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Un dispositif coordonné dans l'Essonne

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Une action inter-institutionnelle coordonnée, un partenariat serré avec l'association Age-Alma : depuis trois ans, le département de l'Essonne s'est doté d'un programme de détection, de prise en charge et de prévention de la maltraitance des personnes âgées.

La photo montre deux gamelles pour chien, posées à même le sol carrelé. Celle de gauche porte le nom de « Rex », en lettres rouges ; sur celle de droite, on peut lire : « Mamie ». Cette affiche, placardée sur les Abribus du département de l'Essonne, avait fait grand bruit à l'automne 1999. Certains y voyaient une atteinte à la dignité des personnes âgées. « Ce ne sont pas les affiches, mais les situations de maltraitance qui constituent des atteintes à la dignité. Il est indispensable de frapper fort dans la mesure où ce qui caractérise ces situations, c'est la loi du silence », avaient alors rétorqué le conseil général de l'Essonne et l'association Age-Alma (1), à l'origine de cette campagne de communication. Laquelle marquait le coup d'envoi d'un vaste programme de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, aujourd'hui cité en exemple (2).

Il s'inscrit dans le cadre du schéma départemental « Personnes âgées » de l'Essonne, adopté en juin 1999 et établi pour quatre ans, qui prévoit en matière de maltraitance le développement de la prévention primaire. Son objectif ? Renforcer l'action de l'association Age-Alma, mettre en place une procédure de signalement et soutenir les activités d'une cellule de signalement.

C'est à l'automne 1999 que l'Association gérontologique de l'Essonne a ouvert son numéro Allô maltraitance (3), en convention avec Alma France. Il s'agit d'un service d'écoute relativement classique, pourvu d'un comité permanent (deux médecins, deux assistantes sociales, un responsable d'établissement, un membre d'association de soins à domicile) et d'un comité de pilotage qui intervient pour aider à la résolution de certains problèmes posés à l'association. Les appels reçus concernent principalement des cas de maltraitance de personnes âgées dans le cadre familial, en majorité par les enfants, les négligences passives étant les plus répandues. Sont également souvent dénoncées des maltraitances financières (détournement d'argent, placements abusifs, etc.). D'année en année, le nombre de dossiers augmente. En 2001,415 dossiers ont été ouverts, avec l'intervention d'un référent (médecin, assistante sociale, psychologue).

Partenariat des services

Les plaintes concernant les établissements sont transmises à la cellule de signalement qui coordonne l'action des administrations. Mise en place depuis juillet 1998, elle réunit tous les deux mois, et davantage en cas d'urgence, les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), du conseil général et de la direction départementale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes. Elle met en commun les informations détenues par chacune de ces administrations, la DDASS recevant la majorité des plaintes. D'autres services sont alertés en fonction de la teneur des signalements : direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, brigade financière pour les détournements de fonds, services du procureur pour des situations individuelles faisant l'objet d'atteintes à la personne justifiant un signalement. « En général, observe Annick Khidas, responsable des actions de santé au département, un établissement qui fonctionne mal cumule les dysfonctionnements : à des problèmes de gestion s'ajoutent des problèmes de personnel et des insuffisances de prise en charge, cette accumulation conduisant à la limite de la négligence. Même si un établissement bien géré n'est pas forcément un établissement bien traitant. »

A l'origine de l'instauration de cette cellule, le constat d'un manque de coordination. Pour permettre à chacun des services concernés d'être plus opérationnel, ceux-ci échangent régulièrement sur le dispositif, tiennent une fois par semestre une réunion afin d'être vigilants sur les informations recueillies. En outre, la réunion bimestrielle, en formation restreinte, permet d'établir un calendrier prévisionnel des visites d'inspection à effectuer. Les administrations peuvent alors intervenir de façon coordonnée, chacune dans son domaine. « Il était auparavant quasi impossible d'aboutir à une fermeture d'établissement, du fait d'un trop grand décalage dans le temps entre le constat des faits et l'inspection de l'établissement. Bien souvent, les choses étaient déjà corrigées au moment de la visite de contrôle. Chaque administration perdait ainsi un peu de son autorité et de son emprise. En outre, un discours coordonné est beaucoup plus fort que s'il est dispersé », analyse Annick Khidas. Coordination de la gestion des plaintes, établissement d'un ordre de priorité dans la réponse, le dispositif a une mission de contrôle, mais aussi un rôle de conseil auprès des établissements : pour certains dysfonctionnements survenant par ignorance ou défaut d'organisation, une amélioration peut être assez facilement apportée par le biais d'une simple recommandation.

Sur le fond, les signalements concernent surtout le fonctionnement institutionnel et, pour un tiers des cas, des actes individuels : peu de violences physiques, mais fréquemment, une violence verbale. « Tutoiement des résidents, expressions dégradantes, relevant parfois d'un vocabulaire ordurier, rien n'autorise ni n'excuse de tels écarts », s'indigne Annick Khidas. Mais ceux-ci ne sont pas toujours perçus comme tels. D'où la nécessité de sensibiliser les institutions à l'identification de la maltraitance. Il s'agit là, parallèlement à l'organisation de la détection des situations au domicile et en institution et à leur prise en charge pluri-disciplinaire, du second volet de la stratégie.

L'association Age-Alma est chargée de cette sensibilisation. Dans le cadre d'un plan de prévention visant à toucher tous les acteurs médico-sociaux du département, elle organise 100 sessions par an (sous forme de séances de deux heures et demie chacune) pour les structures d'aide à domicile, mais aussi les établissements. C'est le fruit d'un important travail de proximité, puisque l'association a contacté la quasi-totalité des responsables d'établissements du département. « J'aborde avec eux, explique Séverine Vitaux, psychologue de formation et directrice de l'association, l'ensemble de la problématique de la maltraitance : relations avec les familles, agressivité des résidents envers le personnel, difficulté d'une prise en charge quotidienne des personnes âgées... Nous assurons ensuite un suivi et nous nous positionnons comme médiateurs avec un rôle de conseil et d'écoute. »

Qu'est-ce que la maltraitance ? La première session vise à permettre aux personnels de verbaliser le phénomène et de prendre conscience qu'ils peuvent être eux-mêmes maltraitants, par inadvertance ou par ignorance.

La deuxième propose une analyse de la pratique- qu'est-ce qui a changé dans votre institution depuis la première session de sensibilisation ? - et une évaluation de ce qui peut être fait. Certains établissements sont demandeurs, d'autres se font tirer l'oreille. Mais globalement, les refus sont rares : Age-Alma n'en a essuyé que deux. Cette sensibilisation permet de découvrir qu'il existe de multiples formes de maltraitance. Par exemple, qu'entrer sans frapper dans la chambre d'un résident ou insister au-delà du raisonnable pour qu'il prenne sa douche peut en relever. « Quels que soient les efforts de formation que nous déployons pour sensibiliser les personnels sur les comportements, le besoin d'une prise de conscience existe, estime Michel Micheletti, directeur d'établissement. Et même si on pense qu'on fait bien, il n'est pas inutile d'avoir des piqûres de rappel. Du fait de la difficulté de la prise en charge quotidienne d'une personne âgée, souvent impatiente, exigeante, égocentrique, parfois agressive, c'est un métier où l'usure est importante, et où il faut très régulièrement revenir à la bible. »

Le travail de sensibilisation qui reste à mener est sans doute encore important. Auprès des professionnels, mais aussi du grand public, dans la mesure où la majorité des maltraitances a lieu au domicile. La situation, souvent inextricable, d'une personne âgée maltraitée dans un système familial est loin d'être connue de tous. « C'est pour cela, conclut Bernard Duportet, président de l'association Age-Alma, qu'il est indispensable d'avoir une volonté politique de s'atteler à ces problèmes. Car qui, aujourd'hui, en dehors du milieu médical ou social, sait véritablement ce qu'est une personne qui vieillit ? »

VERS UN DISPOSITIF D'ACTION RÉGIONAL ?

A partir de l'expérience menée dans l'Essonne, une réflexion est en cours pour étudier la possibilité de mettre en place un dispositif régional d'action coordonnée. Une « Etude régionale pilote de détection, de prise en charge et de prévention de la maltraitance des personnes âgées en Ile-de-France » a été confiée à l'Association gérontologique de l'Essonne. Dans le cadre du programme régional de santé « Personnes âgées », les responsables de l'opération Age-Alma doivent prendre contact avec l'ensemble des acteurs de la région. « Il ne s'agit pas de faire des clones [du dispositif déjà existant dans l'Essonne], précise Séverine Vitaux, directrice de l'association, mais d'établir un projet de coordination des actions régionales, dans le respect des particularités locales, pour qu'une personne âgée maltraitée soit prise en charge de la même façon dans tous les départements. » Parmi les objectifs de cette étude (à remettre en mars 2003), figure notamment la mise en place d'une cellule régionale d'écoute, chargée ensuite de l'orientation vers les services compétents. « Le projet va dans le sens d'une plus grande cohérence des procédures, précise Bernard Duportet, et pourrait permettre de disposer d'un recueil de données informatisées en vue d'une étude épidémiologique. »

CELLULE DE SIGNALEMENT : UN PREMIER BILAN

Le dispositif départemental mis en place en juillet 1998 a établi, en juin 2001, un premier bilan de son fonctionnement. La cellule de traitement des signalements des personnes âgées en établissement (4) avait alors enregistré 58 plaintes. En augmentation régulière, ces signalements émanent le plus souvent des familles de résidents et du personnel des établissements, et parviennent en majorité (75 %) à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, le conseil général en recevant le tiers. Quant à la nature des faits dénoncés, les deux tiers des plaintes évoquent des dysfonctionnements institutionnels, qu'il s'agisse de mauvaise gestion, d'insuffisance des effectifs ou d'un manque de qualification des personnels. Un tiers des cas signalés concerne des actes individuels :négligences, défaut de soins, violences verbales ou psychiques, « rarement violences physiques et contentions (ligotage, enfermement)  », précise le rapport. Ces déclarations - qui concernent pour plus de 70 % des établissements privés et pour 12 % des maisons de retraite publiques ou des foyers-logements - avaient donné lieu, au 30 juin 2001, à 86 inspections, chaque structure pouvant être visitée à plusieurs reprises. A la suite de ces visites, deux établissements ont fait l'objet d'une fermeture partielle, trois d'une fermeture complète. Pour les autres, « le respect des préconisations a permis d'améliorer la qualité le plus souvent en termes de nombre et de qualification du personnel, mais aussi d'hygiène et de sécurité », conclut le bilan.

Sandrine Pageau

Notes

(1)  Association gérontologique de l'Essonne : BP 35 - 91750 Champcueil - Tél. 01 69 23 22 59.

(2)  Le rapport remis le 22 janvier à la secrétaire d'Etat aux personnes âgées, Paulette Guinchard-Kunstler, « Prévenir la maltraitance envers les personnes âgées », évoque l'expérience essonnienne et préconise notamment la création de dispositifs départementaux d'appel et de recueil des plaintes, accompagnés d'un dispositif coordonné de prévention des maltraitances. Voir ASH n° 2247 du 25-01-02.

(3)  Allô maltraitance personnes âgées Essonne : 01 64 99 81 73, complété récemment par un numéro d'accès aux droits des personnes âgées : 01 64 99 79 85.

(4)  Le département de l'Essonne compte 148 établissements (36 % publics, 64 % privés) accueillant des personnes âgées : 87 maisons de retraite, 52 foyers-logements, 9 unités de soins de longue durée.

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