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Enfin une réforme des tutelles en perspective ?

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La mission Favard, dont le rapport sur les tutelles avait été rendu public en mai 2000 (1), peut enfin se réjouir ! Après deux ans d'un relatif silence du gouvernement sur le sujet, Marylise Lebranchu, ministre de la Justice, accompagnée d'Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a présenté, au conseil des ministres du 30 janvier, une communication sur la réforme de la protection juridique des majeurs, reprenant l'essentiel de ses propositions. Ce projet de loi devrait être finalisé rapidement pour être soumis in extremis en conseil des ministres et déposé au Sénat avant la fin de la législature, soit le 22 février. Sera-t-il voté après les élections ? La procédure veut qu'un texte déposé devant cette chambre n'ait pas besoin d'être redéposé après des élections législatives. Et, au ministère, on affirme qu'il s'agit d'un texte consensuel qu'aucun gouvernement ne pourrait se dispenser de porter devant le Parlement, d'autant que 540 000 personnes sont aujourd'hui concernées.

Les droits de la personne

Premier volet de cette réforme : réaffirmer les droits de la personne majeure protégée, expression se substituant à celle de majeur incapable, en se laissant guider par trois principes. La mesure de protection juridique doit, en effet, être nécessaire, subsidiaire et individualisée.

Symboliquement, le projet de loi devrait permettre au juge des tutelles d'autoriser le majeur protégé à exercer son droit de vote.

Par ailleurs, alors qu'aujourd'hui le juge peut se saisir d'office - ce qui se produit dans 56 % des procédures -, le texte limite ses saisines aux situations d'urgence. Parallèlement, outre la famille stricto sensu, toute personne proche devrait pouvoir présenter une requête au juge des tutelles. Par personne proche, il faut entendre celle qui a des relations stables et étroites avec le majeur.

Autre mesure annoncée : une évaluation médico-sociale des situations individuelles, préalable à l'entrée dans le dispositif judiciaire. L'objectif étant de remédier à l'hétérogénéité des publics pris en charge judiciairement, à l'utilisation parfois abusive des mesures de protection et de s'assurer que les conditions requises pour une telle mesure sont réunies. Il ne s'agit pas de créer « un organisme institutionnel qui s'ajouterait à ceux déjà existants », a précisé Elisabeth Guigou, mais de réunir à l'échelon départemental ou infra-départemental « des groupes d'évaluation médico-sociale ». Leur composition sera souple avec un représentant de l'équipe médico-sociale de l'allocation personnalisée d'autonomie, un travailleur social des services départementaux d'action sociale, un membre de l'équipe de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel... Toute personne ou service connaissant une situation de majeur en difficulté, en particulier les services sociaux,

pourra demander une évaluation avant saisine de l'autorité judiciaire. De même, le procureur de la République ou le juge des tutelles pourront également, en amont ou à tout moment de la procédure, solliciter la réunion de ce groupe. Cette mesure viendra en complément de l'encadrement plus strict de la saisine d'office du juge des tutelles.

Afin de mettre un terme à la forte progression des doublons, c'est-à-dire des cumuls entre tutelle aux prestations sociales adultes et mesure de protection civile (curatelle, tutelle...), l'actuelle tutelle aux prestations sociales adultes devrait être remplacée par une mesure budgétaire et sociale, sous le contrôle du juge. Inscrite dans le code civil, il s'agira d'une gestion limitée aux prestations sociales, sans aucune des incapacités attachées à la tutelle ou à la curatelle, pour les personnes qui refusent un accompagnement social personnalisé proposé par les services sociaux et « dont la santé ou la sécurité sont gravement compromises du fait de leur incapacité à assurer seules la gestion de leurs prestations ». Elle sera assortie d'un accompagnement social.

Enfin, la réforme donne la priorité aux dispositifs de droit commun (dans le cadre des régimes matrimoniaux, des mandats) sur ceux de la protection juridique. En outre, il est prévu la mise en place d'un « mandat sur protection future », établi devant notaire, permettant à une personne ayant ses pleines capacités d'en choisir une autre pour la représenter si quelque chose lui arrivait, sous réserve d'un contrôle a posteriori du juge des tutelles.

Toujours dans le souci d'améliorer les droits des personnes protégées, l'avant-projet comporte une série de dispositions leur permettant de mieux exprimer leur volonté au cours de la procédure. Ainsi, le juge sera saisi au vu d'un dossier plus complet qu'aujourd'hui. Le requérant devra notamment avoir à fournir, à l'appui de sa demande, des informations permettant d'apprécier la situation patrimoniale de la personne à protéger, présenter un certificat médical circonstancié et argumenté. Par ailleurs, s'appuyant sur la recommandation du Conseil de l'Europe du 23 février 1999, la réforme se prononce en faveur d'une audition obligatoire du majeur protégé par le juge des tutelles dès l'ouverture de la procédure. Seules exceptions : l'état du majeur et le risque pour sa santé que cette consultation pourrait générer. Le majeur non assisté d'un avocat devra être averti de son droit à l'assistance d'un avocat dès la première convocation.

Le texte organise, ensuite, la communication du dossier du majeur. Lequel devra être communiqué à tout moment de la procédure pour l'avocat, et pas seulement, comme c'est le cas actuellement, dans les 15 jours qui précèdent l'audience. A défaut d'avocat, l'intéressé disposera d'un accès direct sauf pour ce qui est du certificat médical et du contenu de l'évaluation médico-sociale. Le projet de loi propose également une révision périodique des mesures de protection tous les cinq ans au maximum et, s'agissant des voies de recours, prévoit de les harmoniser.

La formation, le recrutement et le statut des délégués

Autre pan de l'avant-projet de loi qui devrait s'appuyer sur un arsenal réglementaire : instaurer un référentiel commun de formation obligatoire pour toute personne, autre qu'un membre de la famille, assurant la gestion d'une mesure de protection. Ce, pour répondre au manque d'unité actuel concernant le statut, la formation ou le recrutement des intéressés. Cette formation unique de « délégué à la protection juridique des majeurs  » sera sanctionnée par un certificat national de compétence. Lequel sera nécessaire pour l'inscription sur une liste nationale de délégués.

Le contrôle des comptes des majeurs

Parmi les obligations permettant une meilleure surveillance, les gestionnaires de tutelles sont également invités à renforcer leurs contrôles internes par le recours à des commissaires aux comptes. En outre, l'avant-projet instaure une obligation d'assurance en responsabilité civile. Objectif : mettre fin à la pratique des comptes pivots par lesquels les associations gèrent sur un compte global le patrimoine de plusieurs majeurs protégés. Chacun devant, dans l'esprit de cette réforme, avoir un compte courant.

Par ailleurs, le ministère a annoncé que de nouveaux agents du Trésor, d'ores et déjà dépêchés dans le ressort de deux cours d'appel (Bourges et Angers), seront mis à la disposition de 15 cours d'appel. Leur mission étant de faciliter le contrôle des comptes par les greffiers en chef.

Une unification des financements

Enfin, alors que le système actuel se caractérise par un assemblage disparate de réglementations prévoyant des financements divers en provenance de l'Etat, des majeurs protégés eux-mêmes et des caisses d'allocations familiales, la réforme prône l'institution d'un financement par dotation globale se substituant au mécanisme de tarification à la mesure en vigueur actuellement. Toutefois, pragmatique, le texte préconise, en premier lieu, une expérimentation en 2003 et une généralisation dans les deux ans. Par ailleurs, l'idée est également d'harmoniser la rémunération de tous les délégués et d'étendre le dispositif de prélèvement sur ressources applicable aux tutelles et curatelles qui retient un principe de rémunération du tuteur croissante en fonction des revenus du majeur et un plafonnement.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2168 du 26-05-00.

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