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Mort d'une résistante à la misère

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Le nom de Geneviève de Gaulle-Anthonioz restera attaché à la loi contre les exclusions. Incarnant l'esprit de résistance face à la misère, elle avait fait de la lutte contre la grande pauvreté un combat pour les droits de l'Homme.

Responsables associatifs, syndicaux, personnalités politiques de droite ou de gauche... Ils ont été nombreux à rendre hommage à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qui s'est éteinte à 81 ans, le 14 février. Fleurs et couronnes tressées, une fois n'est pas coutume, avec la même sobriété, à l'image de cette grande dame écoutée et res-pectée.

L'ancienne présidente d'ATD quart monde (de 1964 à 1998), dont le nom restera attaché à la loi contre les exclusions, a-t-elle changé le regard sur la pauvreté ? En tout cas, comme l'exprime Jacky Mamou, président d'honneur de Médecins du monde, elle a incarné l'esprit de résistance face à la pauvreté. « Une résistance qui dépend des politiques, mais aussi de chacun d'entre nous. » Attitude qui s'enracine bien sûr dans l'histoire de celle qui, déportée à 22 ans, avait été éprouvée dans sa chair par la négation de tous les droits. La même privation qu'elle disait avoir retrouvée sur le visage des personnes confrontées à l'extrême misère.

Ce refus de l'inacceptable va imprégner tout son combat pour obtenir que la proposition du père Joseph Wrésinski d'une loi d'orientation permettant un traitement global de la pauvreté soit reprise par le gouvernement. Combat qu'elle mènera au sein du Conseil économique et social  (CES) pour qu'il intègre cette idée dans l'avis sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre la pauvreté (1995) dont elle est rapporteur. Mais aussi, aux côtés du collectif Alerte, pour éviter l'enlisement du chantier législatif ouvert par le gouvernement Juppé et interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997. Car si sa pugnacité et son charisme ont bien évidemment joué, la nièce du général de Gaulle croyait beaucoup à la mobilisation collective, relève Gilbert Lagouanelle, directeur du pôle action institutionnelle du Secours catholique. « Elle avait compris l'intérêt d'avoir un front uni contre la pauvreté représentant la société dans toutes ses composantes et ses sensibilités », ajoute Jacky Mamou. C'est ainsi qu'en octobre 1996, une soixantaine d'associations (dont les chômeurs, Droit au logement) s'étaient mobilisées pour dénoncer le peu d'ambition de l'avant-projet du gouvernement Juppé.

Mais la résistance, chez elle, se doublait d'un sens aigu de la dignité des personnes. « Il n'y a de vrais droits que si tous les partagent », défendait celle qui concevait la lutte contre la pauvreté comme un combat pour les droits de l'Homme. D'où son attachement à ce que figure, dans l'article 1 de la loi, la référence à l'égale dignité de tous les êtres humains et le respect des droits fondamentaux. « Il ne s'agissait absolument pas pour elle de faire des droits spécifiques pour les plus pauvres, point sur lequel elle a longtemps été mal comprise », précise Didier Robert, membre du CES pour ATD quart monde. Refusant l'assistance, « elle voulait que les personnes soient reconnues comme acteurs et non comme bénéficiaires de prestations », insiste également Jacky Mamou. Car, et c'est là où elle dérangeait beaucoup, elle obligeait à avoir sur ces publics un regard positif. « Elle mettait en évidence comment, dans des situations d'extrême violence, ils faisaient face avec héroïsme et avaient la volonté de s'en sortir », se souvient Hugues Feltesse, ancien directeur général de l'Uniopss. « Ceux que détruit la misère peuvent seuls nous apprendre ce qu'ils voudraient vivre », avait-elle d'ailleurs écrit (1). « Mais elle n'était pas naïve, précise Didier Robert. Elle savait qu'après le vote de la loi, tout resterait à faire pour faire bouger les mentalités. Et parvenir à ce que la société ne se décharge plus de sa responsabilité sur les associations et les travailleurs sociaux. »

Tous ne partageaient pas totalement son analyse centrée davantage sur une vision « héroïque » des personnes que sur la dimension socio- économique des problèmes. Elle restera néanmoins l'une des grandes figures de la lutte contre l'exclusion.

Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Dans Le secret de l'espérance - Fayard - Ed. Quart Monde - 10 €.

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