« Une réforme de l'ensemble de la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles est[...] aujourd'hui nécessaire. » Un jugement sévère des magistrats de la Cour des comptes dans un rapport (1) rendu public le 20 février, quelques jours après l'annonce de la poursuite de la hausse du nombre d'accidents du travail (2). Et qui donne du grain à moudre aux associations (3).
Au nombre des critiques, d'abord, la méconnaissance du risque. Aucune statistique d'ensemble n'est établie. Pire, ni la fonction publique territoriale, ni la fonction publique hospitalière n'en disposent. Quant à celle du régime général, elle montre ses limites, spécialement pour les maladies professionnelles. En effet, les indicateurs se révèlent peu fiables, notamment parce qu'ils ne tiennent pas compte des accidents légers. A ces insuffisances s'ajoutent une sous-déclaration des accidents du travail et un nombre trop faible de données épidémiologiques.
Puis la cour dénonce « l'insuffisante réactivité » de l'ensemble du système « dans les divers domaines de la prévention » des risques. D'après elle, le mode de tarification des cotisations accidents du travail, trop complexe, n'incite plus les employeurs à la prévention. Plus graves, les actions menées en la matière par le régime général sont, dans les faits, très limitées. Ainsi, bien qu'il ne représente que 3 % des dépenses de la branche, « le Fonds national de prévention des accidents du travail n'est consommé en moyenne qu'à 85 %. En outre, 80 % de ses dépenses couvrent des charges de fonctionnement [...] et seules 20 % vont à des interventions », relèvent les magistrats. Selon eux, l'exemple des risques liés à l'amiante - interdiction tardive du produit, adaptation peu rapide des tableaux des maladies professionnelles et retards dans l'indemnisation des victimes - illustre « les faiblesses de l'organisation actuelle de la prévention ».
Autre thème abordé par la cour : les procédures de déclaration, de reconnaissance et d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle regrette notamment la diversité des pratiques des caisses locales dans l'instruction des dossiers, source d'inégalité entre les victimes. Et réclame « une réflexion d'ensemble sur la réparation des risques professionnels », afin de rendre plus homogène l'indemnisation à l'intérieur même du régime accidents du travail-maladies professionnelles et de mieux l'articuler avec le droit commun (responsabilité civile ou pénale) ou encore les dispositifs spécifiques (amiante...).
Enfin, les magistrats de la rue Cambon se montrent très critiques vis-à-vis de l'action des pouvoirs publics contre les risques professionnels. « Ni au plan national ni au plan local n'existe de véritable centre d'impulsion ayant une vue d'ensemble des risques professionnelles et des actions menées », déplore le rapport. Et les difficultés de fonctionnement du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels « ne peuvent que ralentir l'adaptation de la réglementation et de l'action de prévention aux besoins sanitaires », ajoute-t-il.
(1) « La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles » - Février 2002 - Les éditions des journaux officiels : 26, rue Desaix - 75727 Paris cedex 15 - Tél. 01 40 58 79 79 - 7,80 € .
(2) Voir ASH n° 2250 du 15-02-02.
(3) Sur la réaction de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, voir ce numéro.