C'est in extremis que le Parlement a adopté, par un vote ultime, le 19 février, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ce texte aura connu des péripéties avec l'introduction, lors des débats au Sénat, de dispositions cherchant à remédier aux affres suscitées par la jurisprudence Perruche (1). Elles pourraient faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.
Afin de mettre fin à la polémique née de l'affaire Perruche, le législateur pose les grands principes de la responsabilité médicale à l'égard des personnes handicapées. Une solution d'ailleurs qui n'a pas reçu l'entière approbation du ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, qui « ne souhaite pas pour autant remettre en cause un équilibre si difficile à obtenir. Il faut maintenant laisser sa place à l'interprétation du juge. Je reste toutefois convaincu qu'il faudra reposer la question de la prise en charge des handicapés à l'occasion de la révision de la loi de 1975, qui sera indispensable. »
Premier principe : nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
S'agissant de la personne née avec un handicap dû à une faute médicale, elle peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
Répondant à l'hypothèse de l'arrêt Perruche, la loi prévoit que lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, seuls les parents (et non tous les détenteurs de l'autorité parentale) peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice (et non de l'enfant lui-même). Ce préjudice ne peut inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap dont la compensation relève de la solidarité nationale. Il recouvre donc uniquement le préjudice moral.
En toute hypothèse, la loi affirme solennellement le droit pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.
La loi réaffirme les principes de la responsabilité médicale pour faute. Et introduit la prise en charge de l'aléa thérapeutique. Le taux d'incapacité permanente ouvrant droit à réparation, dans ce cadre, doit être supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret au plus égal à 25 %.
Des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont chargées de régler à l'amiable les conflits en raison d'un dommage fautif ou non.
Par ailleurs, un cadre légal est donné au dispositif conventionnel, signé en septembre 2001, par les associations, les assureurs et l'Etat afin de faciliter l'accès à l'assurance des personnes présentant des risques aggravés du fait de leur état de santé ou d'un handicap (2).
Sous l'intitulé « démocratie sanitaire », le second volet de la loi inscrit les droits des malades dans le code de la santé publique. Pour ce faire, il conforte les principes de droit à la protection de la santé, de respect de la dignité, du secret médical, de non-discrimination, d'accès à des soins de qualité, du droit à un suivi scolaire pour tout enfant hospitalisé en établissement de santé. Il prévoit ensuite le droit à l'information des intéressés sur leur état de santé et sur les frais découlant des soins. Et les modalités du consentement des patients aux soins proposés, avec des aménagements pour les mineurs, notamment en cas de rupture des liens familiaux, et pour les incapables majeurs.
La loi consacre le droit à un accès direct de chacun à son dossier médical, avec des dispositions spécifiques pour les mineurs, les déficients psychiques et les ayants droit en cas de décès du patient. Jusqu'à présent, les intéressés devaient passer par l'intermédiaire d'un médecin. La présence d'une tierce personne pourra toutefois être recommandée lorsque la diffusion d'informations sans accompagnement comporte des risques pour la personne concernée.
En outre, est ouverte la possibilité pour le malade hospitalisé dans un établissement de santé de désigner une personne digne de confiance qui sera informée et consultée dans le cas où il serait hors d'état de manifester sa volonté.
La loi cherche également à favoriser l'expression et la participation des usagers du système de santé. A cet effet, des « commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge » sont instaurées dans les établissements de santé. Leur but : veiller au respect des droits des usagers et contribuer à l'amélioration de la qualité de l'accueil et de la prise en charge. D'autre part, les associations de malades pourront être agréées pour représenter les usagers au sein des différentes instances, et leur permettre, le cas échéant, d'agir en justice en qualité de partie civile.
Enfin, elle renforce les droits des malades souffrant de troubles mentaux. A cet égard, elle restreint les motifs de l'hospitalisation d'office. Laquelle devra désormais reposer sur l'existence de troubles mentaux nécessitant des soins et sur celle d'un trouble à l'ordre public dorénavant grave ou à la sûreté des personnes. Le rôle des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques est renforcé pour mieux contrôler ces hospitalisations d'office.
La loi met l'accent sur la nécessité pour la nation de définir sa politique de santé en fonction de priorités pluriannuelles et renforce le rôle de la conférence nationale de la santé. Elle cherche à donner une nouvelle cohérence aux actions, programmes et politiques régionales de santé, via la création de conseils régionaux de santé qui se substituent aux conférences régionales de santé.
Parallèlement, des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale sont instaurés au lieu et place, avec les mêmes attributions, des sections sociales des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale.
Cette nouvelle organisation doit entrer en vigueur six mois après la publication de la loi.
Enfin, le texte renforce les réseaux de santé et réforme la politique de prévention et de promotion de la santé.
La loi comporte enfin nombre de dispositions diverses dont nous relèverons pour l'heure les suivantes. Notamment, retenant une disposition de l'avant-projet de loi pénitentiaire (3), elle inscrit la possibilité de prononcer une suspension de peine pour un détenu en fin de vie ou pour celui dont l'état de santé le requiert. Par ailleurs, elle supprime le recours sur succession en cas de retour à meilleure fortune à l'encontre des handicapés bénéficiaires de l'aide sociale vivant en établissement, alignant ainsi leur régime sur celui adopté pour les bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) dans le cadre de la loi de modernisation sociale du 17 janvier (4).
Initialement prévue dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, censurée par le Conseil constitutionnel (5), une disposition prévoit qu'un assuré social, victime de l'amiante, aura la possibilité d'être assisté ou représenté, lorsqu'il souhaite contester les décisions du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante devant la cour d'appel, par son conjoint, un ascendant ou un descendant en ligne directe, un avocat ou un délégué des associations de mutilés ou invalides du travail les plus représentatives.
(1) Voir ASH n° 2250 du 15-02-02.
(2) Voir ASH n° 2229 du 21-09-01.
(3) Voir ASH n° 2224 du 20-07-01.
(4) Voir ASH n° 2248 du 1-02-02.
(5) Voir ASH n° 2246 du 18-01-02 et ce numéro.