(Décret n° 2002-10 du 4 janvier 2002, J.O. du 5-01-02)
Les règles de saisie et de cession des rémunérations ont été fixées par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, entrée en vigueur le 1er janvier 1993 (code du travail[C. trav.], art. L. 145-1 et suivants). Elles ont été complétées par le décret du 31 juillet 1992, modifié par celui du 15 juillet 1993 (C. trav., art. R. 145-1 et suivants). En outre, la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 a étendu la liste des prestations insaisissables (1).
Le barème fixant les proportions dans lesquelles les rémunérations annuelles sont saisissables ou cessibles est révisé annuellement, étant entendu que la loi garantit au salarié saisi un revenu minimum, égal au montant du revenu minimum d'insertion (RMI). Ces chiffres viennent d'être réévalués. Le nouveau barème est applicable aux rémunérations versées depuis le 1er janvier 2002.
Il sert également de référence à la détermination du montant des ressources minimales devant obligatoirement rester à la disposition du ménage surendetté pour lui permettre de faire face aux dépenses courantes : le « reste à vivre », institué par la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 (2). En effet, lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure de surendettement, les mesures de redressement décidées par la commission de surendettement ou le juge doivent nécessairement laisser à la personne surendettée un minimum de ressources. Celui-ci est déterminé par rapport au barème de saisie des rémunérations. Il ne peut jamais être inférieur au montant du RMI pour une personne seule (soit 405,62 € au 1er janvier 2002, majoré de 50 % pour un ménage, soit 608,43 €), quel que soit le nombre de personnes à charge. Si l'application du barème de saisie des rémunérations conduit à un minimum de ressources plus élevé que le RMI majoré ou non, c'est ce montant qui est laissé au débiteur surendetté.
A noter : les règles présentées ci-après s'appliquent tant à la saisie (le créancier oblige son débiteur à se libérer de sa dette en l'interceptant dans les mains du tiers saisi, le plus souvent, l'employeur) qu'à la cession des rémunérations (le débiteur décide lui-même de s'acquitter de sa dette en permettant à son créancier de percevoir à sa place une part de son salaire).
Les règles légales de saisie des rémunérations sont applicables :
à toute personne salariée ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs, quels que soient le montant et la nature de sa rémunération, la forme et la nature de son contrat ;
à toute personne se trouvant en arrêt de maladie, en situation de chômage, de cessation d'activité, etc., et qui perçoit à ce titre des sommes assimilées à des salaires ;
aux salaires et traitements des fonctionnaires civils et militaires.
Trois fractions doivent être distinguées :
une fraction totalement insaisissable laissée dans tous les cas au salarié, égale au montant du RMI pour une personne ;
une fraction saisissable par tout créancier selon un barème établi en fonction de la rémunération annuelle du salarié et du nombre de personnes à sa charge ;
une fraction relativement insaisissable qui ne peut être appréhendée que par les créanciers d'aliments. Dans ce cas, la rémunération peut être saisie dans sa quasi-totalité, à l'exception de la fraction totalement insaisissable égale au RMI.
Une somme est laissée, dans tous les cas, à la disposition du salarié saisi. Elle correspond au montant du revenu minimum d'insertion, sans correctif pour charges de famille, soit 405,62 € depuis le 1er janvier 2002.
Outre le RMI, un certain nombre d'autres prestations sociales, dont la liste a été complétée par la loi de lutte contre les exclusions, sont totalement insaisissables. Ce sont notamment :
l'allocation d'insertion et l'allocation de solidarité spécifique (C. trav., art. L. 351-10 bis) ;
les prestations en nature de l'assurance maladie, sauf pour le recouvrement des prestations indûment versées à la suite d'une manœuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration de l'assuré (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 322-7) ;
l'allocation aux adultes handicapés, sauf pour le paiement des frais d'entretien du handicapé (CSS, art. L. 821-5) ;
l'allocation de logement (CSS, art. L. 835-2) ;
l'aide personnalisée au logement, sauf pour le recouvrement des sommes indues (code de la construction et de l'habitation, art. L. 351-9) ;
les rentes d'accident du travail (CSS, art. L. 434-18) ;
le capital-décès, sauf pour le paiement de dettes alimentaires ou le recouvrement du capital indûment versé à la suite d'une manœuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration (CSS, art. L. 361-5) ;
les prestations familiales, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration de l'allocataire. Certaines d'entre elles sont également cessibles et saisissables, dans la limite d'un montant mensuel fixé par décret, pour le paiement des dettes alimentaires liées à l'entretien des enfants ou des frais d'hébergement, de soins et d'éducation dans un établissement pour handicapés (CSS, art. L. 553-4) (3). B - La fraction saisissable
Les proportions dans lesquelles les rémunérations sont saisissables sont progressives en fonction du montant du salaire.
Les sommes saisissables sont celles qui ont le caractère de salaire. Il en est ainsi notamment :
du salaire de base et des majorations pour heures supplémentaires ;
de l'indemnité de congés payés ou de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
de l'indemnité compensatrice de préavis ;
des accessoires et compléments de salaire, tels les avantages en nature.
Certaines prestations sont saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Citons notamment :
l'allocation d'aide au retour à l'emploi et l'allocation unique dégressive ainsi que les indemnités légales ou conventionnelles de chômage partiel (C. trav., art. L. 352-3 et art. L. 141-13) ;
les allocations versées par le Fonds national pour l'emploi (C. trav., art. L. 322-4) ;
les allocations spécifiques de conversion (C. trav., art. L. 322-3) ;
les indemnités journalières de maladie et maternité (CSS, art. L. 323-5) ;
les indemnités journalières versées à la suite d'un accident du travail (CSS, art. L. 433-3) ;
les pensions et rentes d'invalidité, les pensions de retraite et de réversion (CSS, art. L. 355-2) ;
les pensions de retraite complémentaire (CSS, art. L. 922-7) ;
l'allocation aux vieux travailleurs salariés et l'allocation aux mères de famille (CSS, art. L. 811-16) ;
les allocations servies aux travailleurs ayant relevé de régimes spéciaux (CSS, art. L. 711-10) ;
les allocations du Fonds de solidarité vieillesse ou invalidité (CSS, art. L. 815-13) ;
les pensions servies aux professions non salariées non agricoles (CSS, art. L. 623-1).
Les six dernières prestations (allocations, rentes ou pensions) visées ci-dessus peuvent être saisies, dans la limite de 90 %, au profit des établissements hospitaliers et des caisses de sécurité sociale, pour le paiement des frais d'hospitalisation.
Les sommes perçues par le salarié qui n'ont pas le caractère de salaire peuvent être saisies dans leur intégralité. Il en est ainsi notamment :
des indemnités de licenciement légales ou conven- tionnelles ;
des indemnités transactionnelles.
La saisie des rémunérations ne peut être effectuée qu'en vertu d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Encore faut-il que ce titre vise nommément la personne saisie (4) .
La saisie des rémunérations est décidée par le juge du tribunal d'instance du lieu où demeure le débiteur. Si celui-ci n'a pas de domicile connu, c'est le juge d'instance du lieu où demeure le tiers saisi (c'est-à-dire l'employeur) qui est compétent. Le créancier qui souhaite faire procéder à la saisie des rémunérations de son débiteur doit former une requête par lettre recommandée avec accusé de réception. La demande peut également être remise au secrétariat-greffe du tribunal d'instance.
La procédure de saisie est obligatoirement, sous peine de nullité, précédée d'une tentative de conciliation devant le juge d'instance. Si les parties ne parviennent pas à un accord, la saisie est effectuée dans les 8 jours qui suivent l'audience de conciliation infructueuse ou du jugement ayant rejeté les contestations du débiteur. L'acte de saisie est alors notifié à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception. Une copie de l'acte est adressée par lettre simple au salarié.
Certaines sommes, à destination exclusivement alimentaire, sont totalement protégées, bien qu'elles ne constituent pas un salaire. Il s'agit :
des sommes allouées à titre de remboursement des frais exposés par les travailleurs (indemnités de frais de salissure...) ;
des allocations ou indemnités pour charges de famille versées par l'employeur.
Le calcul de la fraction saisissable est effectué sur le salaire annuel après déduction des cotisations obligatoires, c'est-à-dire sur le salaire net. La loi de modernisation sociale, en cours de publication, confirme que la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale sont, comme les cotisations sociales obligatoires, déduites du salaire annuel. Déduction qui, en pratique, était souvent déjà effectuée.
Les proportions dans lesquelles les rémunérations annuelles peuvent être saisies sont progressives. Elles sont calculées en fonction d'un barème fixé comme suit, depuis le 1er janvier 2002 :
première tranche : 1/20 sur la tranche de salaire inférieure ou égale à 3 000 € ;
deuxième tranche : 1/10 sur la tranche de salaire supérieure à 3 000 €, inférieure ou égale à 5 920 € ;
troisième tranche : 1/5 sur la tranche de salaire supérieure à 5 920 €, inférieure ou égale à 8 880 € ;
quatrième tranche : 1/4 sur la tranche de salaire supérieure à 8 880 €, inférieure ou égale à 11 800 € ;
cinquième tranche : 1/3 sur la tranche de salaire supérieure à 11 800 €, inférieure ou égale à 14 730 € ;
sixième tranche : 2/3 sur la tranche de salaire supérieure à 14 730 €, inférieure ou égale à 17 700 € ;
saisie totale au-delà de 17 700 €. A noter : pour un calcul rapide des proportions saisissables, voir tableau.
Les seuils déterminés ci-dessus sont augmentés d'un montant de 1 120 € par personne à charge du débiteur saisi, sur justification présentée par l'intéressé. Sont considérés comme à charge (C. trav., art. R. 145-2) :
le conjoint ou le concubin du débiteur, dont les ressources personnelles sont inférieures au RMI ;
tout enfant ouvrant droit aux prestations familiales et se trouvant à la charge effective et permanente du débiteur, ainsi que tout enfant à qui ou pour le compte de qui l'intéressé verse une pension alimentaire ;
l'ascendant dont les ressources personnelles sont inférieures au montant du RMI qui habite avec le débiteur ou auquel le débiteur verse une pension alimentaire.
Lorsque la créance à l'origine de la saisie est de nature alimentaire, la rémunération de l'intéressé peut être appréhendée au-delà de la portion saisissable du salaire. Rappelons toutefois que le salarié saisi se voit garantir un minimum de ressources égal au montant du RMI (soit 405,62 € au 1erjanvier 2002).
Sont considérées comme créanciers « alimentaires », les personnes vis-à-vis desquelles l'intéressé a une obligation alimentaire en vertu du code civil (voir encadré ci-dessous). Tout créancier d'une pension alimentaire peut ainsi « se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension ». L'époux créancier d'une pension alimentaire peut, par exemple, se faire payer directement par l'employeur de son conjoint. Cette demande de procédure de paiement direct est recevable dès qu'une échéance de pension alimentaire, fixée par décision judiciaire, n'aura pas été payée à son terme (art. 1 de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973).
Les proches parents ou alliés à qui une pension alimentaire est due en vertu de l'obligation alimentaire prévue par le code civil :- obligation alimentaire des parents envers leurs enfants (art. 203) ;
- obligation alimentaire des enfants envers leurs parents ou leurs autres ascendants dans le besoin (art. 205) ;
- obligation alimentaire des gendres et belles-filles à l'égard de leurs beaux-parents et réciproquement (art. 206 et 207) ;
- obligation alimentaire de l'un des époux en cas de rupture de la vie commune (art. 281) ;
- subsides dus à tout enfant naturel dont la filiation paternelle n'est pas légalement établie, par le père présumé de l'enfant (art. 342) ;
- obligation alimentaire de l'adopté à l'égard de l'adoptant et réciproquement (art.367).
Les époux pour lesquels la procédure de paiement direct de la pension alimentaire peut s'appliquer pour le recouvrement de :
- la contribution aux charges du mariage de l'époux « défaillant » (art.214) ;
- la prestation compensatoire (prestation destinée à compenser la disparité de revenus que la rupture du mariage implique) versée sous forme de rente (art. 276).
En cas de notification d'une demande de paiement direct d'une créance alimentaire, l'employeur verse d'abord au débiteur d'aliments la fraction insaisissable de la rémunération correspondant au revenu minimum d'insertion.
Il verse ensuite au créancier d'aliments les sommes qui lui sont dues et qui peuvent porter sur le terme mensuel et les 6 derniers mois impayés de la créance alimentaire. Le prélèvement est d'abord imputé sur la fraction relativement insaisissable de la rémunération. Si elle est insuffisante, le solde est prélevé sur la fraction saisissable, le créancier alimentaire étant prioritaire sur les autres créanciers.
Lorsque le compte est alimenté par des rémunérations du travail et qu'il fait l'objet d'une procédure de paiement direct de pension alimentaire, l'établissement bancaire laisse en toute hypothèse à la disposition du débiteur, sans qu'aucune demande soit nécessaire, une somme équivalente au montant du revenu minimum d'insertion. En cas de pluralité de comptes, cette somme est imputée sur un seul d'entre eux (art. 47 du décret du 31 juillet 1992).
L'employeur doit faire connaître la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi au secrétariat- greffe du tribunal d'instance. Il doit également faire connaître les cessions, saisies, avis à tiers détenteur (saisie simplifiée opérée par l'administration fiscale pour le recouvrement de ses créances privilégiées) ou paiement direct de créances d'aliments en cours d'exécution. Le délai dans lequel ces informations doivent être fournies, sous peine de sanctions, est fixé à 15 jours au plus à compter de la notification de l'acte de saisie.
En outre, l'employeur est tenu d'informer le secrétariat-greffe du tribunal d'instance, dans les 8 jours, de tout événement qui suspend la saisie ou y met fin (démission du salarié, par exemple).
L'employeur doit verser mensuellement au secrétariat-greffe les retenues pour lesquelles la saisie est opérée. Si l'employeur omet d'effectuer le versement des retenues, le juge peut prendre une ordonnance le rendant personnellement débiteur des retenues. Cette ordonnance devient exécutoire, à défaut d'opposition, dans les 15 jours de sa notification.
Les proportions dans lesquelles les rémunérations sont saisissables sont fixées en tenant compte des rémunérations annuelles. Par commodité - l'employeur étant tenu d'adresser tous les mois au secrétariat-greffe du tribunal d'instance une somme égale à la fraction saisissable du salaire -, le tableau ci-dessus présente les tranches de rémunérations mensuelles saisissables et le montant saisi cumulé en fonction du salaire de l'intéressé et des personnes à sa charge.
Exemple 1 : le débiteur saisi est célibataire. Son salaire annuel net (12 derniers mois) est de 15 540 € ,soit 1 295 € par mois .
- Jusqu'à 1 227,50 € (5 e tranche), le montant saisi cumulé est de 228,38 €.
- Au-delà de 1 227,50 € et jusqu'à 1 295 € , le montant obtenu est affecté du coefficient applicable à la 6 e tranche, à savoir 2/3. Le montant saisissable est donc de 45 € (67,5 € x 2/3). La saisie totale est de 228,38 € + 45 € , soit 273,38 € par mois .
Exemple 2 : le débiteur perçoit également 15 540 € par an, soit 1 295 € mensuels, mais a un enfant à charge.
- Jusqu'à 1 076,66 € (4 e tranche), le montant saisi cumulé est de 151,65 € .
- Au-delà de 1 076,66 € et jusqu'à 1 295 € , le montant obtenu est affecté du coefficient applicable à la 5 e tranche, à savoir 1/3. Le montant saisissable est donc de 72,78 € (218,34 € x 1/3). La saisie totale est de151,65 € + 72,78 € , soit 224,43 € par mois.
Lorsque le salarié perçoit des rémunérations de plusieurs employeurs, la fraction saisissable est calculée sur l'ensemble de ces sommes. Les retenues sont opérées selon des modalités déterminées par le juge d'instance. Si l'un d'eux est en mesure de verser la totalité de la fraction saisissable, la saisie peut être pratiquée entre ses mains.
En cas de changement d'employeur, la saisie peut être poursuivie entre les mains du nouvel employeur, sans conciliation préalable, à condition que la demande en soit faite dans l'année qui suit l'avis donné par l'ancien employeur. A défaut, la saisie prend fin et les sommes sont réparties.
(1) Pour en savoir plus, voir le supplément ASH « Le surendettement » - Décembre 1999 à 72.
(2) Voir ASH n° 2088 du 9-10-98.
(1) 2001. La lutte contre le racisme et la xénophobie - La Documentation française : 29/31, quai Voltaire - 75 344 Paris cedex 07 - Tél . 01 40 15 70 00 - 23 €.
(2) La CNCDH procédait auparavant chaque année à un sondage quantitatif d'opinion relatif aux attitudes des Français face à la xénophobie et au racisme.
(3) Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.