Quelques chiffres d'abord, pour planter le décor.320 000 enfants handicapés sont pris en charge en France : 130 000 dans des établissements d'éducation spécialisée et 190 000 par l'Education nationale. Parmi ces derniers, 160 000 sont accueillis dans le dispositif adapté et 30 000 intégrés dans des classes ordinaires. Des données officielles, mais à prendre avec précaution car, par exemple, certains bambins comptés comme « intégrés » en maternelle, n'y sont en fait admis que deux ou trois heures par semaine.
Autre anomalie : 25 000 des enfants vivant en institution spécialisée n'ont pas d'instituteurs. Ils sont confiés à des éducateurs qui n'ont pas la formation pour enseigner, surtout à des enfants en difficulté d'apprentissage. Plus grave encore est la situation des 13 000 enfants qui ne sont nulle part, ou plutôt qui restent dans leur famille, sans solution. Ajoutez 2 000 enfants hospitalisés sans présence enseignante, dont sans doute la moitié pourrait suivre des cours. Plus encore un millier d'enfants relevant du secteur socio- éducatif et judiciaire, et pas scolarisés non plus. Les associations repèrent ainsi 40 000 enfants hors système scolaire en France.
« Personne ne peut prétendre aujourd'hui avancer des chiffres absolument sûrs, et c'est bien en soi un élément du problème, relève René Bernard, président de l'Association nationale des communautés éducatives (ANCE). Les pouvoirs publics sont défaillants en la matière. Ils n'ont pas pris la mesure du problème. Quant aux associations, elles n'ont pas les moyens de faire un recensement exhaustif. » C'est pourtant grâce à elles - regroupées dans un collectif qui rassemble désormais 15 associations (1) - que l'on a commencé à cerner l'ampleur des besoins, puis à revoir à la hausse les estimations initiales (2). « C'est dire à quel point le plan défini par les pouvoirs publics avec la programmation de 5 000 places en établissements n'est pas à la hauteur. » Et qu'on ne vienne pas « reprocher aux parents de ne pas monter assez de projets d'établisse- ments, comme l'a fait récemment un ministère, s'indigne Jean-Max de Lamare, président de l'Urapei Ile-de-France. On ne demande pas aux familles de créer les écoles ! »
Le collectif revendique donc d'abord une évaluation précise des besoins. Non pas qu'ils se soient aggravés récemment - les chiffres indiqueraient plutôt le contraire -, mais les parents ne tolèrent plus ce qu'ils acceptaient jadis. Les associations demandent aussi une affectation massive d'enseignants dans les établissements spécialisés. De très nombreux postes sont actuellement vacants et personne ne s'en offusque. Aucun plan de recrutement et de formation n'existe. La spécificité et la difficulté de la tâche de ces enseignants spécialisés devrait être reconnue, notamment dans leur rémunération (avec une majoration comparable à celle existant pour les ZEP, par exemple).
Ne confondant pas « scolarisation » et « intégration scolaire », le collectif souhaite néanmoins que cette dernière soit recherchée en priorité lorsqu'elle est possible. Il reste qu'elle nécessite une « préparation minutieuse » entre tous les partenaires, puis un solide accompagnement des enseignants, des jeunes et des parents.
Le collectif insiste aussi sur le « principe de proximité » qui doit présider à toutes les décisions. Les administrations locales doivent se voir doter des moyens humains et financiers nécessaires et d'un « guichet unique » afin de trouver (en concertation avec toutes les parties) des solutions adaptées « à chaque enfant et à chaque étape de sa vie ». Tous les handicapés « ont des capacités d'apprentissage quil ne faut pas sous- estimer », insistent les associations.
Marie-Jo Maerel
(1) ANCE, Alefpa, ANPEA, APAJH, APF, Cemea, CRHES, Derpad, FGADPEP, IPPA, Jeunesse au plein air, OVE, Unapei, Unasea, Vivre autrement . C/o ANCE : 145, bd de Magenta -75010 Paris - Tél. 01 44 63 51 15.
(2) Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.