En France, 10 534 personnes sont décédées par suicide en 1998 (dernier chiffre connu), ce qui représente plus de 2 % des décès de l'année. Ce sont les hommes qui ont (de loin) la plus mauvaise part en la matière puisque leur taux de suicide (30 pour 100 000) est trois fois supérieur à celui des femmes. Ces dernières font pourtant 70 % des 160 000 tentatives de suicide recensées.
La tendance est à une diminution continue des suicides depuis 1993 (12 251), mais la France reste parmi les pays développés les plus affectés (elle n'est dépassée que par l'Autriche). La mort auto-administrée reste la première cause de décès chez les 25-34 ans et le deuxième facteur chez les 15-24 ans, juste derrière les accidents de la route. Les suicides des moins de 15 ans - qui sont une réalité - demeurent mal répertoriés, en partie parce qu'ils sont parfois difficiles à détecter derrière des conduites à risques. Sans doute aussi parce qu'ils semblent insupportables et indicibles.
Au contraire, le suicide des personnes âgées (qui a touché près de 3 000 plus de 65 ans en 1998) « provoque peu d'émoi médiatique », note Jean-Claude Blond, psychiatre. Il reste « constamment sous-évalué et banalisé. Pourtant les chiffres sont accablants. La France est l'un des pays qui suicident le plus ses vieillards, dans une certaine indifférence. » Malgré un indiscutable début de sensibilisation des acteurs gérontologiques.
Reste la tranche des actifs, de 25 à 65 ans, la seule où le nombre de suicides continue d'augmenter légèrement. « C'est l'âge où l'on fait face à des ruptures, conjugales, familiales, sociales ou professionnelles », commente le professeur Michel Debout, président de l'Union nationale pour la prévention du suicide (1), qui regroupe 22 associations et organise, le 5 février de chaque année, la journée de prévention du suicide. L'accent a notamment été mis cette fois sur le stress lié au travail, à la suite d'un rapport remis par Christian Larose, membre du Conseil économique et social. Evoquant les « tragédies sociales » des restructurations et des licenciements, celui-ci met en cause « la brutalité des stratégies économiques qui font abstraction du facteur humain ». Il dénonce aussi le harcèlement moral insidieux qui peut mener au suicide par perte de l'estime de soi. Autant de facteurs qui appellent au maintien de la vigilance et à l'adaptation des politiques de prévention à tous les âges de la vie.
(1) UNPS : 4, place de Valois - 75001 Paris - Tél. 01 40 20 43 34.