Une « boulette » pour Médecins du monde. Un « loupé » pour le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI). Une « regrettable erreur » pour Odette Grzegrzulka, députée PS... L'affaire n'a pas fait grand bruit. Elle laisse pourtant un goût amer à ses acteurs. En décembre dernier, à la suite d'un amendement présenté à la fois par le groupe communiste à l'Assemblée nationale et par la députée socialiste Odette Grzegrzulka, la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2002 accordait le bénéfice de la CMU aux mineurs ayants droit de parents étrangers en situation irrégulière, auparavant pris en charge par l'aide médicale d'Etat (AME) (1). Le résultat d'un intense lobbying du groupe de suivi de la CMU au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Pourtant, juste après le vote, les associations découvraient que la proposition d'amendement qu'elles avaient rédigée et soumise à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale - et qui avait été adoptée telle quelle par les députés - ne permettait en l'état, du fait de l'omission d'un renvoi à un article du code de la sécurité sociale relatif à la couverture complémentaire, que l'octroi de la couverture de base à ces enfants. Le rapport d'évaluation de la loi sur la CMU par l'inspection générale des affaires sociales, rendu public en février (2), pointait ainsi que « l'analyse juridique du texte voté par les deux assemblées fait craindre que la mesure [...]se traduise pour les enfants mineurs visés par un recul puisqu'ils [...] perdront l'exonération du ticket modérateur et du forfait journalier procurés par l'AME ».
« Nous sommes fautifs car nous avons rédigé ce texte. Mais pas un des 140 députés de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale à qui nous avons écrit n'a demandé de modification », enrage Nathalie Simonnot, responsable de la « coordination mission France » de Médecins du monde. « Ce qui s'est passé est complètement idiot, d'autant plus qu'il y avait vraiment une volonté du législateur d'accorder à la fois la base et la complémentaire », renchérit Patrick Mony, directeur du GISTI. Ce que confirme Odette Grzegrzulka, secrétaire de la commission des affaires sociales : « Nous avons cru voter l'intégralité de la CMU, mais nous n'avons fait que la moitié du chemin. » Une erreur technique imputable, explique-t-elle, « aux fonctionnaires de l'Assemblée nationale qui nous aident à rédiger les textes ». On peut toutefois s'interroger sur la qualité des débats et de l'écoute dans les hémicycles quand on sait qu'avant les votes de ces amendements, Elisabeth Guigou et Paulette Guinchard-Kunstler sont respectivement intervenues à l'Assem- blée et au Sénat pour souligner que seule la couverture de base était visée, ce qui n'apporterait pas d'amélioration par rapport à la situation antérieure. Sans toutefois proposer une nouvelle rédaction, le gouvernement n'ayant pas soutenu cette extension de la CMU, par crainte, sans doute, d'ouvrir une brèche dans laquelle pourraient s'engouffrer tous ceux qui réclament la suppression de l'AME et la CMU pour toutes les personnes résidant en France.
Reste que l'octroi de la CMU aux enfants de sans-papiers, même réduite à la base, constitue une avancée. La France se met ainsi en conformité avec la Convention européenne des droits de l'enfant, qui engage ses signataires à protéger les mineurs contre les discriminations motivées par la situation juridi- que de leurs parents et à leur reconnaître le droit de bénéficier de la sécurité sociale. En outre, l'AME est moins facile à obtenir que la CMU, du fait de la rareté des guichets d'admission. Ajoutons qu'en pratique, la couverture de ces enfants ne devrait pas se dégrader, la partie complémentaire continuant à être prise en charge par l'aide sociale. En attendant une autre occasion de légiférer pour réparer la « boulette »...
Céline Gargoly
(1) Voir ASH n° 2246 du 18-01-02.
(2) Voir ASH n° 2251 du 22-02-02.