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LA RÉFORME DE L'AUTORITÉ PARENTALE

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Renforcer la coparentalité et le droit pour l'enfant d'être élevé par ses deux parents et harmoniser les conditions d'exercice de l'autorité parentale, quelle que soit la situation matrimoniale des parents. Tels sont les objectifs de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

(Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, J.O. du 5-03-02)

«  Ce monument législatif représente une mutation du droit de la famille. Il prend en compte tant l'évolution des modes de vie que les comportements, il accompagne cette évolution, et affirme les droits et les devoirs des parents, mais aussi le droit de l'enfant à être élevé par chacun de ses deux parents. Enfin, il met en place des nouvelles procédures, notamment la médiation familiale, plaçant ainsi la France à l'avant-garde des pays européens » (J.O.A.N. n° 19 du 22-02-02). C'est en ces termes que Ségolène Royal s'est félicitée de l'adoption de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, issue d'une proposition de loi socialiste de Jean-Marc Ayrault. Un texte qui intervient dans la continuité de la réforme des droits du conjoint survivant (1) et du nom de famille (2) et puise son inspiration dans de nombreux rapports, en particulier ceux d'Irène Théry (3) et de la commission Dekeuwer-Defossez (4). Il poursuit également l'évolution vers plus d'égalité entre les enfants légitimes et naturels engagée par les lois du 22 juillet 1987 et du 8 janvier 1993.

Il est vrai que les données chiffrées appelaient à franchir une nouvelle étape. Chaque année, 300 000 enfants naissent hors mariage, soit 40 % du total des naissances, contre 6 % il y a 30 ans. Près de 120 000 divorces sont prononcés annuellement pour 280 000 mariages environ et deux couples sur trois, en instance de divorce, ont des enfants impliqués dans la procédure.

C'est donc pour tenir compte de ces nouveaux éléments que la loi redéfinit, en premier lieu, l'autorité parentale et affirme un régime commun pour toutes les familles, quels que soient l'histoire du couple et son statut juridique. « Autrement dit, tous les enfants, que leurs parents soient ensemble, séparés, divorcés, mariés, pacsés ou en union libre, tous sont désormais à égalité de droits », explique la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (J.O.A.N. n° 19 du 22-02-02).

Par ailleurs, la loi poursuit cette « égalité de droits » par rapport au fait d'être élevé par son père et par sa mère. Ce, notamment avec l'inscription dans le code civil de la résidence alternée et le développement de la médiation familiale. La loi entoure également l'exercice de l'autorité parentale de certaines garanties.

La filiation est aussi au cœur de la loi avec la reconnaissance solennelle de l'enfant naturel par les deux parents devant l'officier d'état civil. Est ainsi instauré « un nouveau rite dans la constitution de la famille, à un moment où plus de 55% des enfants de rang 1 naissent hors mariage » (J.O.A.N. n° 19 du 22-02-02).

Pour accompagner la mise en œuvre concrète de la coparentalité, la loi prévoit enfin la simplification du régime fiscal des pensions alimentaires pour les parents divorcés et des mesures en matière de sécurité sociale. Cette dernière mesure nécessite toutefois un décret d'application.

Plan du dossier

I - La définition de l'autorité parentale

A - L'intérêt de l'enfant

B - Le contenu de l'autorité parentale

II - Les modalités d'exercice de l'autorité parentale

A - La dévolution de l'autorité parentale

B - L'exercice de l'autorité parentale par des parents séparés

C - Les garanties de l'exercice de l'autorité parentale

III - La délégation de l'autorité parentale

A - Les conditions de la délégation

B - La fin de la délégation

IV - L'intervention de tiers

A - Le droit d'entretenir des relations avec sa parenté et des tiers

B - La possibilité de confier l'enfant à un tiers

La loi est entrée en vigueur le 7 mars (il n'est pas renvoyé à des décrets d'application). Ses dispositions relatives à l'autorité parentale et à la filiation sont en outre applicables aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision devenue définitive (art. 11, I de la loi).

A noter : la loi relative à l'autorité parentale comprend également des dispositions sur la protection des enfants portant sur la prostitution des mineurs, sur l'institution d'un administrateur a d hoc pour les mineurs isolés et sur la lutte contre les enlèvements internationaux d'enfants par un parent. Nous y reviendrons dans un prochain dossier.

I - LA DéFINITION DE L'AUTORITé PARENTALE (art. 2 de la loi)

La loi du 4 mars 2002 reprend, dans un nouvel article 371-1 du code civil, l'essentiel de la définition de l'autorité parentale qui figurait à l'article 371-2 du même code, en la complétant afin de donner une place plus importante à l'enfant.

A - L'intérêt de l'enfant

La loi du 4 mars 2002 rappelle que l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour « finalité l'intérêt de l'enfant » (code civil [C. civ.], art. 371-1, al. 1, nouveau). Bien que la doctrine considère depuis toujours que cette notion est la pierre angulaire de l'autorité parentale, elle était jusqu'à présent absente de sa définition.

Outre cet article de portée générale, la loi insère, notamment, une référence à l'intérêt de l'enfant dans les dispositions relatives à l'homologation des accords parentaux (C. civ., art. 373-2-7 nouveau), à la décision du juge aux affaires familiales confiant l'enfant à un tiers (C. civ., art. 373-3 modifié) ou se prononçant sur un désaccord sur un changement de résidence des parents séparés (C. civ., art. 373-2 nouveau).

Ces différents ajouts visent à répondre aux exigences de la Convention internationale des droits de l'enfant, dont l'article 18 dispose que « la responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant. »

Dans le même esprit, la loi du 4 mars 2002 dispose que les parents doivent associer l'enfant aux décisions qui le concernent, en fonction de son âge et de son degré de maturité (C. civ., art. 371-1, al. 3, nouveau). Cette disposition s'inspire, elle aussi, directement de l'article 12 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui oblige les Etats parties à garantir « à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Elle est également à rapprocher de l'article 388-1 du code civil qui prévoit que le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge dans toute procédure le concernant.

B - Le contenu de l'autorité parentale

L'autorité parentale appartient aux père et mère. Comme antérieurement, elle s'exerce uniquement jusqu'à la majorité de l'enfant ou son émancipation (C. civ., art. 371-1, al. 2, nouveau).

S'agissant des attributs de l'autorité parentale, en tant que tels, la loi du 4 mars 2002 reprend partiellement les dispositions de l'ancien article 371-2. Ce dernier précisait que les parents ont, à l'égard de l'enfant, autorité pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité ainsi que droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. La garde étant définie comme le droit de fixer la résidence de l'enfant, la surveillance comme la possibilité de contrôler ses allées et venues, sa correspondance et ses relations avec les personnes autres que ses parents. Et le droit et le devoir d'éducation recouvrait l'obligation scolaire et l'éducation professionnelle, religieuse ou politique.

Avec le nouvel article 371-1 du code civil, l'autorité parentale est désormais définie comme le fait de « protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité » l'enfant, d' « assurer son éducation » et de « permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Ainsi, la loi ne mentionne plus le concept de garde et de surveillance, ce dernier se rattachant toutefois à l'idée de protection inscrite dans la loi.

II - LES MODALITéS D'EXERCICE DE L'AUTORITé PARENTALE (art.5)

Les dispositions relatives à l'autorité parentale figuraient jusqu'à présent dans deux titres distincts du code civil : l'un relatif à l'autorité parentale rassemblait tous les articles de portée générale concernant l'autorité parentale relativement à la personne et aux biens de l'enfant, l'autre, intitulé « des conséquences du divorce pour les enfants », regroupait les dispositions relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale en cas de divorce, également applicables en cas de séparation de parents non mariés.

La loi du 4 mars 2002 instaure un droit commun de l'autorité parentale en regroupant au sein d'un chapitre unique du code civil l'ensemble des règles relatives à l'exercice de l'autorité parentale. En conséquence, la loi abroge les articles 287 à 295 du code civil qui figuraient dans le chapitre sur les conséquences du divorce pour les enfants. Ce nouveau dispositif s'applique à tous les enfants quelles que soient les circonstances de la naissance et à tous les parents quel que soit leur statut de couple.

A - La dévolution de l'autorité parentale

1 - LE PRINCIPE DE L'EXERCICE EN COMMUN DE L'AUTORITÉ PARENTALE

La loi du 4 mars 2002 pose le principe selon lequel « les parents exercent en commun l'autorité parentale », quelle que soit leur situation juridique (C. civ, art. 372, al. 1, nouveau). C'est-à-dire qu'ils soient mariés ou non, ou encore divorcés. La loi rattache l'exercice de l'autorité parentale à l'établissement d'un lien de filiation.

Pour mémoire, bien que les réformes de 1987 et de 1993 aient considérablement réduit les différences entre les enfants légitimes et naturels, les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale différaient selon la situation matrimoniale des parents. Ainsi, pour les parents mariés, l'autorité parentale était déjà exercée de plein droit en commun. Elle pouvait également l'être pour les parents d'enfants naturels, mais à deux conditions : l'enfant devait avoir été reconnu par ses deux parents avant l'âge de un an, que la reconnaissance soit conjointe ou non ; les parents devaient vivre en commun lors de la reconnaissance concomitante ou de la seconde reconnaissance. A défaut, l'autorité parentale était exercée par la mère. Les parents pouvaient néanmoins exercer en commun l'autorité parentale s'ils en faisaient la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales.

Ces dispositions soulevaient de nombreuses difficultés, tenant essentiellement à la preuve de la condition de vie commune. C'est pourquoi la loi supprime cette exigence. Désormais, les parents non mariés exercent en commun l'autorité parentale à partir du moment où ils ont tous deux reconnus l'enfant, ensemble ou séparément, dans la première année de sa naissance, sans autre condition.

La loi étend, par ailleurs, expressément, aux enfants nés avant le 7 mars 2002, l'article 372 du code civil, alinéa premier, selon lequel les père et mère exercent en commun l'autorité parentale (art. 11, II de la loi). Sous réserve toutefois que les enfants concernés aient été reconnus par leurs père et mère dans l'année de leur naissance. Autrement dit, tous les pères et mères qui, antérieurement au 7 mars 2002, auront reconnu leur enfant dans l'année de sa naissance, exerceront désormais en commun l'autorité parentale sur cet enfant, même s'ils ne cohabitaient pas au moment de la seconde reconnaissance.

Objectif de cette mesure : aller dans le sens d'une meilleure coparentalité et apporter une simplification dans l'administration de la preuve de l'exercice de l'autorité parentale.

2 - L'EXERCICE DE L'AUTORITÉ PARENTALE PAR UN PARENT SEUL

Cette règle de l'exercice en commun de l'autorité parentale, dès l'établissement de la filiation, souffre d'exceptions lorsque la filiation est établie plus d'un an après la naissance de l'enfant ou par un jugement (C. civ., art. 372, al. 2, nouveau). Toutefois, même dans ces cas, l'autorité parentale pourra être exercée en commun, selon les procédures actuelles : déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, décision du juge aux affaires familiales (C. civ., art. 372, al. 3, nouveau).

Autre cas : si l'un des père ou mère décède ou est privé de l'exercice de l'autorité parentale, l'autre exerce seul cette autorité (C. civ., art. 373-1 nouveau).

Adoption simple de l'enfant du conjoint (art.5)

La loi assouplit les modalités de dévolution de l'autorité parentale en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint (C. civ. art. 365, al. 1, modifié) .

Dans ce cas, le conjoint conserve seul l'exercice de l'autorité parentale mais, désormais, l'adoptant aura la possibilité d'exercer l'autorité parentale en commun avec le conjoint en faisant une déclaration commune devant le greffier en chef du tribunal de grande instance. Auparavant, l'adoptant simple avait l'autorité parentale concurremment avec son conjoint mais celui-ci en conservait l'exercice.

a - La filiation établie plus d'un an après la naissance

Lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, ce dernier reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale (C. civ., art. 372, al. 2, nouveau).

Justification de cette mesure : un établissement tardif du lien de filiation traduit, selon le législateur, un intérêt limité du parent envers son enfant. Pour la commission Dekeuwer-Defossez, qui s'est prononcée en faveur du maintien du délai de un an, « un exercice automatique de l'autorité parentale par un père qui aurait reconnu l'enfant plusieurs années après la naissance, parfois même sans que la mère en soit avertie, aurait risqué de bouleverser l'équilibre familial, voire, a-t-on dit, d'exposer l'enfant à des risques d'enlèvement » (Rap. A.N. n° 3117, juin 2001, Dolez).

Toujours selon les travaux préparatoires, le nombre d'enfants concernés par cette disposition devrait être faible. D'après une étude de l'INED publiée en 1999, 85, 4 % des enfants nés hors mariage ont été reconnus par leur père avant l'âge de un an, pour une proportion finale d'enfants reconnus de 92 % (Rap. A.N. n° 3117, juin 2001, Dolez).

b - L'établissement du lien de filiation par un jugement

La même règle est applicable lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant, l'autorité parentale restant exercée par le premier parent (C. civ., art. 372, al. 2, nouveau).

En effet, lorsque la filiation est établie contre la volonté de la mère ou - le plus souvent -du père de l'enfant, il semble assez logique de ne pas lui attribuer automatiquement l'exercice de l'autorité parentale, qui suppose une volonté d'assumer les fonctions parentales. Là encore, le nombre d'enfant concernés devrait être limité.

c - Le décès de l'un des parents ou la privation de l'autorité parentale

Sans changement, si l'un des père ou mère décède ou est privé de l'exercice de l'autorité parentale (voir encadré, ci-contre), l'autre exerce seul cette autorité (C. civ., art. 373-1 modifié).

B - L'exercice de l'autorité parentale des parents séparés (art. 6)

1 - L'AFFIRMATION DU PRINCIPE DE COPARENTALITÉ

La loi du 4 mars 2002 rappelle que la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale (C. civ., art. 373-2 nouveau). Et transpose, ainsi, le principe selon lequel le couple parental doit survivre au couple conjugal.

a - Le maintien des relations personnelles avec l'enfant

Chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter ses liens avec l'autre parent. Cette règle s'impose non seulement au parent avec lequel réside l'enfant, lequel doit respecter les droits de l'autre parent, mais aussi au parent qui ne vit pas avec l'enfant ou qui n'exerce pas l'autorité parentale. Ainsi, la loi répond aux exigences de la Convention internationale des droits de l'enfant, dont l'article 9 indique que « les Etats parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'entre eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt de l'enfant ».

b - L'hypothèse d'un déménagement

La loi du 4 mars 2002 décline ensuite ce principe lors d'un déménagement. Ainsi, elle rend obligatoire l'information préalable et « en temps utile » de l'autre parent en cas de changement de résidence, dès lors qu'il est susceptible de modifier les modalités d'exercice de l'autorité parentale. L'idée est d'éviter que l'information ne soit délivrée dans un temps si court que toute saisine du juge se révèle matériellement impossible. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue en fonction de l'intérêt de l'enfant.

Il est enfin prévu que le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

A noter : cette obligation ne fait pas directement l'objet de sanction pénale. « Il n'apparaît [en effet] pas souhaitable de sanctionner pénalement outre mesure le droit de la famille », explique dans son rapport Laurent Béteille (Rap. Sén. n° 71, novembre 2001). Sans interdire à un parent de déménager, l'idée est néanmoins de sanctionner les coups de force de l'un des parents. Concrètement, l'inexécution de cette obligation d'information sera donc, en cas de litige, susceptible d'être sanctionnée par le juge, celui-ci pouvant par exemple fixer la résidence chez l'autre parent.

La privation de l'exercice de l'autorité parentale (art. 5)

La loi du 4 mars 2002 modifie l'article 373 du code civil, qui énumère les cas de perte automatique de l'exercice de l'autorité parentale. Ainsi, désormais, seul le père ou la mère qui est hors d'état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause, est automatiquement privé de l'exercice de l'autorité parentale.

Pour mémoire, auparavant, quatre cas de perte automatique de l'autorité parentale étaient prévus :l'impossibilité pour le parent de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence, de son éloignement ou de tout autre cause ; la délégation de l'autorité parentale ; la condamnation pour abandon de famille pendant une durée de 6 mois après que le parent a recommencé à exercer ses obligations ; le retrait total ou partiel de l'autorité parentale prononcé par un juge.

Ainsi, la loi supprime la privation de l'autorité parentale :

 en cas de délégation ou de r etrait à la suite d'un jugement ;

 après une condamnation pour abandon de famille, estimant que cette mesure qui institue « une peine complémentaire automatique qui ne sera pas forcément adaptée » va à l'encontre des buts poursuivis par le texte, à savoir favoriser la coparentalité (Rap. Sén. n° 71, novembre 2001, Béteille)  ;

 en cas d'impossibilité pour le parent de manifester sa volonté en raison de son éloignement. « Compte tenu des moyens de communication modernes, l'éloignement ne peut en effet plus être un cas automatique de perte de l'exercice de l'autorité parentale » (Rap. Sén. n° 71, novembre 2001, Béteille) .

2 - L'EXERCICE UNILATÉRAL DE L'AUTORITÉ PARENTALE PAR EXCEPTION

Reprenant en partie les dispositions antérieures du code civil (art. 287 et 288 abrogés), la loi dispose que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents (C. civ., art. 373-2-1 nouveau).

Dans ce cas, l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves. Ce parent conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. Et doit respecter l'obligation d'entretien et d'éducation qui lui incombe en vertu de l'article 371-2 (voir encadré).

C - Les garanties de l'exercice de l'autorité parentale (art. 5)

La loi du 4 mars 2002 entoure l'exercice de l'autorité parentale de garanties. Transposant un principe énoncé à l'article 247 du code civil, elle rappelle que c'est au juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales - le juge aux affaires familiales - de régler les questions qui lui sont soumises en relation avec l'autorité parentale « en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs » (C. civ., art. 373-2-6 nouveau).

1 - LE RÔLE DU JUGE

Pour ce faire, le magistrat peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents (C. civ. art. 373-2-6 nouveau). Pour Ségolène Royal, l'ambition est « de dissuader le parent cherchant à écarter l'autre parent de leur enfant, et ce par divers moyens. La sortie du territoire en est un, mais il en existe bien d'autres : déménager à l'autre bout du pays, mal organiser les rencontres, ou faire obstruction, de bien des façons, au maintien d'un lien serein avec l'autre parent. » « Cela lui permettra de prévenir les enlèvements et les non-représentations d'enfants. De plus, si le juge peut empêcher un certain nombre de manœuvres, il peut [également] prendre des mesures positives pour contraindre les parents à maintenir le lien. Ces mesures sont par exemple l'organisation des rencontres dans un lieu neutre pour restaurer les liens après une rupture prolongée - cela se fait de plus en plus -, l'organisation des conduites de l'enfant d'un parent à l'autre, l'intervention d'un tiers pour garantir le bon déroulement de ces conduites, l'astreinte pour vaincre la résistance d'un parent qui s'oppose aux relations de son enfant avec l'autre parent » (J.O.A.N. [C.R.] n° 90 du 12-12-01).

Il peut également ordonner l'inscription sur le passeport des parents de l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents (5).

2 - L'OBJET DE LA SAISINE DU JUGE

a - Homologuer les accords parentaux

Selon la loi du 4 mars, les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales pour faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d'exercice de l'autorité parentale et fixent les règles de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant (C. civ., art. 373-2-7 nouveau). Par ce biais, la loi cherche donc à faire des accords parentaux homologués le principal mode de règlement des conflits. Jusque-là, de tels accords étaient autorisés, mais peu valorisés par le législateur : obligatoires en cas de divorce sur requête conjointe, ils figuraient simplement parmi les éléments que le juge devait prendre en considération, dans les autres cas. « L'idée est de responsabiliser les parents en leur permettant de prendre en main les conséquences de leur séparation, avec à l'esprit que des solutions élaborées en commun sont mieux respectées, mieux assumées, que des décisions imposées de l'extérieur » (Rap. A.N. n° 3117, juin 2001, Dolez).

La loi légitime donc l'utilisation de ces accords en toute circonstance, et pas seulement en cas de divorce, tout en les encadrant. Leur première limite réside dans l'intérêt de l'enfant  : le juge n'homologue pas la convention s'il constate qu'elle ne préserve par suffisamment l'intérêt de l'enfant. Autre réserve : il en est de même s'il voit que le consentement des parents n'a pas été donné librement. Il s'agit ici de prendre en compte la pression d'un parent sur l'autre.

b - Fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale

Comme auparavant (C. civ., art. 290 abrogé), le juge peut être saisi par l'un des parents afin de statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant (C. civ., art. 373-2-8 nouveau ).

Il peut également l'être par le ministère public, ce dernier pouvant être lui-même sollicité par un tiers, parent ou non. Cette saisine par le ministère public permet de prendre en compte les situations dans lesquelles un enfant a été confié à un tiers ou le cas de carence des parents.

En revanche, la possibilité de saisine directe du juge par les membres de la famille disparaît, les parlementaire ayant estimé que ceux-ci ne devaient pas interférer directement dans les conflits entre les parents. En pratique, ce cas de figure se présentait apparemment rarement. Les membres de la famille devront donc désormais passer par l'intermédiaire du ministère public. Lequel jouera un rôle de filtre, comme il le fait déjà à l'heure actuelle pour les tiers.

3 - LES OUTILS À LA DISPOSITION DU JUGE

Outre le fait que le magistrat peut prendre les mesures permettant de garantir les liens de l'enfant avec chacun de ses parents, il a également la possibilité de fixer la résidence de l'enfant et de recourir à la médiation familiale.

a - La fixation de la résidence de l'enfant

Lorsque les parents s'entendent dans le cadre d'une convention ou lorsque le juge statue à la suite d'un désaccord, la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux (C. civ., art. 373-2-9 nouveau).

A la demande de l'un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l'enfant, le juge peut ordonner, à titre provisoire, une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l'enfant.

Signalons qu'après avoir voulu limiter dans le temps cette résidence provisoire à 6 mois, le législateur y a finalement renoncé laissant le soin au juge d'en déterminer la durée et de « l'adapter à l'âge de l'enfant et aux circonstances familiales, en évitant de s'engager dans des procédures trop contraignantes » (J.O.A.N. n° 18 du 15-02-02).

Ainsi, est explicitement introduit dans la loi le principe de la résidence alternée. Auparavant, en effet, les articles 287 et 374 - qui sont abrogés - se référaient au parent chez lequel l'enfant a sa « résidence habituelle ». Même si la résidence alternée n'était pas formellement exclue par ces textes, les juges se montraient relativement réticents à accepter un tel mode d'exercice de l'autorité parentale.

La loi n'impose pas un partage strict de la résidence de l'enfant entre les deux parents, mais permet des formules souples correspondant aux actuels « droits de visite » élargis. Pour Ségolène Royal, «  la résidence alternée n'a pas de conséquences arithmétiques : si des parents optent [...] pour la résidence alternée et décident que l'un sera chargé de l'éducation dans la semaine et l'autre en fin de semaine, il n'y a pas de parent principal et de parent secondaire » (J.O.A.N. n° 44 du 15-06-01).

b - La médiation familiale

En cas de désaccord, le juge s'efforce de concilier les parties. Afin de faciliter la recherche par les parents d'un exercice consensuel de l'autorité parentale, il peut leur proposer une mesure de médiation, et après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder (C. civ., art. 373-2-10 nouveau).

S'appuyant sur les propositions formulées par Irène Théry et par la commission Dekeuwer-Defossez, la loi du 4 mars fait donc de la médiation une solution complémentaire à l'intervention du juge.

Après des hésitations, les parlementaires n'ont pas inscrit l'obligation pour le législateur de créer un diplôme de médiateur dans les 2 ans de la promulgation de la loi. Mais les travaux du Conseil national de la médiation familiale, mis en place à la suite du rapport Sassier, sont déjà bien avancés (6).

Une mesure de médiation

Le juge peut proposer aux parents une mesure de médiation, dont l'objectif est précisé : « Faciliter la recherche par les parents d'un exercice consensuel de l'autorité parentale. » Cette consécration de la médiation concerne toutefois uniquement les aspects du contentieux familial touchant aux modalités d'exercice de l'autorité parentale. Afin de respecter la nature même de la médiation, qui suppose l'accord des parties, le juge dispose d'un simple pouvoir de proposition.

Justification de cette consécration : la médiation paraît adaptée aux conflits familiaux, notamment lorsqu'ils ont trait à l'exercice de l'autorité parentale. Elle permet de restaurer le dialogue dans le couple et d'aboutir à un accord qui, négocié et accepté par les deux parents, sera mieux respecté qu'une décision imposée par le juge.

Le législateur a finalement renoncé à interdire le recours à la médiation familiale en cas de violences au sein de la famille, à la demande des sénateurs. Ces derniers ont, en effet, estimé que même dans ce cas, une médiation serait éventuellement possible. Il appartiendra donc au juge de prendre la décision de proposer ou non une médiation.

Une séance d'information sur la médiation

Le juge peut, en outre, enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de cette mesure.

Toutefois, aucune sanction n'est attachée, par la loi, à cette obligation. Il reviendra au juge de reconvoquer les parties s'il le souhaite.

La contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant  (art. 3,6 et 18)

La loi du 4 mars 2002 affirme, de manière générale, que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant » (C. civ., art. 371-2 nouveau) .Jusque-là, cette obligation n'était explicitement prévue que dans le cadre de la famille légitime à l'article 203. Toutefois, la jurisprudence l'avait étendue aux parents d'enfants naturels.

La loi énonce ensuite que « cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ». Elle s'inscrit, là encore, dans la continuité de la jurisprudence qui énonce que cette obligation ne s'interrompt pas à la majorité de l'enfant et assigne aux parents le devoir de continuer à poursuivre le financement des études de leurs enfants, en proportion de leurs moyens. Les juridictions vérifiant souvent le caractère sérieux des études poursuivies et les possibilités réelles qu'elles offrent de procurer effectivement une profession à l'enfant.

La pension alimentaire (art. 6)

En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié (C. civ., art. 373-2-2 nouveau) . La loi reprend ainsi en le modifiant le contenu de l'article 293 du code civil qui est abrogé.

Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée des parents ou, à défaut, par le juge.

Pour faciliter les relations au quotidien, la loi du 4 mars prévoit que cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant. Elle peut également être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation.

La loi fixe ensuite les modalités de conversion de cette pension, reprenant le contenu des articles 294 et 294-1 du code civil. Ainsi, comme avant, lorsque la consistance des biens du débiteur s'y prête, la pension alimentaire peut être remplacée, en tout ou partie, sous les modalités et garanties prévues par la convention homologuée ou par le juge, par le versement d'une somme d'argent entre les mains d'un organisme accrédité chargé d'accorder en contrepartie à l'enfant une rente indexée, l'abandon de biens en usufruit ou l'affectation de biens productifs de revenus (C. civ., art. 373-2-3 nouveau) . L'attribution d'un complément, notamment sous forme de pension alimentaire, peut, s'il y a lieu, être demandée ultérieurement (C. civ., art. 373-2-4 nouveau) .

S'agissant de la pension pour un enfant majeur, la loi reprend le contenu de l'article 295 du code civil (C. civ., art. 373-2-5 nouveau) . Ainsi, le parent qui assume, à titre principal, la charge d'un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins, peut demander à l'autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation. Désormais, le juge peut aussi décider ou les parents convenir que cette contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l'enfant.

La déductibilité des pensions alimentaires (art. 18)

En vue de faciliter le quotidien des couples séparés, la loi du 4 mars 2002 permet de déduire du revenu imposable les pensions alimentaires versées en cas de séparation de corps ou de divorce, même en l'absence de décision judiciaire (code général des impôts, art. 156 , II, 2°, modifié) .

Jusque-là, les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice pouvaient être déduites en cas de séparation de corps ou de divorce ou, en cas d'instance en séparation de corps ou en divorce, lorsque le conjoint faisait l'objet d'une imposition séparée.

La loi cherche, à la demande du gouvernement, à simplifier ces règles de déductibilité, afin de limiter le contentieux en la matière. Chaque année, en effet, près de 40 000 procédures d'après divorce ne portent que sur la question de la révision des pensions alimentaires, un avocat intervenant au titre de l'aide juridictionnelle dans 40 % des cas.

Autre justification : cette disposition s'inscrit bien dans le cadre de cette loi qui « uniformise le droit de l'autorité parentale quel que soit le statut juridique du couple » (Rap. A.N. n° 3435, décembre 2001, Dolez) et applique aux couples divorcés les mêmes règles que celles relatives aux couples non mariés qui se séparent. Lesquels peuvent, par simple déclaration, déduire de leurs revenus les pensions alimentaires.

La loi prévoit donc désormais que la déductibilité s'applique également, en cas de révision amiable des pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, aux montants effectivement versés après révision, sans qu'il soit pour cela nécessaire d'obtenir une nouvelle décision judiciaire.

4 - LES CRITÈRES DE DÉCISION DU JUGE

Lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend en considération un certain nombre d'éléments énumérés par la loi de manière non exhaustive (C. civ., art. 373-2-11 nouveau). Certains figuraient déjà dans d'autres articles du code civil (C. civ., art. 290 et art. 372-1-1 abrogés).

Ainsi, le juge prend notamment en considération :

 les accords conclus par les parents antérieurement, mais aussi la pratique précédemment suivie par eux ;

 les sentiments exprimés par l'enfant mineur lorsque celui-ci est entendu en vertu de l'article 388-1 du code civil. Rappelons que cette disposition prévoit l'audition du mineur capable de discernement dans toute procédure le concernant. Cette audition ne peut être refusée que par une décision spécialement motivée lorsque c'est le mineur qui en fait la demande ;

 l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre. L'utilisation de ce critère lors de la détermination de la résidence de l'enfant vise à limiter les conflits liés à l'entrave à l'exercice du « droit de visite » de l'autre parent ;

 le résultat des expertises éventuellement effectuées, prenant en considération notamment l'âge de l'enfant ;

 les renseignements recueillis dans le cadre des éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales que le juge peut ordonner, avant toute décision fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers. La loi du 4 mars 2002 modifie l'objectif de l'enquête. Elle a désormais pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille - et non plus sur la « situation matérielle et morale » de la famille, concepts jugés désuets - et sur les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants. Elle n'aura plus pour but de recueillir également des renseignements sur les mesures qu'il y a lieu de prendre dans l'intérêt des enfants. Explications : c'est au juge d'apprécier les mesures à prendre, à partir des renseignements fournis par l'enquête sociale, et non à l'enquêteur lui-même de déterminer ces mesures (Rap. A.N. n° 3435, décembre 2001, Dolez).

Si l'un des parents conteste les conclusions de l'enquête sociale, il peut demander une contre-enquête, que le juge devra également prendre en considération. En tout état de cause, l'enquête sociale ne peut être utilisée dans le débat sur la cause du divorce.

Cette liste n'étant pas limitative, le juge peut prendre en compte, par exemple, la proximité géographique des parents en cas de résidence alternée.

5 - APRÈS LA DÉCISION DU JUGE

Les dispositions contenues dans la convention homologuée ainsi que les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande d'un parent ou du ministère public, qui peut être lui-même saisi par un tiers, parent ou non (C. civ., art. 373-2-13 nouveau).

III - LA DéLéGATION DE L'AUTORITé PARENTALE (art. 7)

Prenant en compte la place grandissante des tiers (grands-parents, beaux-parents) aux côtés des parents, la loi du 4 mars modifie profondément les conditions et les effets de la délégation de l'autorité parentale, afin de faciliter le recours à cette procédure.

Introduite par la loi du 24 juillet 1889, la délégation de l'autorité parentale consiste en une renonciation expresse ou tacite des parents à exercer leurs fonctions, qui doit être validée par une décision de justice. Elle constitue une dérogation au principe de l'indisponibilité de l'autorité parentale posée par l'article 376 du code civil.

La délégation, qui résulte d'un jugement rendu par le juge aux affaires familiales, peut être totale ou partielle. Même totale, elle ne peut conduire à consentir à l'adoption, qui ne se délègue pas (C. civ., art. 377-3 inchangé).

En cas de difficultés, le juge aux affaires familiales pourra être saisi par les parents, l'un d'eux, le tiers délégataire ou le ministère public. Le juge se prononcera alors conformément à l'article 373-2-11 du code civil. Ainsi, sa décision devra notamment tenir compte de la pratique antérieurement suivie, des sentiments de l'enfant, de la capacité des parties à respecter les droits de l'autre et des renseignements recueillis lors de l'enquête sociale (C. civ., art. 377-1, al. 3, nouveau).

Le rattachement des enfants à la sécurité sociale des deux parents (art. 12)

La loi prévoit, par dérogation à toutes dispositions contraires, que les enfants de parents tous deux assurés d'un régime d'assurance maladie et maternité peuvent être rattachés en qualité d'ayant droit à chacun des deux parents. Il introduit à cet effet un nouvel article L. 161-15-3 dans le code de la sécurité sociale. Les modalités d'application de ce texte seront déterminées par décret en Conseil d'Etat. A l'heure actuelle, un enfant ne peut être l'ayant droit que d'un seul parent. En cas de séparation des parents, celui auquel l'enfant n'est pas rattaché qui engage des dépenses de santé au bénéfice de l'enfant doit se faire rembourser par l'autre, ce qui crée des complications, voire de véritables difficultés. Cette disposition n'en sera pas pour autant réservée aux parents séparés ou divorcés. Tous les parents pourront ainsi bénéficier de cette simplification, préconisée par Ségolène Royal à diverses reprises sur la base des propositions du rapport Yahiel (7).

A - Les conditions de la délégation

La délégation de l'autorité parentale peut être volontaire ou forcée.

1 - LA DÉLÉGATION VOLONTAIRE

La délégation est volontaire lorsqu'elle est consentie par les titulaires de l'autorité parentale (C. civ., art. 377, al. 1, nouveau). Lorsque l'enfant concerné fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative, la délégation ne peut intervenir qu'après avis du juge des enfants (C. civ., art. 377, al. 3, nouveau).

a - Les conditions de la délégation

La loi du 4 mars 2002 modifie les conditions de la délégation volontaire.

En premier lieu, elle sera désormais possible, quel que soit l'âge du mineur. Pour mémoire, elle ne concernait jusqu'à présent que les mineurs âgés de moins de 16 ans. Rappelons que, s'ils sont capables de discernement, ils peuvent demander à être auditionnés par le juge aux affaires familiales (C. civ., art. 388-1 inchangé).

En outre, elle pourra être prononcée, même en l'absence de remise du mineur à un tiers, à partir du moment où « les circonstances l'exigent ». Jusqu'alors, elle était en effet subordonnée à la remise de l'enfant à un tiers, choisi par les intéressés. Les parents pourront donc, tout en bénéficiant de l'aide de tiers, continuer à élever leurs enfants.

b - Les personnes pouvant demander la délégation

Seuls les père et mère pourront saisir le juge pour demander cette délégation de l'autorité parentale. Ils en feront la demande ensemble ou séparément selon qu'ils exercent ou non en commun l'autorité parentale. Quoi qu'il en soit, les deux parents doivent être appelés à l'instance (C. civ., art. 377, al. 3, nouveau). L'idée étant, selon Ségolène Royal, de « trouver un juste équilibre entre la nécessité, dans l'intérêt de l'enfant, de prononcer une délégation de l'autorité parentale et, chaque fois que cela est possible, l'exercice de cette responsabilité par les parents dès lors qu'ils pourront y être associés » (J.O.A.N. [C.R.]n° 44 du 15-06-01).

En revanche, désormais, le tuteur autorisé par le conseil de famille ne pourra plus requérir la délégation. Cette faculté, inscrite dans le dispositif antérieur et très peu appliquée, était contestée dans la mesure où elle permettait au tuteur de se décharger de ses responsabilités.

c - Les personnes susceptibles de recevoir délégation

La liste des personnes ou services susceptibles de recevoir cette délégation est légèrement modifiée. Il s'agit maintenant d'un membre de la famille, d'un proche digne de confiance ou d'un établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. Cette nouvelle rédaction cherche à permettre aux grands-parents ou aux beaux-parents d'exercer une partie des droits liés à l'autorité parentale. Le juge possède un contrôle sur le choix du tiers. Il peut refuser la délégation, s'il l'estime contraire à l'intérêt de l'enfant, mais ne peut substituer un autre délégataire à celui proposé par les parents, même s'il s'agit du service de l'aide sociale à l'enfance.

Le partage de l'autorité parentale pour les besoins d'éducation (art. 7, II)

Afin de prendre en compte l'évolution des familles dites recomposées, le juge peut désormais prévoir un partage de l'exercice de l'autorité parentale entre les parents ou l'un d'eux, d'un côté, et un tiers délégataire, de l'autre. Ainsi, à côté de la délégation en tant que telle, la loi esquisse le cadre juridique d'une autorité partagée (C. civ., art. 377-1, al. 2, nouveau) .

Plusieurs conditions sont toutefois posées. Ce partage sera uniquement possible « pour les besoins d'éducation de l'enfant », afin d'éviter un démembrement de l'autorité parentale selon la convenance des parents.

Il nécessite également l'accord du ou des deux parents lorsque ceux-ci exercent en commun l'autorité parentale. « Il serait, en effet, pour le moins paradoxal d'autoriser un partage de l'autorité parentale avec un tiers, qui peut être le beau-père, sans l'accord du père, alors même que l'un des objectifs de la réforme est d'assurer une véritable coparentalité en renforçant le rôle du père en cas de séparation » (Rap. A.N. n° 3117, juin 2001, Marc Dolez) .

Si cette procédure peut être utilisée au profit d'autres tiers, comme les grands- parents, elle concerne essentiellement les beaux-parents, qui pourront ainsi bénéficier d'un statut juridique au sein des familles recomposées.

Dans le cadre de ce partage, la présomption d'accord prévue par l'article 372-2 du code civil selon laquelle, à l'égard des tiers de bonne foi, le parent qui accomplit seul un acte usuel de l'autorité parentale est réputé agir avec l'accord de l'autre, est étendue au délégant et au délégataire. Rappelons que sont considérés comme des actes usuels ceux qui se conforment à une pratique antérieure (comme la réinscription dans un établissement scolaire) ou qui n'engagent pas l'avenir de l'enfant.

En cas de difficultés, le juge aux affaires familiales pourra être saisi par les parents, l'un d'eux, le tiers délégataire ou le ministère public. Le juge se prononcera alors conformément à l'article 373-2-11 du code civil. Ainsi, sa décision devra notamment tenir compte de la pratique antérieurement suivie, des sentiments de l'enfant, de la capacité des parties à respecter les droits de l'autre et des renseignements recueillis lors de l'enquête sociale (C. civ., art. 377-1, al. 3, nouveau) .

2 - LA DÉLÉGATION NON CONSENTIE

La procédure de délégation non consentie est également modifiée par la loi.

a - La délégation en cas de désintérêt manifeste des parents

En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer, totalement ou partiellement, l'exercice de l'autorité parentale (C. civ., art. 377, al. 2, nouveau).

Ainsi, la loi du 4 mars substitue à la notion de « désintérêt de l'enfant depuis plus d'un an », applicable jusque-là, celle de désintérêt manifeste, déjà utilisée dans le cadre de la procédure de déclaration judiciaire d'abandon organisée par l'article 350 du code civil. Cette condition de désintérêt pendant un an était rarement remplie, les parents conservant presque toujours des liens, au moins de manière épisodique, avec l'enfant.

Là encore, les deux parents devront être appelés à l'instance. En outre, lorsque l'enfant concerné fera l'objet d'une mesure d'assistance éducative, la délégation ne pourra intervenir qu'après avis du juge des enfants (C. civ., art. 377, al.3, nouveau).

b - La suppression de la délégation en cas d'enfant recueilli sans l'intervention des parents

Le législateur supprime, par ailleurs, la procédure de délégation forcée, prévue par l'article 377-1, mise en œuvre lorsqu'un tiers ou un service, qui a recueilli un mineur de moins de 16 ans, sans intervention des parents, en fait la demande. Dans ce cadre, le particulier ou l'établissement devait, après avoir recueilli l'enfant, en faire la déclaration auprès de l'autorité administrative du lieu. Il disposait pour cela d'un délai de 8 jours. L'autorité administrative devait ensuite informer, dans le mois suivant, les parents ou le tuteur de la situation. Les parents disposaient alors d'un délai de 3 mois pour reprendre l'enfant, délai à l'issue duquel ils étaient présumés renoncer à exercer leur autorité parentale. Le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui avait recueilli l'enfant pouvait alors présenter une demande de délégation totale ou partielle de l'autorité parentale. Quel que soit le requérant, le juge pouvait décider, dans l'intérêt de l'enfant, de confier la délégation de l'autorité parentale au service de l'aide sociale à l'enfance.

B - La fin de la délégation

La délégation n'est pas définitive, les parents pouvant, comme auparavant, demander au juge aux affaires familiales la restitution de leurs droits s'ils justifient de circonstances nouvelles (C. civ., art. 377-2 modifié). Lorsque le juge fait droit à leur demande, il met à leur charge le remboursement de tout ou partie des frais d'entretien, sauf s'ils sont indigents.

Jusqu'à présent, lorsque la demande de restitution avait été rejetée, elle ne pouvait être renouvelée qu'un an au plus tôt après que la décision de rejet était devenue irrévocable. La loi supprime cette interdiction.

La filiation

Harmonisation des droits des enfants légitimes, naturels et adultérins (art. 9 et 10)

Prolongeant la loi relative aux droits du conjoint survivant (8) qui a abrogé les discriminations successorales applicables aux enfants adultérins, la loi du 4 mars 2002 supprime toutes les distinctions existant encore entre les enfants en fonction du statut matrimonial de leurs parents.

Ainsi, elle insère dans la partie du code civil consacrée à la filiation un nouvel article 310-1 qui pose le principe de l'égalité entre tous les enfants dont la filiation est légalement établie. « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux. »

Cette rédaction s'inspire de l'article 334, désormais supprimé, qui disposait que l'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère et qu'il entre dans la famille de son auteur.

Ce nouvel article permet de tirer les conséquences de l'abrogation des dispositions discriminatoires à l'encontre des enfants adultérins en matière successorale, qui figure dans la loi relative au conjoint survivant :désormais, tous les enfants bénéficieront des mêmes droits, quelle que soit la situation juridique de leurs parents au moment de leur naissance.

Cette égalité concerne, cependant, uniquement ceux des enfants dont la filiation est légalement établie. Sont donc écartés les enfants incestueux, dont la filiation à l'égard des deux géniteurs ne peut être légalement établie.

En outre, la loi cherche à supprimer toute référence à l'enfant « légitime » dans le code civil (C. civ., art. 358 modifié, art. 365, al. 2 et 3 modifié, art. 368 modifié, art. 1072 modifié, art. 402 modifié) .

La reconnaissance solennelle de l'enfant (art. 10, III)

A l'initiative du gouvernement, la loi du 4 mars prévoit de porter à la connaissance des parents ou futurs parents certaines dispositions relatives à l'autorité parentale lors de la reconnaissance d'un enfant et lors du mariage.

Elle modifie en conséquence l'article 62 du code civil pour prévoir la lecture au parent, lors de la reconnaissance d'un enfant, de l'article 371-1 donnant la définition de l'autorité parentale et de l'article 371-2 relatif à la contribution des parents à l'entretien et à l'éducation des enfants.

Pour la ministre déléguée à la famille, l'idée est d' « instituer les parents ou les futurs parents dans leur rôle et de conforter la fonction parentale » (J.O.A.N. [C.R.] n° 44 du 15-06-01) .

Pour mémoire, cet article 62 se bornait à énoncer les mentions qui doivent figurer sur l'acte de reconnaissance d'un enfant naturel. La modification proposée n'implique pas en elle-même une solennité particulière de l'acte qui devrait être accompli au guichet d'un service d'état civil.

La loi modifie parallèlement l'article 75 du code civil afin de prévoir que, lors de la cérémonie du mariage, il sera fait lecture aux futurs époux de l'article 371-1 relatif à l'autorité parentale.

La lecture de cette disposition s'ajoutera donc à celle des articles 212 (devoirs mutuels des époux), 213 (direction morale et matérielle de la famille et éducation des enfants), 214 (contribution aux charges du mariage) et 215 (communauté de vie).

IV - L'INTERVENTION DE TIERS

En vue de replacer l'enfant au centre du dispositif, la loi du 4 mars 2002 élargit les possibilités de relations de l'enfant avec sa parenté et d'une manière générale avec des tiers.

En revanche, elle encadre plus strictement la faculté de confier l'enfant à des tiers.

A - Le droit d'entretenir des relations avec sa parenté et des tiers (art. 4)

La loi du 4 mars 2002 affirme le droit pour l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, c'est-à-dire notamment ses grands-parents. Seuls des motifs graves pouvant y faire obstacle (C. civ., art. 371-4, al. 1, nouveau). Jusque-là, il était prévu que les père et mère ne pouvaient, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations entre l'enfant et les grands-parents. Et précisait qu'à défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations étaient fixées par le juge.

Par ailleurs, le juge aux affaires familiales fixe, dans l'intérêt de l'enfant, les modalités de ses relations avec un tiers, parent ou non (C. civ., art.371-4, al. 2, nouveau). L'idée est de permettre, par exemple, à un enfant de conserver des liens avec le compagnon de sa mère, qui l'aura élevé, notamment si celle-ci décède. Auparavant, la loi permettait uniquement au juge aux affaires familiales, en considération de situations exceptionnelles, d'accorder un droit de correspondance ou de visite à d'autres personnes, parents ou non. La loi supprime donc la nécessité de circonstances exceptionnelles et est plus large qu'un droit de correspondance ou un droit de visite.

B - La possibilité de confier l'enfant à un tiers (art. 8)

Comme antérieurement, la séparation des parents ne fait pas obstacle à la dévolution de l'autorité parentale à l'un des parents en cas de décès de l'autre ou de privation de l'autorité parentale de ce dernier. Cette règle vaut même si celui des père et mère qui demeure en état d'exercer l'autorité parentale a été privé de l'exercice de certains des attributs de cette autorité par l'effet d'un jugement prononcé contre lui (C. civ., art. 373-3, al. 1 modifié).

Toutefois, le juge peut décider de confier l'enfant à un tiers. Cependant, la loi du 4 mars 2002 cherche à rendre exceptionnelle cette procédure, « l'enfant devant, dans la mesure du possible, demeurer avec ses parents » (Rap. A.N. n° 3117, juin 2001, Dolez). Désormais, c'est donc seulement à titre exceptionnel et si l'intérêt de l'enfant l'exige, notamment lorsqu'un des parents est privé de l'exercice de l'autorité parentale, que le juge pourra décider de confier l'enfant à un tiers (C. civ., art. 373-3, al. 2, nouveau). Ce dernier devra être choisi de préférence dans sa parenté.

Le juge devra être saisi par les parents ou le ministère public (ce dernier pouvant être sollicité par des tiers, parent ou non) et statuer conformément aux articles 373-2-8 et 373-2-11 du code civil. Notamment, il devra prendre en considération la pratique suivie, les sentiments du mineur, l'aptitude du tiers à respecter les droits des parents et éventuellement les renseignements recueillis lors de l'enquête sociale.

Dans ce cas, l'autorité parentale continuera d'être exercée par les père et mère. Toutefois, la personne à qui l'enfant a été confié pourra accomplir tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation (C. civ., art. 373-4 inchangé). Le juge aux affaires familiales, en confiant l'enfant à titre provisoire à un tiers, pourra décider de requérir l'ouverture d'une tutelle.

Sophie André

Notes

(1)  Voir ASH n° 2242 du 21-12-01.

(2)  Voir ASH n° 2252 du 1-03-02.

(3)  Voir ASH n° 2072 du 22-05-98.

(4)  Voir ASH n° 2133 du 17-09-99 et n° 2134 du 24-09-99.

(5)  Nous reviendrons sur cette mesure dans un prochain dossier.

(6)  Voir ASH n° 2247 du 25-01-02 et n° 2221 du 29-06-01.

(7)  Voir ASH n° 2214 du 11-05-01.

(8)  Voir ASH n° 2242 du 21-12-01.

LES POLITIQUES SOCIALES

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