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éBAUCHE D'UNE COUVERTURE LOGEMENT UNIVERSELLE

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Le Conseil national de l'habitat a remis, le 31 janvier, à la secrétaire d'Etat au logement un rapport sur un possible dispositif de « couverture logement universelle », donnant un premier contenu concret à cette idée. Un travail riche... occulté - c'est dommage - par une polémique autour de la suppression des cautions.

D'ordinaire, c'est l'inverse. Lorsqu'un organisme consultatif ou un expert remet un rapport à un ministre, celui-ci se saisit généralement des préconisations les moins polémiques, auxquelles il s'efforce de donner une réalité. Le document remis à la secrétaire d'Etat au logement, le 31 janvier, par le Conseil national de l'habitat (CNH)   (1) sur un dispositif de couverture logement universelle vient de connaître un sort opposé. En déclarant, à cette occasion, qu' « il faut arriver à ce que plus personne ne sorte d'argent pour entrer dans un logement en location et ce quel que soit le niveau de revenu ou du loyer » et en se prononçant d'emblée de la sorte pour la suppression du dépôt de garantie pour tous les locataires, Marie-Noëlle Lienemann est allée au-delà des propositions du groupe de travail du CNH. Cette radicalisation n'est évidemment pas étrangère au calendrier électoral. La ministre ne s'est d'ailleurs pas cachée de vouloir faire de la couverture logement universelle - qui figure dans le programme du Parti socialiste - un des enjeux de la campagne. Mais les membres du groupe (2), tant du côté des professionnels de l'immobilier que des acteurs associatifs, se sont sentis quelque peu bousculés, alors que le rapport insiste sur la nécessité de poursuivre les travaux. « Ce projet de couverture logement universelle, de nature à bouleverser en profondeur l'économie du logement, est trop important pour être utilisé à des fins politiques : [...]inachevé en l'état, de l'avis même des membres du CNH, [il] demande plus de réflexion et de concertation, dans le respect des partenaires », estime ainsi l'Union nationale de la propriété immobilière. A laquelle la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale  (FNARS), rapporteur du groupe, ne donne pas tort : « C'est une étape de la réflexion. Le rapport lance un certain nombre de pistes mais se montre prudent quant à leur réalisation. »

Il serait pourtant dommage que les arrière-pensées électoralistes et la polémique cristallisée autour de la suppression du dépôt de garantie viennent occulter la richesse du document, fruit de six mois de travail. Bien que « préparatoire », il n'en est pas moins très complet et trace pour la première fois, d'une façon relativement précise, les grands traits de cette couverture logement universelle (future CLU ?). Une idée qui a germé il y a quelques années du côté de l'Association pour la coordination des moyens d'intervention pour le logement et qu'a reprise la FNARS lors de journées d'études en novembre 2000 (3).

Le contexte est bien connu. Il y a en France environ 2,5 millions de mal-logés et 200 000 personnes qui ne disposent pas de logement ou qui vivent dans des cabanes de fortune, des caravanes, à l'hôtel, chez des amis (4)... Le déséquilibre entre la demande, « de plus en plus variée et éclatée », et l'offre « quantitativement et qualitativement inadaptée » - déficit de petits logements dans le parc locatif social, de logements à bas loyer dans le parc privé ou de grands logements dans le parc HLM récent... - contribue à cette situation. L'écart croît également entre « une demande tirée vers le bas sous l'effet du chômage et de la précarisation de l'emploi et une offre tirée vers le haut » avec l'effritement du parc locatif à bon marché et l'augmentation des loyers supérieure à celle des prix à la consommation... Ce qui conduit à « un renforcement des mécanismes de sélection des propriétaires et investisseurs face au risque, ainsi qu'à un durcissement des pratiques de location ».

De nombreux dispositifs facilitent cependant l'accès des plus démunis au logement et leur maintien dans leur habitation (5). Mais ils sont dispersés et complexes - donc difficiles d'accès -, et ne garantissent pas, d'une façon générale, l'égalité et la continuité des droits. Les aides personnelles au logement, malgré la récente et bienvenue unification des barèmes, comportent encore des failles : le mois de carence à l'ouverture des droits - qui « crée des situations d'impayés précoces ou met en jeu d'autres systèmes d'aide », comme le Fonds de solidarité pour le logement  (FSL)  -, la modicité du forfait charges au regard du coût réel de ces dernières... A cette solvabilisation imparfaite s'ajoute un manque de réactivité face aux changements de la situation familiale et professionnelle. Par ailleurs, le système Loca-pass, abondé par une partie de la collecte du 1 % logement, finance la caution et garantit le loyer sur une durée maximale de trois ans, sous la forme d'avances remboursables. Mais ce droit n'est ouvert que pour certaines catégories de publics : les salariés des secteurs assujettis à la participation des employeurs à l'effort de construction, les moins de 30 ans à la recherche ou en situation de premier emploi et les étudiants boursiers. Quant au FSL, il « assure une prestation de même nature [que le Loca-pass] pour les populations défavorisées, mais sur instruction sociale ; le droit qui en découle est donc relativement arbitraire ». Il apparaît, en outre, insuffisamment articulé avec les autres dispositifs, par exemple les sections départementales des aides publiques au logement ou les commissions de surendettement. Surtout, il pose le problème de l' « équité territoriale », les conditions d'intervention variant notamment beaucoup d'un département à l'autre.

La couverture logement universelle décrite dans le rapport du CNH - qui ne s'attache dans ce document, conformément à la commande, qu'au secteur locatif - a pour but de remédier à ces défauts. Elle ne consiste pas en une mesure unique mais en une combinaison d'actions pour améliorer les dispositifs existants - combler leurs failles, mieux les coordonner, les simplifier -, maintenir la continuité des droits et l'égalité dans l'ensemble du pays. Avec cet objectif : le « renforcement de la solvabilisation et des garanties locatives, afin d'assurer un accès sécurisé à l'offre pour le locataire et une couverture des risques locatifs pour le bailleur ».

Premier axe de travail, l'amélioration des aides au logement, grâce à la suppression du mois de carence, une meilleure intégration des charges dans les calculs, un relèvement des loyers plafonds... S'y ajoute un système de garantie des dettes locatives, couvrant à la fois les dégradations et, pendant trois ans, les impayés de loyer, qui viendrait remplacer l'actuelle caution. Celle-ci présente notamment l'inconvénient, pour les bailleurs, de ne pas garantir les dégradations lourdes et, pour les locataires, de renchérir considérablement le coût de l'entrée dans un logement, voire, pour les plus modestes, de le rendre impossible. Ce système reposerait sur des fonds abondés par le FSL et le 1 % logement, mais également par d'autres financeurs, afin de prendre en compte les publics non éligibles aux deux premiers : fonctionnaires, retraités, professions agricoles, étudiants, commerçants, artisans... Cela pourrait être réalisé par « une participation des organismes sociaux » intervenant dans ces secteurs , indique le rapport. La gestion de ces fonds pourrait rester différenciée, mais, condition de l'universalité, « les droits ouverts aux locataires par le système devront être les mêmes pour toutes les catégories de bénéficiaires ». Enfin, troisième élément de cette architecture, la mise en place d'un système de prévoyance, fondé sur une cotisation partagée entre les locataires et les bailleurs, qui prendrait en charge, au-delà des trois premières années, le loyer et les charges pendant une période limitée en cas d'aléas de la vie personnelle ou professionnelle.

Les autres rapports du CNH

Le Conseil national de l'habitat  (CNH) a rendu, le 31 janvier, plusieurs autres rapports.

 L'un porte sur ses orientations « pour le développement du parc locatif privé à caractère social ». Il se prononce pour un nouveau conventionnement de ce parc, l'actuel remontant à la fin des années 70. Il s'agirait notamment de renforcer « à la fois les aides et les règles de fonctionnement, en recherchant un équilibre entre les avantages et les contraintes ». Ainsi, le niveau des loyers autorisés serait augmenté. Parallèlement, les collectivités locales et l'Etat seraient associés à l'attribution de ces logements.

 En matière de logement des jeunes, le conseil propose, entre autres, le développement de démarches conventionnelles entre les collectivités publiques et les acteurs associatifs. Il estime en outre nécessaire un « travail approfondi » autour du logement des jeunes en formation en alternance.

 Enfin, le CNH se prononce pour la réintroduction d'un critère de qualité du logement dans le calcul des aides personnelles au logement- supprimé avec l'unification des barèmes -, l'indexation des loyers-plafonds de ces aides sur l'indice du coût de la construction et la modification du barème du forfait charges par la prise en compte de la nature du parc.

Revoir l'accompagnement social

Le groupe de travail insiste aussi sur l'information sur les droits et les aides -  « un des axes essentiels de la couverture logement universelle »  : il préconise, contre le cloisonnement et le manque de lisibilité des guichets, la création de « dispositifs d'accueil et d'orientation repérables capables d'assurer une information en direction des bailleurs et des locataires et instruire les demandes de tout public sur l'ensemble des dispositifs relatifs au logement ». Il estime également nécessaire de revoir l'ensemble des pratiques d'accompagnement social dans le logement. « En effet, la multiplication des acteurs agissant dans [ce] champ [...]débouche parfois sur des interventions morcelées et peu cohérentes entre elles. » De même, il lui « apparaît nécessaire de soulever la question de la place, de la durée et des objectifs du logement temporaire ». Lequel « doit être maîtrisé et circonscrit, au risque de déboucher sur une multiplication des situations et des statuts à la marge du droit »   (6).

La balle est à présent dans le camp du ministère. Marie-Noëlle Lienemann a demandé à ses services de préciser les coûts des dispositifs et les financeurs potentiels. « Tous les partenaires de l'habitat, locataires, bailleurs, associations, professionnels, devront avoir la possibilité d'exprimer leurs avis, leurs critiques, leurs propositions... », a-t-elle souligné. En attendant, la polémique née de ses propos sur la fin des cautions n'a pas eu que des effets négatifs. Certains ne se disent pas mécontents que l'idée de couverture logement universelle ait ainsi été introduite- même de façon parcellaire - dans le débat public...

Céline Gargoly

La caution en débat

Les propositions concernant la structure de la couverture logement universelle « ont suscité de longs débats au sein du groupe », ne cache pas le rapport. Certes, il y a consensus sur l'instauration du système de garantie des dettes locatives. « Mais il n'y a pas unanimité sur ses modalités de mise en œuvre. » La suppression du dépôt de garantie, mise en exergue par la ministre, a été particulièrement discutée. L'Union des HLM, par exemple, a demandé son maintien, en suggérant l'instauration, « pour les familles en difficulté, d'une formule souple d'étalement de l'appel du dépôt en complément du système de garantie ». L'Union nationale de la propriété immobilière s'est aussi opposée à sa disparition, craignant des effets « déresponsabilisants » pour les locataires. On comprend que celle-ci ait vivement réagi aux propos de Marie-Noëlle Lienemann. D'autant plus que l'universalité de cette couverture « signifie que tous peuvent y prétendre s'ils sont confrontés à une situation entraînant une difficulté d'accès ou de maintien dans le logement », prend bien soin de préciser le document. On est loin, ici, de l'interprétation de la ministre, se prononçant pour une suppression des cautions sans condition de ressources.

Notes

(1)  Créée en 1983, cette instance consultative placée auprès du ministre délégué au logement regroupe en son sein notamment des élus nationaux et locaux, des représentants des constructeurs, des entreprises du bâtiment, des gestionnaires de logements, des organismes sociaux, des associations d'usagers, des membres de l'administration et des associations d'insertion et de défense des personnes en situation d'exclusion. Elle peut se saisir de toute question relative au logement et faire des propositions aux pouvoirs publics.

(2)  Présidé par la CFDT.

(3)  Voir ASH n° 2191 du 1-12-00.

(4)  Voir ASH n° 2248 du 1-02-02.

(5)  Environ 6 millions de personnes sont bénéficiaires d'une aide au logement versée par leur caisse d'allocations familiales ; 300 000 Loca-pass ont été distribués l'an dernier ; et le FSL aide environ 250 000 ménages par an.

(6)  Voir ASH n° 2196 du 5-01-01.

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