Attestant de sa vitalité autant que de la pugnacité dont il doit faire preuve pour s'affirmer, le service social hospitalier est filmé en gros plan par les auteurs, anciennes assistantes sociales dans divers établissements de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avant d'y assumer les responsabilités de cadres socio-éducatifs. Fondatrice, en 1921, de l'œuvre (laïque) du service social à l'hôpital en France, Madame Georges Getting décrivait celle-ci comme « un instrument simple et pratique conçu pour améliorer le rendement économique et social du travail hospitalier et pour rendre aussi productives que possible les dépenses que s'imposent les collectivités en vue d'entretenir leurs hôpitaux ». A l'heure de l'hypertechnicité des soins et de la rationalisation des coûts de santé, c'est aussi en termes d'accompagnement productif des patients et de leurs proches que se positionne l'action sociale dans le champ hospitalier, visant à faciliter l'insertion et l'autonomie des intéressés. Cependant, malgré la structuration de leur profession et son émancipation du terreau médical, les assistants socio-éducatifs restent tributaires des commandes de l'institution qui les emploie. Or « le social coûte cher et ne rapporte pas à court terme », ce qui explique la place de « parent pauvre » qui est la sienne à l'hôpital. Soumise aux injonctions de ses partenaires administratifs et soignants, l'intervention du service social hospitalier est considérée comme secondaire. Et les cadres socio-éducatifs, souvent écartés du projet d'établissement, sont de fait bien en peine de jouer leur rôle de contre-pouvoir afin de défendre au mieux les droits des usagers.
Mis en relief par l'enquête que les auteurs ont menée auprès des responsables de services sociaux de l'AP-HP, les dysfonctionnements analysés - et illustrés à travers des saynètes dévoilant, de façon ludique, ce qui se joue habituellement en huis clos - témoignent des conditions d'exercice précaires des professionnels, alors qu'ils doivent accompagner une population elle-même souvent très précarisée. Dispensateurs de soins hautement spécialisés, les établissements de santé sont conduits à privilégier la partie malade du corps des individus, en négligeant la prise en compte de leur environnement. Mais l'hôpital peut-il faire l'impasse sur le projet de vie des patients, sans que se pose la question du sens même du traitement médical ?
Le service social hospitalier. De l'état d'indigence à l'appropriation des droits ? - Janine Beaugrand, Elyane Caubet, Marie-Noëlle Le Floch, Francine Roland, Sylvie Segouin -Ed. L'Harmattan - 15,30 € .