Il existe une « distorsion latente » entre la réalité des profils et des parcours des étrangers qui arrivent en France pour y vivre et « la permanence des représentations associées à ces populations par les instances administratives et, plus largement, par la société ». Persistent en effet dans les esprits à la fois « la figure de l'émigré pauvre, faiblement qualifié », calquée sur l'image des années 50, et « une approche du parcours d'intégration pensé de manière unilatérale par le pays d'accueil, sur le mode d'un parcours plus ou moins initiatique, long, complexe, douloureux... ». L'étude sur l'accueil des primo-arrivants d'où émane ce constat, effectuée pour le compte du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild, nouveau nom du FAS) et par le cabinet Vérès Consultants (1), met pourtant en avant l'extrême diversité de ces personnes : cadres de haut niveau ou personnes faiblement qualifiées qui se déplacent de pays en pays au gré des opportunités d'emploi, étrangers ayant pour projet explicite de devenir français, ou au contraire sans projet, « soit parce qu'ils n'ont pas eu le temps de l'élaborer, soit parce qu'ils vivent à l'ombre du conjoint ou de la famille »... « Dans tous ces cas, la notion même d'intégration est interprétée différemment et, parfois, ne fait pas sens », pointe le document. Celui-ci relève également « l'absence de prédictibilité du parcours des nouveaux venus, [qui] ne se construit pas “en vase clos”, mais en interaction continue avec le milieu dans lequel ils se trouvent (famille, quartier, administrations, soutiens divers...) ».
L'étude questionne « la pertinence du schéma d'intégration à l'œuvre aujourd'hui : les plus-values de la lenteur et de la complexité du parcours d'intégration n'apparaissent pas évidentes ». Elles contribuent en effet à fragiliser davantage des personnes déjà ébranlées par le départ de leur pays d'origine et tendent à « favoriser le développement de problèmes sociaux ». Lesquels « rétroagissent [...] sur l'approche de l'intégration par les acteurs institutionnels en la tirant du côté du social, à l'exclusion d'autres dimensions », comme l'information, ou les partenariats avec des entreprises.
Soulignant les immenses difficultés rencontrées par les primo-arrivants pour obtenir une carte de séjour, s'inscrire à la sécurité sociale, accéder à un logement ou encore scolariser leurs enfants, ainsi que la « méconnaissance fréquente, par des administrations, des droits des nouveaux arrivants », les auteurs considèrent les enjeux de l'accomplissement de ces différentes démarches comme largement sous-estimés. « Alors même que ce parcours pourrait être envisagé comme un lieu où prend forme le “contrat social” (au sens large du terme) entre le nouvel arrivant et la société d'accueil (rappel des droits et devoirs...). »
Tel n'est pas le cas. Rien d'étonnant, donc, que les primo-arrivants attendent « plus d'efficacité et de coordination entre les institutions » et insistent sur la nécessité d'un relais de « professionnels maîtrisant bien les circuits et capables de donner des conseils pointus » dans les différentes administrations et dans divers services stratégiques, comme les bailleurs sociaux, les agences locales pour l'emploi... Autre amélioration préconisée par les auteurs, une plus grande implication des communes dans le plan départemental d'accueil. « Il faudrait prendre l'attache des chefs de projet “politique de la ville”, “contrat éducatif local”, “contrat local de sécurité”, etc. » et « développer les mises en réseau locales. » En coordonnant mieux, par exemple, les services municipaux, entre eux ou avec les autres administrations, et en prenant appui sur des « relais privilégiés » : associations de techniciennes de l'intervention sociale familiale, femmes-relais, organismes de formation linguistique... A l'heure actuelle, cependant, « la catégorie du “primo-arrivant” ne fait pas sens pour tous les acteurs, loin s'en faut, d'où la difficulté à faire du suivi des personnes et des familles en tant qu'arrivantes un objet de politique locale et à faire émerger un partenariat ».
(1) Et synthétisée dans la revue de l'Agence pour le développement des relations interculturelles : « Les plates- formes d'accueil des primo-arrivants : l'enquête auprès des bénéficiaires » - Migrations études n° 103 bis - Décembre 2001 - ADRI : 4, rue René-Villermé - 75011 Paris - Tél. 01 40 69 19 - Disp. sur le site