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L'IGAS juge positive la CMU, mais n'épargne pas les CCAS

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La couverture maladie universelle (CMU) est jugée globalement satisfaisante, en particulier par les « travailleurs sociaux, les associations apportant leurs concours aux demandeurs, mais aussi les professionnels de santé ». Néanmoins le dispositif comporte certaines lacunes, notamment au regard de l'accès aux plus démunis,   et révèle une redéfinition nécessaire des rôles et places des différents acteurs sociaux intervenant dans sa gestion . Tels sont les constats d'Yves Carcenac et Evelyne Liouville, membres de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui se montrent particulièrement critiques envers les centres communaux d'action sociale dans le premier bilan d'évaluation de la loi portant création de la couverture maladie universelle, présenté par Elisabeth Guigou au conseil des ministres le 20 février (1).

Un dispositif qui monte en charge

La couverture maladie universelle a pu (dans l'ensemble) entrer en vigueur dès janvier 2000 et n'a cessé de monter en charge, relèvent les rapporteurs. A la fin du mois de septembre 2001, 1, 2 million de personnes (dont 243 000 dans les départements d'outre-mer) étaient affiliées à la CMU de base (2). Et 4,6 millions de personnes bénéficiaient de la CMU complémentaire. Leur profil : une population jeune, plutôt féminine, composée en majorité de chômeurs issus des milieux ouvriers et employés (3). Les départements d'outre-mer rassemblent globalement 20 % du nombre total des bénéficiaires de la CMU et 13 % de celui des bénéficiaires de la couverture complémentaire, alors qu'ils ne représentent que 2,8 % de la population française.

L'entrée en vigueur de la loi a toutefois été retardée à trois reprises pour les anciens bénéficiaires de l'aide médicale au titre de la CMU complémentaire (4). Ce qui, souligne le rapport, a généré des inégalités entre les intéressés selon qu'ils étaient primo-demandeurs ou auparavant couverts par l'aide médicale de l'Etat.

L'accès aux droits à la CMU

Les inspecteurs relèvent, bien entendu, le problème du plafond de ressources pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire. Ils rappellent les réponses gouvernementales qui ont déjà été imaginées pour atténuer les effets de seuil (relèvement du plafond de ressources - voir ci-dessus  -, plan de « mutualisation des risques »...) (5). Et envisagent d'autres scénarios : suppression du forfait logement, instauration d'un crédit d'impôt... En priorité, l'IGAS préconise d'étendre la dispense d'avance de frais aux nouveaux demandeurs non admis à la CMU complémentaire si leurs ressources ne dépassent pas de plus de 10 % le plafond.

Les rapporteurs critiquent également la mise en œuvre de l'accès aux droits. La complexité du dispositif est fréquemment évoquée, rappellent-ils, par les différents acteurs, notamment les travailleurs sociaux ou les intervenants associatifs. Au chapitre des reproches : le manque de lisibilité des dossiers de demande et l'hétérogénéité des règles de droit pour la CMU de base et complémentaire. En effet, la notion de foyer n'est pas la même, pas plus que la base et la période de référence prises en compte pour l'appréciation des ressources. Ce qui génère des lourdeurs administratives et des procédures non homogènes des caisses pour l'admission aux droits. Le rapport recommande alors de tester des alternatives pour apprécier la période de référence servant à la détermination des ressources. Il propose également de normaliser par un imprimé national unique l'état récapitulatif des pièces justificatives.

Les acteurs n'ont pas rempli leur rôle pour l'accès aux droits

 Mais, c'est à l'encontre des centres communaux d'action sociale (CCAS) que les inspecteurs se montrent le plus sévère. Avec la mise en œuvre de la couverture maladie universelle, les conseils généraux et les CCAS ont renoncé au rôle pivot du dispositif d'accès aux droits à la santé pour les plus démunis qui étaient le leur dans le cadre de l'aide médicale de l'Etat. Les CCAS, dans l'ensemble, participent peu au dispositif de détection et d'appui à l'accès aux droits, déplore l'IGAS. Pire, en contravention avec la loi, ils s'exonèrent de leur obligation de domiciliation des personnes en habitat mobile ou précaire les empêchant de faire valoir leurs droits sociaux. Une situation jugée très préoccupante par le milieu associatif (6) et que l'IGAS veut faire cesser.

De plus, le rapport souligne que, parallèlement, les services déconcentrés (DRASS, DDASS) se sont trouvés dans une situation ambiguë. Et que la coopération entre les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et les autres institutions du régime général, notamment les caisses d'allocations familiales, reste trop limitée. La collaboration entre les travailleurs sociaux des deux institutions reste exceptionnelle, alors qu'un service commun d'aide à la prévention de l'exclusion locale dans le Loir-et-Cher a montré l'intérêt de ce type de coopération, spécialement en faveur des publics les plus en difficulté. Il faut, selon l'inspection générale des affaires sociales, « formaliser par des conventions opérationnelles la coopération entre les caisses et les services sociaux, associations et organismes apportant de façon conséquente leurs concours aux demandeurs d'emploi ».

L'accès aux soins des plus démunis

S'agissant de l'accès aux soins des plus démunis, les premiers constats sont encourageants. Ils révèlent un développement significatif du recours aux soins, spécialement au titre de la couverture maladie universelle complémentaire. Et ce, malgré le refus de certains professionnels de santé d'accéder à leurs demandes.

Les premiers bilans montrent que la consommation moyenne des bénéficiaires de la CMU complémentaire est plus forte que celle des autres patients du régime général. Avec certaines spécificités : un recours plus important aux médecins généralistes et aux visites à domicile et des dépenses essentiellement axées sur les honoraires médicaux. Au contraire, ils recourent moins aux soins dentaires et d'optique.

Toutefois, l'accès aux soins est indissociable de l'accès aux droits. Lequel repose sur un partenariat entre les caisses et les établissements de soins. Dans le cadre de la lutte contre les exclusions et les programmes régionaux d'accès à la prévention aux soins (PRAPS), des interventions partenariales se développent sur le terrain, notamment autour des centres d'examen de santé des caisses ou de structures mutualistes et associatives. Après un début hésitant, les permanences d'accès aux soins se mettent en place en milieu hospitalier (7). Pour les rapporteurs, il faut « repréciser le rôle et les missions des permanences d'accès aux soins de santé, envisager une enquête [...] pour capitaliser les expériences et, à terme, diffuser un guide de bonnes pratiques dans les milieux hospitaliers ». Et également « développer des actions d'éducation à la santé auprès des publics bénéficiaires de la CMU » de façon concertée entre l'Etat et les différents acteurs sociaux.

L'aide médicale de l'Etat

L'aide médicale de l'Etat s'adresse essentiellement, depuis la mise en œuvre de la CMU, aux étrangers en situation irrégulière. Pour eux, globalement, l'accès aux droits et aux soins a été amélioré. Néanmoins, le rapport relève quelques difficultés dans l'application de la loi : un accueil insuffisamment banalisé dans certaines caisses, un déficit d'information et des réticences en matière de domiciliation. Dans la perspective d'une amélioration de l'accès aux soins, l'IGAS juge prioritaire de supprimer le régime applicable aux enfants mineurs d'étrangers en situation irrégulière, pour lesquels la disparition de l'aide médicale de l'Etat engendre un recul de leurs droits (8). Et aussi, d'éliminer la distinction dans l'accès aux soins (hospitaliers ou de ville) selon l'ancienneté de résidence en France (plus ou moins de trois mois) qui apparaît à la fois peu fondée et génératrice « de complexités inutiles dans la gestion du dispositif ».

C.S.

Notes

(1)  La loi du 27 juillet 1999 prévoit un rapport tous les deux ans de son application, voir ASH n° 2129 du 20-08-99.

(2)  Voir aussi « Les bénéficiaires de la CMU au 30 septembre 2001 »  - Etudes et résultats n° 158 - DRESS.

(3)  Voir ASH n° 2224 du 20-07-01.

(4)  Voir ASH n° 2223 du 13-07-01.

(5)  Voir ASH n° 2240 du 7-12-01 et n° 2246 du 18-01-02.

(6)  Le président de l'Uniopss a souligné la difficulté pour les petites associations d'effectuer la domiciliation à la place des CCAS, voir ASH n° 2206 du 16-03-01.

(7)  Voir ASH n° 2225 du 24-08-01.

(8)  La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 affilie ces mineurs à la CMU, voir ASH n° 2246 du 18-01-02.

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