« En philosophie, il faut se défier de ce qu'on croit entendre trop aisément, aussi bien que des choses qu'on n'entend pas. » Appliquée au travail social, cette maxime de Voltaire pourrait rendre compte du projet d'Alain Boyer. Si bien des notions, quotidiennement utilisées, sont considérées comme allant de soi, l'auteur s'emploie ici à les revisiter à la lumière de questions posées par ses étudiants en formation. Emaillés de comparaisons imagées et de vignettes cliniques qui fixent le souvenir, ces recueils de cours visent à donner aux professionnels du travail éducatif et médico-social des outils susceptibles de les aider à penser leur pratique. Aussi s'agit-il de débusquer, pour mieux les distinguer et les relier, les concepts essentiels qu'abritent des mots aussi fourre-tout que, par exemple, ceux de place et rôle, sujet, personne et individu, bien commun et intérêt général, pouvoir et autorité, liberté et autonomie, ou encore relation et interaction.
Lourde de présupposés - et de conséquences -, la notion de dette, par laquelle démarre la réflexion, illustre bien la démarche de déconstruction de l'auteur. Par de constants allers et retours entre le quotidien et sa mise en question, le lecteur est notamment conduit à cheminer à travers les idées d'obligation et d'emprise, de gratuité et d'ingratitude, de transmission, d'intention, de sujétion et de réciprocité. Illustrant le jeu du don et du contre-don qui engage le circuit de l'échange symbolique par de nombreux exemples puisés dans la mythologie, l'ethnologie et l'expérience concrète de travailleurs sociaux, Alain Boyer se montre, ici et là, plus ou moins convaincant. Mais tout au long il s'acquitte avec brio de sa mission : aider les professionnels à prendre du champ avec la leur.
Pages réalisées par Caroline Helfter Guide philosophique pour penser le travail éducatif et médico-social. La loi de l'échange (tome 1) - L'institution et la violence (tome 2) - Alain Boyer -Ed. érès - 23 € le volume .