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Accès aux soins des étrangers : discriminations flagrantes ou insidieuses

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Caisses primaires d'assurance maladie qui établissent des critères d'accès à la couverture maladie universelle  (CMU) plus restrictifs que ceux prévus par la loi. Demandeurs d'asile fondés à prétendre à la CMU réorientés vers l'aide médicale d'Etat  (AME). Médecins libéraux qui refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU ou de l'AME. Agents administratifs ou travailleurs sociaux qui répondent à des personnes étrangères qu'elles n'ont pas de droits, par ignorance des textes - fréquente -, par obéissance à des consignes ou même par conviction personnelle que la législation est trop laxiste... Un rapport du Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publi- que (CRESP), remis récemment à la direction de la population et des migrations du ministère de l'Emploi et de la Solidarité (1), recense les figures des discriminations dans l'accès aux soins dont sont victimes les étrangers, en situation régulière ou non, mais aussi les Français d'origine étrangère.

Certaines sont flagrantes, d'autres plus insidieuses, car souvent accompagnées d'un discours affichant de bonnes intentions. C'est le cas, par exemple, de l'attitude qui consiste à « orienter les personnes, en se fondant sur leur origine réelle ou supposée, vers des structures ou des dispositifs spécifiques censés mieux répondre à leurs besoins ». Certes, l'ouverture de guichets bien distincts pour l'aide médicale d'Etat au sein des caisses primaires, dotés de personnel spécifiquement formé, peut apparaître comme un gage d'efficacité, mais elle renforce la ségrégation déjà induite par les textes législatifs. Didier Fassin, le directeur du CRESP, ne cache d'ailleurs pas les « effets pervers » du dispositif duel (droit commun avec la CMU pour les personnes résidant en France de façon stable et régulière, assistance avec l'aide médicale d'Etat pour les autres) que la loi a institué, « dans la mesure où il conduit d'une part à ce que les agents traitent moins bien les dossiers et les personnes relevant de l'AME et d'autre part à ce que la recherche de la ligne de partage en fonction de la stabilité et de la régularité [de la résidence] favorise le développement des procédures de vérification et de logiques de suspicion défavorables à l'ensemble des personnes étrangères, voire d'origine étrangère ».

Les consultations gratuites : « solution facile »  

Autre illustration des motivations louables qui retardent l'accès au droit, l' « orientation excessive » vers les consultations gratuites des associations humanitaires de « personnes qui devraient bénéficier d'emblée des structures de droit commun parce qu'elles satisfont aux conditions de la CMU ou de l'AME ». Pour les travailleurs sociaux ou les agents administratifs qui utilisent cette « solution facile », il s'agit souvent de permettre la délivrance des soins avant l'entreprise de démarches administratives. Alors qu'il existe une possibilité d'admission immédiate à la CMU complémentaire ou à l'AME.

Le document ne se limite pas aux constats. Il préconise notamment... la simple application des textes, particulièrement dans deux domaines. Dans les services des urgences des hôpitaux, doivent prévaloir « le principe de la prise en charge médicale avant la régularisation de la situation administrative et l'interdiction de refuser ou de reporter l'examen d'un patient jusqu'à ce qu'il ait une couverture sociale ». La médecine libérale doit, de son côté, respecter l'obligation de soigner tout patient, alors que sont actuellement officialisés en quelque sorte les refus de soins par l'instauration de listes de praticiens acceptant les titulaires de la CMU et de l'AME. « L'ordre des médecins doit considérer la modification de ces pratiques comme une priorité déontologique », souligne Didier Fassin, tout en ajoutant que la sécurité sociale doit s'assurer que le remboursement des consultations aux médecins intervient dans des délais et des conditions convenables. Ce qui n'est pas le cas.

Au-delà de ces recommandations, cependant, seule une profonde révolution des représentations semble pouvoir venir véritablement à bout des discriminations. « On ne saurait sous- estimer l'effort qui doit être entrepris pour inverser les normes implicites qui se sont progressivement imposées et qui font que l'on considère comme abusives les exigences de droit et de soins de la part de personnes irrégulières, immigrées ou même d'origine étrangère- pourtant inscrites dans la loi -, mais que l'on estime sinon normales, du moins non répréhensibles, et même souvent compréhensibles, les attitudes et les paroles de professionnels de soins qui refusent un patient ou l'acceptent au prix de commentaires blessants - au mépris de la déontologie et de la législation. »

C. G.

Notes

(1)  Un traitement inégal. Les discriminations dans l'accès aux soins - CRESP - Inserm : EPI 9905 - Université Paris-XIII - 64, rue Marcel-Cachin - 93017 Bobigny cedex - Tél. 01 48 38 77 75. Ce travail est fondé notamment sur une enquête de terrain menée dans les régions : Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Aquitaine, et sur l'interview de 90 personnes : agents administratifs, travailleurs sociaux, soignants, personnels associatifs...

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