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« Le droit à la différence ou la différence des droits »

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L'article 1er de la loi sur le droit des malades, adoptée le 19 février 2002, met fin à la jurisprudence Perruche (1). Ce texte a suscité une longue réaction d'Alain Minet, directeur d'établissement social (2).

« [...] Les grands absents de cette loi sont les personnes handicapées, et c'est bien ce qui est choquant. Elles ont droit à la solidarité nationale, mais pas aux droits ouverts à tous les citoyens. [...] Il est vrai que, contrairement aux médecins et aux parents, elles ne sont pas constituées en lobbies et ne savent pas se faire entendre.

« La loi n'a pas voulu suivre la Cour de cassation qui, dans son rapport annuel, argumentait que “le respect effectif, et pas seulement théorique, de la personne passait par la reconnaissance de l'enfant handicapé en tant que sujet de droit autonome”. Une fois de plus, les personnes handicapées sont reléguées à la place d'objets que l'on assiste, prend en charge. Le droit à la différence est aussi une différence de droits entre les médecins, les parents, certaines associations et les personnes handicapées. [...] En leur reconnaissant des droits identiques à ceux de leurs parents, cette loi aurait rétabli une certaine égalité, là elle creuse encore davantage le fossé entre les personnes non handicapées et les personnes handicapées.

« Comment être sujet si l'on n'est pas sujet de droit ? La personne handicapée, dans sa difficulté d'advenir en tant que sujet, et l'institution pour la reconnaître en tant que tel, auraient bien eu besoin de ce “coup de pouce” législatif. La récente loi sur la rénovation sociale risque de n'être qu'un bel emballage si les personnes qui vivent dans les institutions ne s'emparent pas de leurs droits. Or comment s'emparer de ses droits si le statut de sujet de ses droits n'est pas affirmé ?

« La personne handicapée n'existe que par ses parents. Sa position de personne non autonome de par son handicap est entérinée par cette loi. Pourtant, il faudra bien lui reconnaître des droits identiques à ceux de tout citoyen si nous voulons qu'elle soit intégrée dans notre société. L'arrêt Perruche s'immisçait dans la relation parents/enfants, posant des droits autonomes à l'enfant handicapé en son nom propre. Ses parents pouvaient être ses porte-parole. Avec cette loi, l'enfant n'existe pas juridiquement ou, pire, il demeure à jamais l'enfant handicapé de ses parents, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les uns et les autres.

« Le débat qui a suivi l'arrêt Perruche mettait en place une séparation entre les parents qui ne souhaitent pas mettre au monde un enfant handicapé et ceux qui élèvent leur enfant handicapé. Les seconds sont regroupés en associations, les premiers non. Les seconds, pour certains d'entre eux, auraient pu faire partie du premier groupe s'ils en avaient eu le choix. [...] Il est dommage que les débats n'aient guère abordé la parentalité d'un enfant handicapé, avec toutes les questions qui peuvent se poser : comment faire le deuil de l'enfant idéal ? Comment investir un enfant dans lequel on ne se reconnaît pas ? Comment envisager son rôle éducatif envers un enfant qui ne sera jamais autonome ? Comment envisager l'avenir de son enfant handicapé qui survivra à ses parents ? Comment affronter cette culpabilité qui marquera à vie les parents, quel que soit le choix qu'ils fassent, avortement ou naissance de l'enfant ? Que faire de son désir d'enfant lorsque celui-ci est handicapé ? [...] L'absence de réponse sociale et d'encadrement normatif laisse tout le poids de ces questions aux parents.

« Que nous montre cette loi au final ? Que les choix ont été pris par les politiques au vu des pressions de parents et de médecins. Que l'intégration des personnes handicapées se fait sans les reconnaître en tant que sujets de droit autonome, que c'est la loi du plus fort et du plus intelligent qui compte. Cela pose la question de la société que nous voulons pour les plus faibles d'entre nous. »

Notes

(1)  Sur le texte de cette loi, voir ASH n° 2251 du 22-02-02. 5ur les questions soulevées par la jurisprudence Perruche et les débats parlementaires, voir ASH n° 2250 du 15-02-02.

(2)  Centre d'hébergement et d'accompagnement du Val-d'Yerres : 16, rue de Cerçay - 91800 Brunoy - Tél. 01 60 47 92 92.

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