« L'Etat n'a pas mesuré combien les logiques racistes influaient sur le comportement des bailleurs. » Il « n'a voulu expliquer le phénomène de la relégation des “personnes de couleur” dans les zones sensibles que par des raisons économiques »... Le bilan que dresse SOS racisme des politiques publiques de lutte contre les discriminations raciales et ethniques dans le logement depuis la fin des années 70, et qu'il a remis le 21 mars au secrétariat d'Etat au logement (1), est fort critique. Tout en reconnaissant que l'objectif de la lutte contre les discriminations dans l'accès au logement et les ségrégations dans l'habitat social « a clairement été affiché » par l'actuelle secrétaire d'Etat, l'association estime que « pour envisager de contraindre les bailleurs sociaux à changer leurs pratiques, sans doute faudrait-il demander aux préfets d'exercer un contrôle rigoureux des attributions de logement et des politiques de peuplement ». Préfets, qui, jusqu'à présent, n'ont pas utilisé leurs pouvoirs en la matière...
L'autorité judiciaire, selon SOS racisme, ne montre pas plus de zèle. « Les parquets, dans leur écrasante majorité, ne font pas procéder à de véritables enquêtes dans le cas de plaintes pour discrimination mettant en cause des bailleurs sociaux [et] classent sans suite en oubliant d'appliquer les circulaires du garde des Sceaux ». Certaines « décisions de justice très encourageantes » existent cependant, notamment dans des affaires concernant le parc privé, qu'il faut « valoriser » pour encourager les victimes à porter plainte.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'est quant à elle, « dans chaque affaire » dont elle a été saisie, « contentée de faire des recommandations et d'ordonner la destruction des fichiers ». « Aucune action pénale pour infraction à la loi informatique et liberté n'a été lancée alors que la CNIL est la seule habilitée, avec la victime individuelle du fichage ethnique, à le faire », regrette l'association. Tout en saluant la délibération de la commission du 20 décembre 2001 (2), stipulant notamment qu' « aucune information faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales [...] ne saurait être collectée auprès des demandeurs de logement ».
Par ailleurs, le dispositif des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC), qui gèrent le numéro d'appel gratuit 114 mis à la disposition des victimes ou des témoins de discriminations raciales, « n'a pas atteint son objectif jusqu'à présent ». En matière de logement, « la plupart des signalements font l'objet d'un suivi et d'une issue qui relativisent la réalité de la discrimination [...] : les plaintes sont considérées comme ne relevant pas de discrimination et ne sont donc pas transmises au parquet. Par ailleurs, lorsqu'il y a traitement judiciaire, celui-ci s'achève très souvent par un classement sans suite faute de preuve qu'on ne s'est pas donné la peine d'aller chercher », déplore l'organisation.
(1) « Bilan et perspectives des politiques publiques de lutte contre les discriminations raciales et ethniques dans le logement » - SOS Racisme : 28, rue des Petites-Ecuries - 75010 Paris - Tél. 01 53 24 67 67. Ce document devrait servir de support à la publication prochaine, par le secrétariat d'Etat au logement, de dépliants d'information destinés aux victimes potentielles de discriminations dans l'accès au logement, dans le parc social et dans le parc privé.
(2) Voir ASH n° 2247 du 25-01-02.