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Aider les familles en respectant l'autorité parentale

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Les accueils éducatifs d'Etampes mettent en œuvre, dans le cadre de la protection de l'enfance, une mesure d'action éducative à domicile. Elle associe les parents à une demande et à un projet.

Deux ans après leur création, les accueils éducatifs d'Etampes fonctionnent à plein régime. La maison d'enfants, aménagée dans un grand pavillon ouvert sur la campagne, à quelques kilomètres du centre-ville, accueille 11 jeunes de 7 à 17 ans. Six éducateurs s'y relaient, une éducatrice scolaire y intervient pour une aide aux devoirs ou une action de médiation autour de la scolarité. Par ailleurs, 30 enfants sont accueillis chez des assistantes maternelles, dans le cadre du service d'accueil en famille. C'est le principe des établissements de la fondation « La vie au grand air »   (1)  : ils pratiquent une forme d'accueil classique en internat, mais au-delà, chacun peut mettre en œuvre des actions spécifiques.

Adapter les solutions

Ainsi, à Etampes, en septembre 1999, le service d'action éducative auprès des familles  (SAEF) a été le premier à ouvrir ses portes. A l'époque, le conseil général de l'Essonne avait sollicité la fondation « La vie au grand air », souhaitant mettre en œuvre trois prestations - action éducative en milieu ouvert  (AEMO) administrative, service d'accueil en famille et petite maison d'enfants. « Il s'agissait, au travers d'une intervention à domicile en prévention, d'une possibilité d'accueil physique, de pouvoir user de solutions adaptées, de bénéficier d'une certaine souplesse à partir d'une synergie des services entre eux », explique Jean-Michel Bury, éducateur de formation et directeur des accueils éducatifs d'Etampes. C'est ainsi qu'un enfant auparavant suivi à domicile par un travailleur social du SAEF peut être réorienté vers un accueil à la résidence si celui-ci s'avère nécessaire. « L'avantage, explique Damien Rallet, éducateur de jeunes enfants, c'est la facilité d'échange des situations et une bonne évaluation de ces situations. »

En matière de prévention, l'établissement met en œuvre l'action éducative à domicile  (AED). « De l'AEMO administrative, on est passé à l'AED ; la dénomination est différente, mais la pratique existe en région parisienne depuis au moins une dizaine d'années », précise Jean-Paul Pascal, éducateur spécialisé au SAEF (2). Coquetterie de vocabulaire ?Le directeur des accueils éducatifs d'Etampes s'en défend. « L'action éducative à domicile relève de l'aide à domicile définie par le code de l'action sociale et des familles, tandis que l'AEMO fait référence au code civil. Nous sommes là dans deux dimensions différentes de l'action éducative. L'engorgement des services d'AEMO ou des juges des enfants est parfois monumental, et un certain nombre de signalements ou de sollicitations ne sont pas forcément de son ressort : l'action éducative à domicile permet d'éviter une demande de placement, stigmatisante pour les parents et difficile pour tout le monde - même s'il ne s'agit pas ici d'occulter le rôle nécessaire du juge des enfants », estime Jean-Michel Bury.

Aujourd'hui, 75 mesures d'action éducative à domicile sont en cours. Elles concernent des enfants ou des adolescents en mal de repères, d'accompagnement dans leur scolarité ; des jeunes qui ne sont pas réceptifs à l'autorité, qui sont l'enjeu de deux parents séparés, qui ont besoin de se confronter avec les rythmes de ceux de leur âge, mais n'ont pas pour autant besoin d'une prise en charge au quotidien. Dans cette petite ville d'environ 20 000 habitants, d'apparence bourgeoise et paisible, qui compte trois quartiers dits « difficiles » - et dont le maire avait décidé, l'an dernier, d'instaurer un couvre-feu -, ce type de prestation apparaissait nécessaire.

L'action éducative à domicile est donc un outil pour répondre aux difficultés exprimées par des adultes en charge d'éducation. A l'origine de sa mise en place, un signalement émanant des services sociaux du département (eux-mêmes alertés, souvent, par l'Education nationale ou, parfois, par les parents eux-mêmes), qui évaluent une situation difficile, une présomption de maltraitance, etc. La notification de décision transmise par l'aide sociale à l'enfance, l'éducateur du service entre alors en contact avec la personne initiatrice de la demande d'intervention et organise une première rencontre à domicile :présentation du nouveau travailleur social, du service, de l'action éducative à domicile. Suit une période d'évaluation qui doit durer deux mois. Une étape qui permet de mesurer la motivation de la famille et de déterminer si ses besoins relèvent bien d'une AED. Le travail d'élaboration et de réflexion se fait ainsi avec les parents. L'avis de l'enfant est requis.

A l'issue de cette période d'évaluation, une rencontre est organisée au sein du service. Le « projet d'action éducative dans le cadre d'une prestation d'aide à domicile de l'aide sociale à l'enfance » est rempli et signé par les parents. L'un des deux, souvent les deux, donne son accord à la mise en place de cette mesure, dont la durée, un an au maximum, est déterminée - en général, la période définie s'articule sur le rythme scolaire. Des objectifs sont fixés : rencontres et entretiens réguliers avec les parents et/ou les enfants ; assistance aux devoirs, activités culturelles, sportives, ludiques avec les enfants à l'extérieur ; rencontres, toujours avec l'accord des parents, de tous les intervenants auprès de la famille (travailleurs sociaux, enseignants, animateurs de clubs sportifs, responsables de centres aérés...). « L'action éducative à domicile, témoigne Jean-Paul Pascal, c'est presque une finalité dans un travail d'éducateur : elle permet vraiment une approche globale des problèmes, très riche du fait des contacts noués avec tous ces intervenants. C'est un exercice très complet : on va proposer des orientations, on est en quelque sorte maître d'œuvre. » La proposition est formulée à l'inspecteur de l'aide sociale à l'enfance qui donne son autorisation. La fondation s'engage à mettre en œuvre une demande formulée par les parents.

Car l'action éducative à domicile se situe dans le respect de l'autorité parentale : les parents sont, d'un bout à l'autre, associés au projet ; ils ont connaissance du contenu de leur dossier, et peuvent mettre un terme à la prise en charge à tout moment. Ce qui n'empêche pas le questionnement autour de leur adhésion et de leur participation. Certains pointent d'ailleurs l'ambiguïté d'une telle mesure, puisque dans les faits, les auto- signalements de la part des familles sont très rares : « Toute la subtilité, ou l'hypocrisie de l'AED réside dans le fait qu'elle a pour origine un signalement. Et en deux mois, nous devons faire en sorte que la famille se saisisse de cette demande et sollicite l'aide sociale à l'enfance », observe Jean- Paul Pascal. Cependant peu de parents refusent lorque la mesure leur est suggérée ou proposée.

Même s'il est sans doute un peu tôt pour faire un bilan, le service d'action éducative auprès des familles ne fonctionnant à plein régime que depuis mars 2001, « globalement, estime Jean-Michel Bury, on arrive à mettre en place ces prestations, même si nous essuyons parfois des refus. Un certain nombre de mesures ont été renouvelées au-delà de un an, mais nous avons également dû effectuer un certain nombre de signalements à l'autorité judiciaire, l'AED se révélant en l'occurrence inopérante. Soit par refus des parents d'accepter toute rencontre, soit dans l'intérêt des enfants. » L'action de l'ensemble des services des accueils éducatifs d'Etampes - service d'action éducative auprès des familles compris -s'oriente désormais plus explicitement vers un travail sur la parentalité. Car, si la demande est toujours faite au titre de l'enfant, l'intervention est bien souvent à destination des parents, qu'il faut accompagner et aider. Reconnaître et faire reconnaître la place de chacun, parents et enfant, et redonner un sens à la parentalité relève du travail quotidien.

Un travail sur la parentalité

Des actions plus spécifiques de soutien à la parentalité - sous des formes diverses, allant de la balade en forêt aux temps de convivialité (par exemple, des repas réunissant parents, enfants, travailleurs sociaux), propositions de week-ends et de séjours -seront désormais menées. Ainsi, l'été dernier, le service a proposé un séjour d'une semaine, avec l'accompagnement de deux travailleurs sociaux, à deux familles qui n'étaient pas parties en vacances depuis des années. A l'une d'elles, il apparaissait complètement impossible de partir avec ses enfants, ne sachant pas comment les prendre en charge. « Pour moi, témoigne l'une de ces mères, c'est un coup d'essai réussi. Les gosses ont besoin de ça, et les parents aussi. Six mois après, les enfants m'en parlent encore. Cela nous a fait du bien. Pendant une semaine, pas de souci, pas de stress, pas de facture à payer, pas à courir à droite et à gauche. Mais pour l'instant, je ne vois pas de différence dans mes relations avec mes enfants. »

Cette mère va d'ailleurs rendre compte de cette expérience, le 9 mars, lors d'un colloque à Evry (3). Ce sera l'occasion de confronter de nouvelles pratiques, allant dans le sens d'un soutien à la parentalité plutôt que du remplacement des parents, et visant à la participation et la mobilisation des familles. Ainsi que le constatait le rapport Roméo, des progrès sont encore nécessaires avant de pouvoir aboutir à un véritable partenariat, respectant la place de chacun.

Sandrine Pageau

VERS UNE NOUVELLE MESURE D'AIDE ÉDUCATIVE ET SOCIALE ?

L'action éducative à domicile est mise en place aux accueils éducatifs d'Etampes dans le cadre de l'aide à domicile. Prévue par les articles L. 222-2 et L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles, celle-ci est « attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou à défaut à la personne qui assume la charge effective de l'enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent [...] ». Si cette mesure permet d'associer les parents et d'obtenir leur adhésion, elle a, dans les faits, pour origine un signalement. Le Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert  (Cnaemo) voudrait aller plus loin afin de « dépasser la culture du “signalement” préalable aux interventions judiciaires et, la plupart du temps, administratives ». Il propose ainsi de modifier l'article L. 222-3 pour instituer clairement une mesure éducative et sociale de soutien à la famille dite « d'aide éducative demandée ». Laquelle serait fondée sur une « demande volontaire » des adultes se reconnaissant en difficulté dans leurs fonctions parentales d'éducation, indépendammment de tout signalement. Ce qui permettrait, défend Denis Verdanat, président du Cnaemo (4) de renforcer la chaîne éducative en proposant une réponse plus en amont qui implique les familles directement. « La mise en place d'une mesure d'aide éducative et sociale de soutien à la famille permettrait de s'inscrire dans une logique non plus seulement d'éducation à destination des enfants mais aussi de soutien à destination des parents, de façon à promouvoir une action globale autour de la famille, respectueuse de l'autorité parentale, [...] en vue d'un partage de l'action éducative entre parents et professionnels », estimait d'ailleurs le rapport Roméo sur « l'évolution des relations parents-enfants-professionnels dans le cadre de la protection de l'enfance »   (5) . Lequel demandait que soit expertisée la création d'une telle mesure. I. S.

Notes

(1)  Les accueils éducatifs d'Etampes fonctionnent sous l'égide de la fondation « La vie au grand air », qui anime 12 établissements dans 11 départements. La vie au grand air, accueils éducatifs d'Etampes : 7, rue du Perray - 91150 Etampes - Tél. 01 69 78 13 50.

(2)  Le SAEF est animé par une équipe pluridisciplinaire : deux éducateurs spécialisés, une assistante sociale, un psychologue, une technicienne de l'intervention sociale et familiale et un éducateur scolaire. Le psychologue intervient principalement en soutien technique aux travailleurs sociaux, la technicienne d'intervention sociale et familiale lorsqu'il s'agit, par exemple, de rompre l'isolement social de la mère.

(3)   « Les parents et les institutions, parole des parents et pratiques des professionnels », colloque organisé par le conseil général de l'Essonne, en partenariat avec le ministère chargé de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées et la fondation « La vie au grand air ».

(4)  Voir sa tribune libre, ASH n° 2234 du 26-10-01.

(5)  Voir ASH n° 2236 du 9-11-01.

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