« Délais d'attente excessifs », « disparités des structures hospitalières », « problèmes financiers non résolus ». C'est un bilan mitigé que dresse, à l'Assemblée nationale, la délégation aux droits des femmes qui a rendu public, le 5 mars, son rapport d'activité 2001 (1), neuf mois après la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (2) visant à assouplir les conditions d'accès à l'avortement. D'autant que les décrets d'application - annoncés d'ici au départ du gouvernement - ne sont toujours pas publiés.
Certes, il y a des mieux. Ainsi, « la situation a changé » en ce qui concerne les départs à l'étranger des femmes candidates à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), fortement stigmatisés au moment de l'adoption de la loi du 4 juillet, se réjouit le rapport, se fondant en particulier sur les informations fournies par les cliniques hollandaises qui font état d'une « diminution significative du nombre de leurs clientes françaises ». Mais c'est pour aussitôt déchanter et constater qu'en lieu et place s'est développé un tourisme régional, les femmes étant parfois contraintes de chercher un établissement de santé hors de leur région. Martine Lignières-Cassou, présidente de la délégation, dénonce également les « délais d'attente excessifs, soit pour obtenir un premier rendez-vous, soit entre le premier rendez-vous et l'IVG elle-même ». Du coup, « une femme ayant présenté sa demande à temps [peut] se trouver rapidement hors du délai légal ». Elle relève, par ailleurs, l'importance du dossier-guide qui doit être remis par le médecin à l'intéressée lors de la consultation médicale préalable à l'intervention. Dossier qui devrait être présenté officiellement le 8 mars, à l'occasion de la journée de la femme.
Au-delà, le rapport constate que certaines avancées de la loi ont soulevé des difficultés nouvelles dans la pratique. Il en est ainsi de l'allongement du délai légal de 10 à 12 semaines de grossesse, pour recourir à l'IVG, qui s'est heurté aux réticences des médecins, y compris ceux pratiquant précédemment l'IVG jusqu'à 10 semaines, notamment par manque de formation. Des praticiens ayant souligné les difficultés techniques liées à l'acte lui-même.
« Deuxième avancée » de la loi, la possibilité pour les mineures, dans certaines conditions, de déroger au principe de l'autorisation parentale - qui demeure la règle générale - en se faisant accompagner d'un adulte de leur choix a également soulevé « de véritables difficultés d'interprétation et d'application ». Au centre des questionnements des médecins anesthésistes, le rôle de l'accompagnant : « Son nom doit-il figurer dans le dossier médical de la mineure ? En cas de complications, quel est son rôle vis-à-vis des parents ? » A cela s'ajoute le problème de la prise en charge des mineures qui nécessite un décret d'application non encore paru à ce jour. Or, constate la délégation, « en l'absence de ce décret, certains établissements refuseraient ces mineures. D'autres ne font pas de difficultés et ont recours à l'aide médicale d'Etat, à la protection maternelle et infantile ou à la couverture maladie universelle de façon aléatoire ». Ce qui génère une grande disparité.
La nouvelle loi a également mis en lumière des obstacles plus anciens. Certaines régions (Ile-de-France, Rhônes-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur) sont ainsi toujours traditionnellement réticentes. Demeure également posée la question du statut des centres d'IVG autonomes au sein de l'hôpital. Ces centres « sous la responsabilité du directeur de l'hôpital fonctionnent principalement avec des médecins vacataires ; souvent mal considérés [...], ils sont confrontés à des problèmes de personnels ». La loi du 4 juillet tend à modifier cette logique et à aménager l'IVG comme toute activité médicale, conformément à l'organisation hospitalière de droit commun. Cette perspective n'est pas sans soulever de vives inquiétudes parmi les associations et les personnels qui craignent que le rattachement de ces centres ne se fasse au détriment de la prise en charge. « La femme en demande ne présente pas de pathologie, n'est pas malade. Elle mérite cependant un accueil et une attention particulière. »
Restent enfin les problèmes financiers non résolus. Depuis 1991, les prix de l'IVG fixés forfaitairement n'ont pas été réévalués. « Cette faible rémunération de l'acte d'IVG est de plus en plus dénoncée ». Et le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, entendu par la délégation, a reconnu lui-même sa nécessaire revalorisation. Le principe même du forfait fait débat. « Dans la mesure où l'on considère l'IVG comme un acte médical normal qui ne doit pas être traité de façon particulière, ne conviendrait-il pas de l'intégrer dans la nomenclature générale des actes médicaux, permettant ainsi une plus juste rémunération et une revalorisation régulière ? », s'interroge la délégation.
(1) Rapport d'activité 2001 - Assemblée nationale - n° 3663 - Février 2002 - 8 €.
(2) Voir ASH n° 2223 du 13-07-01.