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Délinquance des mineurs : « Sans tabou et sans compromission »

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A la veille du premier tour du scrutin présidentiel, Jean-Jacques Andrieux, directeur général de l'Unasea, revient sur le « thème majeur » de la campagne électorale. Plutôt que de supprimer l'ordonnance de 1945, ne faut-il pas, « plus simplement », la « faire appliquer »  ?, interroge-t-il. Et, selon lui, le préalable à toute réflexion sur la création de centres fermés est « la mise en œuvre d'une politique globale d'accompagnement des familles en difficulté et de prévention de la délinquance ».

« Le thème majeur de la campagne pour l'élection présidentielle aura été l'insécurité et sa confusion avec la délinquance des mineurs (1), qui contribue au sentiment d'insécurité sans en être le facteur premier. C'est la loi du genre.

Si les propositions les plus extrémistes ont succombé devant le bon sens (comme la suppression des allocations familiales pour les parents de jeunes délinquants), deux idées émergent des programmes des principaux candidats : la remise en cause de l'ordonnance du 2 février 1945 et la création de centres fermés pour mineurs délinquants. Nous ne pouvons les sous-estimer car le candidat élu, dont la marge de manœuvre sera modeste dans de nombreux domaines, voudra marquer son début de mandat par un signal fort dans celui de la délinquance, où il peut agir plus directement et où il estime être attendu par l'opinion.

Dès lors, devons-nous être servilement disponibles ou nous arc-bouter sur des positions dogmatiques de refus ?L'une et l'autre de ces attitudes me semblent inopérantes, voire réductrices, car elles aboutiraient à nous exclure de la réflexion qui sera menée dès cet été. Or ce qui importe est de pouvoir accompagner cette réflexion, l'enrichir de nos propositions, veiller à ce qu'elle ne dérive pas vers un horizon sécuritaire, mais qu'elle puisse faire surgir, sans démagogie et sans non-dits, les fondements d'une politique de prévention de la délinquance des mineurs digne de notre pacte républicain.

Le sort de l'ordonnance de 1945

Faut-il supprimer l'ordonnance de 1945 ? L'accepter serait abandonner l'exigence d'un système pénal spécifique aux mineurs, exigé par la Convention internationale des droits de l'Enfant, que la France a ratifiée. Ceux qui proposent la suppression veulent, en fait, renvoyer les mineurs devant les tribunaux correctionnels. Ce serait inacceptable. Sans autre commentaire.

Faut-il réécrire l'ordonnance ? Cela mérite incontestablement réflexion... et concertation, à partir d'un consensus sur le maintien du concept d'association hiérarchisée entre acte éducatif et sanction. Le véritable argument en faveur de la réécriture est le titre de l'ordonnance, qui est daté (1945) et associé à une apparence : l'organisation de l'impunité des mineurs, ce qui est, pour ceux qui ont lu le texte, une erreur manifeste. Faut-il sacrifier au symbole ?

Ou bien faut-il, plus simplement, faire appliquer l'ordonnance ? Ce n'est pas faire insulte aux magistrats que de relever qu'ils ont, par humanisme sans aucun doute, préféré user de l'article 375 du code civil (protection de l'enfant en danger) que du texte pénal, qui laisse des traces. Au vu de la multiplication des multirécidives, au vu des difficultés ainsi nées dans des foyers héritant, pêle-mêle et sans moyens renforcés, de jeunes à protéger et de jeunes délinquants, il semble urgent de bien réfléchir, tous ensemble pour une fois, à cette notion d'application de la loi.

En tout état de cause, avant de faire un texte nouveau, il faut s'assurer qu'il sera appliqué.

Le préalable à toute réflexion sur la création de centres fermés, qu'il faut à mon sens exiger, est la mise en œuvre, autrement que par des mots et des comités Théodule, d'une politique globale d'accompagnement des familles en difficulté et de prévention de la délinquance : dans les communes, là où se situent les difficultés, et en mettant en commun l'observation, la réflexion et la stratégie d'action des différents intervenants. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En impliquant tous les habitants d'un quartier, pas seulement “les victimes et les agresseurs”.

Fermé, ouvert, ou structuré ?

C'est ensuite viser la délinquance lors de sa première manifestation (primo-délinquance). La mesure de réparation en particulier, encadrée professionnellement et mise en œuvre sans délai, pourrait être une bonne réponse, si l'Etat dégageait les moyens nécessaires, ce qui n'est pas le cas non plus.

C'est revisiter le fonctionnement des foyers éducatifs, inventer des sessions éducatives obligatoires lors des vacances scolaires pour les primo- récidivistes. C'est enfin rattraper le programme d'ouverture des centres éducatifs renforcés  (CER), bêtement retardé. Après cinq années de fonctionnement, les CER ont atteint leur maturité et apportent la preuve de leur pertinence.

Alors, en bout de chaîne, faut-il des centres fermés ? On agite un spectre, et pourtant, des centres fermés, il y en a : ce sont les quartiers de mineurs dans les prisons, dont on sait combien ils sont inadaptés à l'accueil d'adolescents et à la préparation de leur retour à la vie. C'est là que nous devons agir : pour les remplacer par des centres fermés éducatifs distincts des établissements pénitentiaires. Ce sera pour le plus grand bien des mineurs emprisonnés. Et cela nous donnera des éléments objectifs d'analyse de performance.

Faut-il s'inspirer du modèle italien, ou du modèle québécois, ou d'un autre ? La discussion peut alors être ouverte, dans la sérénité, dès lors qu'il est bien établi que l'enfermement ne peut être prononcé que par un tribunal, selon le dispositif pénal applicable aux mineurs.

C'est sur ce point qu'il faut exercer notre vigilance. Sans tabou et sans compromission. »

Jean-Jacques Andrieux Directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence  (Unasea)  : 118, rue du Château-des-Rentiers - 75013 Paris  -Tél. 01 45 83 50 60.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2257 du 5-04-02 et n° 2258 du 12-04-02.

TRIBUNE LIBRE

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