Comment traiter les situations d'allégations d'abus sexuels sur mineur dans un contexte de séparation parentale conflictuelle ? C'est ce à quoi tente de répondre un rapport d'octobre 2001 de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, dont la diffusion reste restreinte.
D'emblée, le groupe de travail trace les contours du problème : « Lorsque les parents se séparent, qui plus est lorsqu'ils entament une procédure de divorce, la séparation peut très vite dégénérer en une lutte passionnelle dans laquelle les stratégies et les armes les plus dangereuses sont parfois utilisées [...]. L'un des parents peut soupçonner l'autre d'abus sexuels sur leur enfant, il peut également s'en convaincre et amener l'enfant à croire qu'il en a été victime. » Sans avoir de données chiffrées sur les cas d'allégations dénuées de fondement, le rapport relève que la majorité des accusations concernent des faits commis sur de jeunes enfants de moins de 6 ans, parfois sur des adolescents.
Partant du constat que les situations d'abus sexuels impliquent, outre les parents et bien souvent la famille, de multiples acteurs (professionnels de santé, travailleurs sociaux, services sociaux de l'Education nationale, associations), le rapport juge nécessaire de développer la concertation entre ces partenaires. Pour ce faire, il propose de mettre à la disposition des professionnels de santé et de l'enfance une liste officielle de correspondants à qui ils pourraient s'adresser en cas de difficulté juridique, d'interrogation sur le circuit du signalement.
Le groupe de travail dénonce également le manque de formation en particulier de certains professionnels de santé et de l'enfance et des administrateurs ad hoc. Par ailleurs, se fondant sur les expériences menées sur le terrain, il appelle de ses vœux la mise en place de structures d'accueil pluridisciplinaires assurant la prise en charge globale du mineur victime.
Relevant que les mesures de placement adoptées dans l'intention de protéger l'enfant sont parfois dévastatrices, le rapport met l'accent sur le maintien des liens entre le mineur et ses deux parents, quelle que soit l'issue de la plainte pénale. Ce dernier peut se réaliser grâce à l'intervention de tiers extérieurs aux procédures désignés par l'autorité judiciaire (médiateurs, éducateurs, administrateurs ad hoc ) ou résultant d'une initiative personnelle de l'un des parents (suivi psychologique ou thérapie familiale). S'agissant de l'administrateur ad hoc, le groupe de travail insiste sur sa désignation dès le début de la procédure pénale afin qu'il exerce réellement son rôle d'accompagnement du mineur victime. Et souhaite qu'il soit distinct de l'organisme gardien du mineur victime dans l'hypothèse d'une mesure de placement ordonnée par le juge des enfants. Autre modalité de maintien des relations : recourir à la médiation judiciaire (familiale ou pénale), en tant que mode de résolution de situations conflictuelles, même si, dans l'hypothèse d'abus sexuels allégués, cette mesure peut apparaître difficile à mettre en place. En effet, note le rapport, en l'absence d'accord, la mise en œuvre d'une mesure de médiation familiale ou pénale peut encore contribuer à apaiser le conflit « en donnant aux parents un lieu de parole neutre, dans lequel chacun est reconnu ».
En matière institutionnelle, le rapport souhaite l'instauration d'une « chaîne judiciaire », coordonnée par le parquet, permettant de lier les plaintes pénales, les procédures familiales du juge aux affaires familiales et les mesures de protection du juge des enfants.
Enfin, au regard de l'implication des parents et éventuellement des grands-parents dans les procédures d'abus sexuels allégués, la direction des affaires criminelles et des grâces propose d'avoir une approche de la situation familiale en ordonnant une expertise globale à tous les protagonistes ayant eu un rôle actif lors de la révélation de l'abus sexuel.