chaque cour d'appel du magistrat délégué à la protection de l'enfance et du magistrat du parquet général sur les actions engagées sur le fondement des dispositions de conventions internationales ou d'instruments communautaires applicables en matière d'enlèvement international d'enfants.

Elle insère, à cet égard, un chapitre intitulé « Dispositions particulières aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants » dans le code de l'organisation judiciaire comprenant un article L. 226-1.

2 - LE RÔLE DE L'ADMINISTRATEUR « AD HOC »

L'administrateur ad hoc assistera le mineur pendant son maintien en zone d'attente et assurera sa représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Il en fera de même dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles afférentes à son entrée sur le territoire.

Lorsque le juge des libertés et de la détention statuera sur la prolongation du maintien en zone d'attente, le mineur étranger devra être assisté d'un avocat choisi par l'administrateur ad hoc ou, à défaut, commis d'office.

Le mineur étranger pourra également demander, par l'intermédiaire de l'administrateur ad hoc, le concours d'un interprète et la communication de son dossier.

Précision importante : l'administrateur ad hoc devra, pendant la durée du maintien en zone d'attente du mineur qu'il assiste, se rendre sur place.

B - Le mineur demandant la reconnaissance de la qualité de réfugié (art. 17, II)

La loi du 4 mars 2002 transpose cette procédure pour le mineur étranger qui demande la reconnaissance de la qualité de réfugié. Elle insère à cet effet, dans la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, un nouvel article 12-1.

En conséquence, lorsque la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié est formée par un mineur qui n'a pas de représentant légal sur le territoire français, le procureur de la République, avisé par l'autorité administrative, désigne un administrateur ad hoc. Ce dernier assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

L'administrateur ad hoc est désigné par le procureur de la République sur une liste de personnes morales ou physiques dont les modalités de constitution seront fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret précisera également les conditions de leur indemnisation.

La mission de l'administrateur ad hoc prend fin dès le prononcé de la mesure de tutelle.

IV - LA LUTTE CONTRE LES ENLÈVEMENTS D'ENFANTS

Afin de lutter contre la pratique d'un parent cherchant à évincer l'autre parent de l'exercice de ses droits d'autorité parentale ou de visite sur leur enfant, la loi du 4 mars 2002 prévoit une série de dispositions pour éviter les enlèvements internationaux d'enfants.

A - L'interdiction de sortie inscrite sur le passeport (art. 5)

Dans le cadre de ses attributions en matière d'autorité parentale, le juge aux affaires familiales pourra ordonner l'inscription sur le passeport des parents de l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents (code civil, art. 373-2-6, al. 3, nouveau).

L'ambition de cette mesure est de permettre de mieux lutter contre les enlèvements d'enfants par l'un des parents.

B - L'incrimination de l'enlèvement international d'enfant (art. 16)

La loi du 4 mars incrimine plus sévèrement le délit d'enlèvement international d'enfant.

Actuellement, l'article 227-9 du code pénal sanctionne le fait de refuser indûment de présenter un mineur à la personne qui a le droit de le réclamer ou le fait, pour un ascendant, de soustraire un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l'autorité parentale ou auxquels il a été confié lorsque cette attitude conduit soit à retenir le mineur plus de 5 jours sans que ceux qui ont le droit de le réclamer sachent où il se trouve, soit à le retenir indûment hors du territoire de la République.

Désormais, les peines encourues pour ce délit sont portées de 2 à 3 ans d'emprisonnement et de 30 000  à 45 000  d'amende.

Il s'agit de permettre le placement en détention provisoire des auteurs de déplacements illicites d'enfants vers l'étranger, l'article 143-1 du code de procédure pénale fixant à 3 ans le seuil minimal de la peine encourue pour autoriser une détention provisoire. Objectif : éviter la disparition de leurs auteurs et des enfants à l'étranger.

Sophie André

Notes

(1)  Pour une présentation détaillée des dispositions relatives à l'autorité parentale, voir ASH n° 2259 du 19-04-02.

(2)  Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.

(3)  Voir ASH n° 2081 du 21-08-98.

(4)  Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.

(5)  Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.

(6)  Voir ASH n° 2214 du 11-05-01.

(7)  Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.

LES POLITIQUES SOCIALES

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