Recevoir la newsletter

Indignation après la publication d'une note du Quai d'Orsay sur l'asile

Article réservé aux abonnés

La publication, le 10 janvier, par notre confrère L'Express, d'une note de Jean-Pierre Lafon, haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France et président de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a provoqué l'irritation, pour ne pas dire le courroux, des associations qui interviennent auprès des demandeurs d'asile. Ce rapport souligne la « progression considérable » des demandes reçues par l'OFPRA entre 1996 et 2001 (passées de 17 000 à 48 000). Et son auteur y pointe ce qu'il considère comme les « dérives flagrantes [...]constatées à chacune des étapes du droit d'asile en France ».

Les mailles du filet trop lâches

« L'asile à la frontière ne filtre plus les demandes manifestement infondées », affirme-t-il, rappelant que 95 % des personnes invoquant l'asile aux frontières ont été admises en 2001, alors que le Quai d'Orsay a émis 38 % d'avis favorables. Plusieurs raisons à cette situation, parmi lesquelles « la fraude documentaire qui se généralise et le défaut de coopération des demandeurs », ou encore « un maintien en zone d'attente qui est rendu de plus en plus aléatoire à Roissy en raison de décisions judiciaires contradictoires du tribunal de grande instance [TGI] de Bobigny, de la cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation ». Jean-Pierre Lafon déplore en substance les motifs donnés par les juridictions pour refuser ce maintien, « dépassement des capacités d'hébergement », « absence d'interprète », « défaut d'entretien avec l'agent du ministère des Affaires étrangères », etc. Alors qu'elles devraient selon lui « se borner à vérifier si les conditions hôtelières d'hébergement sont respectées ».

L'auteur regrette également l'accroissement de la proportion des décisions de l'OFPRA annulées par la Commission de recours des réfugiés. Laquelle a, avec d'autres juridictions, « une lecture toujours plus protectrice de la convention de Genève ». Autres failles pointées : « l'asile territorial (1) devient un moyen facile pour se maintenir sur le territoire », d'autant plus qu' « il n'existe aucun mécanisme pour écarter les demandes abusives », « la procédure de regroupement familial des réfugiés est source d'abus », « les mesures d'éloignement des déboutés sont très rarement mises en œuvre ».

« En premier lieu, c'est la méthode qui est choquante », commente Claire Rodier, permanente du Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI)   (2) et membre du secrétariat de la Coordination pour le droit d'asile. « Les associations essaient vainement depuis plusieurs mois d'avoir un dialogue avec les pouvoirs publics. Elles ont proposé dans une plateforme (3) une critique constructive du dispositif d'asile, avec notamment des propositions d'améliorations législatives, mais n'ont obtenu que de simples toilettages techniques. Et elles découvrent dans un magazine la doctrine officielle des Affaires étrangères et du gouvernement ! », s'indigne Claire Rodier.

Sur le fond, le GISTI dénonce une « manipulation des chiffres », argumentant, par exemple, que le taux de 95 % de demandeurs d'asile aux frontières qui entrent sur le territoire n'est calculé que sur l'ensemble des personnes dont la demande a été enregistrée. Une nuance importante quand « les associations qui interviennent dans les zones d'attente constatent que la moitié des demandes ne sont pas prises en compte ». Forum réfugiés (4), de son côté, relève que « si la France enregistre depuis 1997 une hausse continue des arrivées de demandeurs d'asile, le chiffre de 2001 (48 000) est encore très en deçà des 61 000 demandes de 1989 ».

Des généralisations abusives

Amnesty international (5) juge en outre « inquiétante » l'image des demandeurs d'asile donnée par ce rapport, qui insiste sur la « fraude », les « usurpations d'identité », les « déclarations mensongères »... « Ces faits existent, ne les nions pas. [...] Mais ne donnons pas non plus une image fausse du demandeur d'asile », réclame l'association.

Plus fondamentalement, « la stigmatisation des juges du TGI, garants des libertés individuelles, et de la Commission de recours des réfugiés, juridiction administrative dont les décisions s'imposent à l'OFPRA [...], est un procédé inacceptable », s'insurge Forum réfugiés. Claire Rodier renchérit : « Dans ce rapport, les juges apparaissent comme des complices de demandeurs d'asile fraudeurs, libérant systématiquement sous des motifs présentés comme futiles, comme l'absence d'interprète. Il est curieux de voir un haut fonctionnaire reprocher aux juges de faire respecter les droits fondamentaux. »

C. G.

Notes

(1)  Introduit par la loi du 11 mai 1998. Voir ASH n° 2071 du 15-05-98.

(2)  GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.

(3)  Voir ASH n° 2235 du 2-11-01.

(4)  Forum réfugiés : BP 1054 - 69612 Villeurbanne cedex - Tél. 04 78 03 74 .

(5)  Amnesty international : 76, bd de la Villette - 75940 Paris cedex 19 - Tél. 01 53 38 65 65.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur