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Un collectif veut réformer les modalités de recrutement des personnels de la PJJ

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Alors que la délinquance des mineurs est l'objet de surenchères électoralistes et qu'une commission d'enquête a été créée au Sénat (1), un collectif d'hommes politiques (de gauche), de juristes, et d'anciens professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a décidé de replacer les débats à leur juste place, loin des propos démagogiques des uns et des autres. Lassé des discours sur le tout sécuritaire et constatant que la PJJ n'arrive plus à faire face à un certain nombre de problèmes de société, il vient ainsi de lancer un appel « pour le maintien de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs et pour une réforme des modalités de recrutement des personnels de la PJJ ». Car ce sont bien ces dernières, défend-il, qui posent aujourd'hui problème. Et c'est ce message qu'entend marteler le collectif - fort aujourd'hui d'une vingtaine de personnalités (2)  - réuni autour de Jean Pontier, député de l'Ardèche  (PRG), espérant sensibiliser la classe politique, l'opinion publique, mais aussi les jeunes professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (3).

La révision de l'ordonnance de 1945 : un recul !

Le texte vise d'abord à obtenir le maintien de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante en resituant le contexte de son élaboration. Un contexte « marqué par une conception volontariste et généreuse de l'organisation sociale, surplombée par l'Etat qui en est à la fois garant et arbitre » « Symboliquement, par-delà ses aspects juridiques », l'ordonnance de 1945 s'inscrit dans le grand retour de la laïcité de l'Etat, rappellent les signataires. « Le juge des enfants, investi du pouvoir régalien, devient l'homme de synthèse des apports du psychiatre, de l'éducateur, de l'assistante sociale et garant de la mesure éducative. »

Tordant le cou au faux débat sur le laxisme du texte, le collectif rappelle que si l'ordonnance crée une juridiction spécifique pour juger les enfants qui permet de substituer aux mesures répressives des mesures d'éducation, elle stipule (dans son article 2) que « le juge pourra, lorsque la personnalité de l'enfant l'exige, prononcer une condamnation pénale ». Et elle offre la possibilité de prendre, à l'encontre des mineurs, « toute la gamme des mesures juridiques, depuis la simple admonestation jusqu'à l'incarcération, en passant par la liberté surveillée, le foyer de semi-liberté, l'internat spécialisé, dont on peut imaginer toutes les formes, sans exclure les centres de placement immédiat ou à encadrement renforcé ». Ainsi, « sauf à en vouloir plier la fonctionnalité aux surenchères électoralistes, la mise en cause de l'ordonnance de 1945 n'a pas la moindre justification ». Pire, estiment les signataires, sa révision serait un grave recul par rapport aux belles réformes portées par le gouvernement provisoire présidé par le général de Gaulle. « Plus prosaïquement, elle marquerait la soumission des pouvoirs publics et de l'Etat aux discours sécuritaires alarmistes, démagogiques et anti-jeunes, sans que pour autant la préoccupante question de la sécurité s'en trouve un tant soit peu traitée. »

Pour le collectif, la révision de l'ordonnance de 1945 est donc un faux débat. Par contre, et c'est tout l'intérêt de son appel, il relève que le problème tient d'abord aux conditions de recrutement des personnels de la PJJ. « Si tant bien que mal, parfois plutôt mal il faut le reconnaître, la PJJ a pu jusqu'ici faire face aux nécessités liées à l'ouverture de nouveaux centres adaptés aux formes nouvelles prises par la délinquance des jeunes, il ne fait aucun doute que cela ne pourra durer. En effet, sans une réforme profonde des procédures de recrutement, elle ne sera plus en mesure d'assurer dans des conditions satisfaisantes pour les citoyens ses missions de service public et de sécurité. » Un point de vue qui a le mérite, là aussi, de dépasser les discours focalisés uniquement sur le manque de personnel de la PJJ.

Le collectif rappelle notamment que les premiers personnels éducatifs ont été soit, dès 1945, recrutés par les établissements, soit, à partir de 1953, issus d'un concours de la fonction publique. C'est à partir de 1955 que l'administration fait appel à des contractuels disposant d'une expérience sociale et d'un bon niveau culturel. « C'est essentiellement grâce à ce recrutement parallèle que les internats destinés aux mineurs les plus difficiles ont pu fonctionner », soulignent les signataires. « Pour ces personnels, la titularisation en qualité d'éducateur, après un minimum de trois années de service, a constitué une incontestable promotion sociale et pour la profession un enrichissement. En effet, beaucoup d'entre eux ont par la suite accédé à des postes de responsabilité où ils ont démontré une indéniable autorité morale et un sens marqué du service public. »

Ouvrir une voie d'accès hors concours de la fonction publique

Le collectif déplore que cette voie n'existe plus, depuis l'instauration d'un recrutement de masse à partir des années 66-70, selon les normes de la fonction publique. Il constate en effet que « la majorité des personnels recrutés par voie de concours, n'a, sauf exception, aucune expérience professionnelle ou sociale susceptible d'apporter une stabilité émotionnelle et la maturité requises pour prendre en charge des groupes d'adolescents en rupture, souvent perturbés psychologiquement, violents ». Ce qui expliquerait la tendance à valoriser la relation individuelle au détriment de l'action collective. Phénomène auquel s'est ajoutée dans les années « post-68 », l'influence des discours des sciences sociales critiques et anti-autoritaires qui, « par effet de rabattement », ont donné lieu « à une instrumentalisation des pratiques éducatives » qui ne sauraient être que permissives et non directives. Sans compter le risque, relevé par le collectif, que le métier d'éducateur soit vécu par certains agents surdiplômés comme « une régression sociale » ou « un palliatif dans l'attente d'autres opportunités professionnelles ».

En clair, affirment les signataires, « tous les projets de création de nouvelles structures d'accueil, de rééducation, voire dans des cas limites, de contention (internats, centres de placement immédiat, centres éducatifs renforcés), destinés à éloigner les jeunes multirécidivistes ou violents de leur milieu de vie, tout en leur apportant de réelles possibilités de reclassification sociale en les aidant à se réinscrire dans le collectif qui les fera sujets conscients de droit, resteront lettre morte si fait défaut le personnel hautement qualifié pour les faire fonctionner ».

Le collectif formule donc une série de propositions pour réformer les modalités de recrutement. Il suggère ainsi que, dès 2002 et comme dans les années 55-60, les directions régionales puissent embaucher sans condition de diplôme pour une période d'essai de trois mois « des personnels fortement motivés, paraissant disposer des qualités physiques et intellectuelles nécessaires à la prise en charge de groupes de mineurs en difficulté ». Période au bout de laquelle le candidat se verra proposer un contrat à durée déterminée de trois à cinq ans. Au cours de celui-ci, il sera tenu de suivre une formation « dont les modalités devront être soigneusement établies et qui devra porter, pour partie, sur les dimensions théoriques de la profession ». Parallèlement et après validation des acquis, le candidat construira, avec l'appui d'un tuteur, un profil individualisé de formation conduisant à la rédaction d'un mémoire. Et à l'issue de la période de trois ou cinq ans, le candidat éducateur sera titularisé après soutenance de son mémoire.

I. S

Notes

(1)  Voir ce numéro.

(2)  Parmi lesquelles, Paul Avy, directeur honoraire du centre de formation de la PJJ, Jacques Coube et Raymond Cousin,  directeurs départementaux honoraires de la PJJ, Yves Douchin, Gérard Grelet et Jean Guéry, directeurs régionaux honoraires de la PJJ et présidents d'associations d'insertion et de rééducation, Gérald Deville, conseiller honoraire à la Cour de cassation,  Myriam Ezratty, première présidente honoraire de la cour d'appel de Paris, Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat.

(3)  Contact : Permanence parlementaire, Jean Guéry - BP 07- 07300 Saint-Jean-de-Muzols - Tél. 04 75 07 07 25 - Fax : 04 75 07 07 27 - jpontier@inforoutes-ardeche.fr.

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